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L’enseignement supérieur en Haïti et la motivation des étudiants

1. Chapitre 1 : Problématique

1.3 L’enseignement supérieur en Haïti

1.3.2 L’enseignement supérieur en Haïti et la motivation des étudiants

L’UNESCO, que nous avons citée précédemment, mentionne que les étudiants doivent être au centre des préoccupations des décideurs puisque l’un des objectifs prioritaires de l’enseignement supérieur, dans un pays moins avancé comme Haïti, devrait être la formation de personnes qualifiées capables, particulièrement, d’innover afin d’aider le pays à faire face à la compétitivité, à s’adapter aux effets de la mondialisation et de parvenir ainsi au développement économique. La solution intermédiaire qui a consisté à établir des relations de coopération pour faciliter la formation de cadres à l’étranger n’est pas vraiment une réussite puisque 85 % des diplômés haïtiens bénéficiaires d’une bourse d’études à l’étranger choisissent d’émigrer et ne retournent pas en Haïti (Leclerc, 2013). Nous devons donc chercher les solutions avec ceux qui étudient en Haïti et pour commencer, nous allons essayer de connaitre les obstacles auxquels ils font face lorsqu’ils envisagent de s’engager en formation.

Comme nous venons de voir que le pays fait partie du grand mouvement des sociétés de savoir, nous pouvons supposer que les candidats haïtiens aux études supérieures font face à des obstacles liés au manque de temps, au financement, à l’information et enfin à la motivation, probablement avec encore plus d’acuité que d’autres puisqu’ils se trouvent dans le pays le moins avancé du continent. Le premier obstacle que nous essayons de traiter est le

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financement, car dans un pays sous-développé, nous pouvons supposer qu’il a un gros impact. L’enquête sur les conditions de vie en Haïti en 2001 montrait que les frais scolaires et le matériel représentaient entre 38 % et 49 % de la dépense totale d’éducation des ménages (Institut haïtien de statistiques et d’informatique IHSI, 2003). Nous pouvons supposer que ces mêmes chiffres s’appliquent à l’enseignement supérieur qui ne faisait pas partie de cette enquête de l’IHSI. Cependant, dans son article, après le tremblement de terre, Beauchemin nous dit que pour l’une des universités privées en Haïti, les étudiants déboursaient par trimestre de 900 à 1300 dollars (Beauchemin, 2010). Pour les étudiants de l’UEH, le problème est moins crucial, car le recteur parle de 20 dollars par année (Beauchemin, 2010), chiffre qui nous semble sous-évalué lorsqu’il faut prendre en compte tous les frais associés aux études. Ainsi, nous savons que de manière générale, les coûts indirects surpassent souvent les coûts directs des études (Boeren, Nicaise, et Baert, 2010). En résumé, les étudiants haïtiens font certainement face à de gros problèmes financiers.

Nous explorons maintenant l’obstacle de l’information par le truchement de l’UEH, l’université la plus ancienne du pays. Elle a son siège dans la capitale et compte 11 unités d’enseignement et de recherche. La deuxième ville du pays, le Cap-Haïtien, héberge l’unique faculté de l’UEH en province et six autres villes ont une école de droit (Leclerc, 2013). Il est donc évident que le nombre de programmes ou de filières est très limité. La poursuite des études supérieures aux 2e et 3e cycles est encore plus problématique. Ainsi, le deuxième cycle des études supérieures (la maîtrise) a commencé ses activités en 1979 et compte environ une dizaine de programmes (Paul, 2011). Le troisième cycle des études supérieures (le doctorat) a vu le jour en octobre 2012 et effectue donc ces premiers pas (Tibère, 2013). Pour l’obstacle du temps, il concerne les apprenants adultes de tous les pays et est lié au fait que ce soit des adultes qui entreprennent des formations et que ces personnes font souvent face à des engagements familiaux et professionnels en plus de leurs études.

Il reste donc la motivation qui curieusement ne semble pas être un obstacle en Haïti. En effet, en faisant l’énoncé de toutes les barrières aux études supérieures, particulièrement celles liées à l’information, nous avons mentionné qu’un programme du 3e cycle faisait ses premiers pas dans le pays. Le fait par l’UEH de commencer ce programme deux ans après le tremblement

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de terre, en période de coupes supplémentaires dans les montants consacrés aux études supérieures dans le budget national, semble être insensé. Cependant, l’UEH justifie sa décision en s’appuyant sur un rapport d’études qui affirme que le besoin et la demande pour les études supérieures sont forts. Nous relevons une phrase de ce rapport qui résume en quelques mots le bien-fondé des efforts de mise en place d’un programme de troisième cycle en Haïti à l’UEH à savoir que :

La demande de signature de doctorat en cotutelle d’une part, et de la multiplication des offres d’études en maitrise au sein de l’UEH ainsi que le nombre de boursiers issus de l’UEH en master à l’étranger d’autre part, justifie le projet de mise en place d’un programme doctoral permettant aux candidats intéressés de poursuivre leurs études et recherches en Haïti (Paul, 2011, p. 3).

Ainsi, malgré les problèmes d’information, de temps et de financement, les adultes haïtiens paraissent motivés à s’engager aux études au point d’avoir pu justifier la mise en place du troisième cycle des études supérieures en dépit de la précarité des moyens de l’UEH. En outre, cette motivation s’exprime aussi par la demande qui a pu générer l’offre de services privée en enseignement supérieur malgré les obstacles de financement que nous avons déjà mentionnés. Une recherche sur la motivation des étudiants haïtiens aux études supérieures permettrait possiblement de répondre à des questions dans les situations suivantes :

 Les étudiants désirant poursuivre leurs études supérieures pourraient mieux analyser leurs attentes et comprendre les obstacles auxquels ils font face.

 Le 30 mars 2012, à l’installation du nouveau conseil exécutif de l’UEH, le recteur a annoncé la mise en place de programmes de maîtrise et de doctorat dans le plus grand centre universitaire du pays. Il veut aussi changer l’image de l’institution et faire de l’UEH une référence dans les Caraïbes (Hilaire, 2012). Il nous semble donc que les données de notre recherche pourraient servir dans la mise en place d’un tel plan en fournissant les informations permettant de placer les futurs étudiants au centre des préoccupations de l’université et de répondre efficacement à leurs besoins conformément aux attentes de l’UNESCO.

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 Les données recueillies serviraient aussi les partenaires internationaux comme le Canada et le Québec, très impliqués en Haïti, mais aussi des universités comme l’Université de Montréal (UdeM).

 Haïti fait partie de nombreuses organisations internationales dont l’UNESCO qui a un bureau en Haïti. La signature des déclarations et autres documents engage l’État haïtien, mais aussi les partenaires internationaux qui souhaitent voir des progrès en Haïti. Notre travail pourrait y contribuer indirectement.

 Enfin, les études et les données de recherche sur Haïti sont peu nombreuses en raison de l’état d’urgence presque permanent que connaît le pays. Cette absence de recherches affecte aussi l’enseignement supérieur qui fait l’objet actuellement d’un projet, financé par les partenaires techniques, visant à mettre en place un système d’information pour la refondation de l’enseignement supérieur en Haïti (St Juste, 2013). Notre démarche participerait, il nous semble et nous l’espérons, à cet effort et faciliterait la prise de décisions pouvant aider à mettre en place un enseignement supérieur tourné vers le développement humain durable en Haïti.

D’une part, suite à notre analyse du nouveau rôle de l’enseignement supérieur, nous sommes parvenue à la conclusion de l’intérêt prioritaire de l’engagement des adultes en formation. Vu les liens reconnus de la motivation à l’apprentissage, nous avons déduit avec Pires (2009) qu’il est très important de s’intéresser à la motivation à l’engagement à la formation des adultes, car « aujourd’hui la problématique de la motivation des adultes à la formation déborde du seul champ pédagogique, contribuant aux problématiques socio-économiques larges de formation » (Carré et al., 2001, p. 25).

D’autre part, nous avons démontré que les étudiants haïtiens sont très motivés à s’engager en formation malgré les nombreux obstacles. Cette situation est paradoxale lorsqu’on considère que Fenouillet, parlant de la motivation à l’engagement vu comme un projet, nous dit que cette dernière « qui caractérise une dynamique propre à l’individu ne peut s’exprimer que si les contraintes qui lui sont extérieures ne sont pas trop fortes. Dans cette perspective, les motifs font donc partie d’un vaste processus qu’il conviendrait de décrire pour espérer

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remonter aux causes » (Fenouillet, 2011a, p.19). Ainsi donc, il nous semble pertinent de nous questionner sur la motivation expliquant l’engagement des étudiants haïtiens aux études supérieures vu cette situation paradoxale, soit donc :

Quels sont les motifs expliquant l’engagement des étudiants haïtiens aux études supérieures en Haïti?

Notre objectif général est donc de connaître les motifs des étudiants haïtiens lorsqu’ils s’engagent aux études supérieures avec des données qui proviennent de leur propre perception. Il s’agit donc de pouvoir identifier les facteurs de motivation à la base de cette décision avec des données du milieu haïtien. De manière plus explicite, nous serons capable, à la fin de notre recherche de :

1. Décrire les motifs pour lesquels les étudiantes et étudiants haïtiens s’engagent dans des études supérieures de niveau maîtrise ou doctorat.

2. Identifier les obstacles auxquels elles ou ils font face dans ce processus et les moyens utilisés pour composer avec ces obstacles.

Cette recherche permettra de :

 Collecter des données sur la motivation des étudiants haïtiens aux études supérieures en Haïti en tenant compte de la perception même des étudiants.

 Rassembler des données qui pourraient aider lors de la mise en place de mesures visant à améliorer l’enseignement supérieur en Haïti que ce soit par les acteurs locaux ou internationaux.

 Fournir des données pouvant être utiles à la mise en place de mesures capables d’adresser réellement les obstacles à l’engagement aux études supérieures en Haïti.