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3. L ES REVETEMENTS POUR OUTILS COUPANTS

3.4. Q UELLES SONT LES EVOLUTIONS TECHNIQUES DES

3.4.3. L ES DIFFICULTES D ’ APPLICATION DE CES EVOLUTIONS CHEZ LES UTILISATEURS

Avant de présenter les évolutions constatées chez les clients utilisateurs, il est nécessaire de constater un important décalage entre la très grande quantité de revêtements développés par les laboratoires ou les fabricants de machines de déposition et les applications chez les clients. Plusieurs raisons peuvent expliquer cet état de fait :

♦ Un obstacle important à la diffusion des innovations techniques vient du fait que les

développements faits par les fabricants de machines de déposition (pour vendre leurs machines) sont destinés à leurs clients : les fabricants d’outils. Ils sont donc à un niveau n-2 par rapport aux utilisateurs finaux. De plus, il faut avoir à l’esprit que les fabricants d’outils sont parfois eux-mêmes des producteurs de revêtements (machines achetées à ces mêmes fournisseurs). Ils se trouvent donc en permanence dans la dualité de rentabiliser leurs installations de dépôt ou de sous-traiter ces dépôts chez les fabricants de machines. Les fabricants d’outils sont ainsi un filtre puissant à la diffusion de nouveaux revêtements. Si on rajoute aux constatations précédentes le fait que les principaux développements sont menés par des laboratoires universitaires qui sont au niveau n-3, on peut aisément imaginer que le décalage entre les innovations et les applications en série sont plus importantes.

Dans la pratique, quelques très grandes sociétés fabricantes des revêtements et des machines de déposition arrivent à mener des campagnes marketing d’une telle ampleur auprès des utilisateurs (brochures, salons, visites, magazines spécialisés, etc.), que ceux-ci imposent parfois implicitement ou explicitement le revêtement aux fabricants d’outils. Les petites sociétés privilégient les communications dans les conférences et les journaux scientifiques pour faire la promotion de leurs produits (moins coûteux). Or ces documents ne sont pas diffusés chez les utilisateurs finaux.

♦ Par ailleurs, l’impact des évolutions techniques des revêtements n’est pas ressenti de la même

façon entre une production de grande série comme l’industrie automobile, ou une société de mécanique générale, ou une société aéronautique produisant des pièces en superalliage ou enfin un producteur de moules et matrices.

Si on commence par le cas des productions de grande série, ces sociétés sont en général de nature prudente et ne souhaitent pas forcément s’engager dans de grandes campagnes de

validation de nouveaux revêtements s’ils ne sont pas persuadés à priori de faire des gains importants. Il faut dès lors avoir à l’esprit que le coût outil représente généralement une part très faible du coût final d’une pièce ; loin derrière les coûts de structure, les coûts d’amortissement des moyens de production et les coûts humains [Rech_01c]. Aussi lorsqu’un fabricant vient faire la promotion d’un nouveau revêtement, aucun réglage de production n’est modifié afin de ne pas perturber le flux de production. Dans le meilleur des cas, où les conditions d’utilisation sont favorables au nouveau revêtement (cas rare), le fabricant ne pourra que montrer que ce nouveau revêtement permet de réduire la consommation d’outils, ce qui peut représenter une satisfaction intellectuelle pour le chef d’atelier, mais ce qui représente en fait un gain global négligeable. Ceci est donc un premier obstacle majeur au développement de nouveaux revêtements. Les seules opportunités d’applications qui se présentent concernent certaines fabrications ‘à problèmes’ qui immobilisent leurs lignes et leurs opérateurs, et pour lesquelles les utilisateurs sont prêts à tester de nouvelles solutions. Une autre opportunité d’applications de nouveaux revêtements est liée à des évolutions stratégiques à long terme comme l’usinage à sec ou l’usinage à grande vitesse et pour lesquelles des moyens techniques et humains sont mobilisés pour évaluer de nouvelles solutions. C’est dans ce cadre là que s’inscrit ce mémoire de thèse.

Dans le domaine de l’aéronautique, les contraintes techniques, financières, humaines et stratégiques, énoncées précédemment, sont un peu différentes. En effet, il s’agit d’un domaine dans lequel le coût des outils représente une part importante du coût final. Mais surtout, il s’agit d’un domaine où toutes les innovations techniques, permettant de garantir que l’outil terminera la pièce sans risque de casser, sont observées avec attention, car les coûts de rebut des pièces sont énormes, ainsi que les coûts de retouche de celles-ci. On comprend donc aisément qu’un nombre important d’innovations dans le domaine des revêtements soient orientées vers ce marché des superalliages. Ces dépôts font l’objet de diffusions restreintes (niches technologiques).

Les fabricants de moules et matrices sont également des utilisateurs très attentifs aux innovations techniques dans le domaine des outils et des revêtements. En effet, les contraintes de délais les obligent à produire les empreintes de plus en plus rapidement (délais d’industrialisation des pièces de design de plus en plus court). Ceci les contraint à supprimer les opérations intermédiaires de traitement thermique et donc à usiner des matériaux prétraités qui présentent des sollicitations bien plus importantes que ne peuvent subir les outils classiques avec les anciens revêtements comme le TiN [Rech_02c]

[Mois_02]. Ils sont donc à la recherche d’outils d’ébauche capables d’accroître les débits de matière, mais aussi à la recherche d’outils de finition capables de finir une empreinte sans changer d’outils. Les innovations des revêtements percent donc plus facilement dans ce domaine.

Pour ce qui concerne les PME de mécanique générale, les applications d’usinage qu’elles ont à traiter sont si variées qu’elles ne peuvent que faire le choix d’outils polyvalents sachant usiner aussi bien des aciers de construction, que des aciers inoxydables, des alliages d’aluminium, de la fonte, etc. On comprend dès lors que les revêtements de la famille des nitrures de titane y soient largement répandus, car ils présentent des performances moyennes très acceptables pour ces applications. Il est de plus très difficile de les convaincre d’évoluer dans leurs choix, notamment si ces nouveaux revêtements revoient les prix à la hausse. Enfin, il faut également garder à l’esprit un élément technique et humain très important pour ces sociétés : les outils revêtus TiN (couleur dorée) sont très faciles à suivre en usure (à l’œil) alors que tous les nouveaux revêtements sont bien plus délicats à analyser : Ti(C,N) a une couleur gris-sombre, le (Ti,Al)N a une couleur violet-foncé, etc. Cet élément est un point bloquant pour les nouveaux revêtements, sauf si les fabricants font appel à la technique du multicouche avec une ultime couche de TiN (astuce marketing utilisée également dans les domaines précédents et qui conduit à brouiller encore un peu plus les cartes lors d’un choix d’outil à l’aide d’un catalogue fabricant).