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L’enseignement supérieur en Haïti à l’heure des sociétés de savoirs

1. Chapitre 1 : Problématique

1.3 L’enseignement supérieur en Haïti

1.3.1 L’enseignement supérieur en Haïti à l’heure des sociétés de savoirs

Nous avons commencé notre problématique en établissant le lien entre développement et enseignement supérieur. Pour approfondir la compréhension d’un tel énoncé, nous avons analysé la place de l’enseignement supérieur dans le contexte mondial du XXIe siècle au travers des concepts de l’économie de savoir et des sociétés de savoir. Nous avons vu qu’une nouvelle définition du rôle de l’enseignement supérieur découlait de ces sociétés fondées sur la connaissance. Cependant, les perspectives ne sont pas que positives avec cette nouvelle donne mondiale. L’UNESCO évoque clairement ses préoccupations en référence à la réalité de la « fracture cognitive qui sépare les pays les plus favorisés des pays en développement, notamment les pays les moins avancés, tandis que, au sein même des sociétés, des fractures tout aussi profondes apparaissent ou s’élargissent » (UNESCO, 2005, p. 5).

C’est ainsi qu’à la sixième conférence internationale sur l’éducation des adultes (CONFINTEA VI), les participants ont « avancé que l’accès aux différentes technologies ainsi que la capacité à les décoder, à les comprendre et à se les approprier constituent un droit humain. » (UNESCO, 2010). Haïti connaît les effets du développement des technologies de l’information dans les sociétés de savoir. D’ailleurs, la population majoritairement composée de jeunes, 40 % de la population a moins de 15 ans (Beauchemin, 2010), est très attirée par les

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objets de cette société de l’information. Nous relevons ce constat dans un rapport du directeur national du projet Haïti et société de l’information, du Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD). Il nous dit que « malgré le très faible degré d’exposition, la population et les jeunes en particulier sont fortement attirés par ces technologies et ne ratent aucune occasion propre à les en rapprocher » (Noel, 2003, p. 87). De manière plus récente, lors d’une entrevue du directeur général du CONATEL (Conseil national des télécommunications en Haïti), nous apprenons qu’environ 6 millions de téléphones cellulaires sont activés dans le pays soit plus d’un Haïtien sur deux a un téléphone portable tandis que la pénétration de l’internet est d’environ 13 %, soit environ 1 500 000 utilisateurs (Duval, 2013).

Malheureusement, comme mentionné précédemment, le pays fait partie des moins avancés du continent. Depuis 1986, il s’est engagé dans un processus démocratique visant la paix et le développement économique durable. Cependant, la culture démocratique n’est pas encore intégrée dans le fonctionnement du pays et l’enseignement supérieur y est vu souvent comme un danger par les pouvoirs politiques qui préfèrent donc se concentrer sur l’éducation primaire. Ce choix du pouvoir politique a des conséquences sur l’enseignement supérieur en ce qui concerne la structure et l’attribution des ressources.

L’accès aux données fiables est extrêmement difficile pour Haïti. Cependant, nous avons pu trouver deux articles de chercheurs universitaires travaillant au Québec à partir desquels nous allons présenter la situation de l’enseignement supérieur en Haïti. Ce dernier connaît, donc, de graves problèmes structurels. Ainsi, on compterait environ 200 établissements d’enseignement, situés à 80 % dans le département de l’Ouest, et dont seulement 47 auraient les accréditations pour délivrer des diplômes (Toussaint, 2013). Ces institutions regrouperaient environ 220 000 étudiants, dont 12 % dans le secteur public. L’Université d’État d’Haïti (UEH) qui est la plus ancienne institution d’études supérieures du pays compterait environ 24 000 étudiants. La multiplication des institutions privées ne semble cependant pouvoir combler l’écart face à la demande « puisqu’il y aurait quelque 20 000 jeunes qui poursuivent leurs études à l’étranger, dont environ 75 % en République Dominicaine. » (Moisset, 2013).

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Toujours en nous appuyant sur les travaux de ces deux chercheurs, nous voyons que les conditions de fonctionnement de ces établissements sont inadéquates qu’il s’agisse des différents types de ressources, des processus d’enseignement ou des résultats. Ainsi, en se basant sur des données de l’État haïtien de 2009, Moisset nous dit que 1550 des 1900 enseignants sont des chargés de cours et plus de 80 % d’entre eux ne détenaient pas une maîtrise ou un doctorat. Avec eux, nous pouvons résumer ainsi la situation : le nombre de diplômés est faible; il y a une absence quasi totale de travaux de recherche; les conditions de fonctionnement des enseignants et des étudiants sont déplorables; la déficience des infrastructures et des équipements existants est visible; il y a un manque et une inadéquation des matériels didactiques, des ressources bibliothécaires et des laboratoires de recherche; les programmes de formation sont mal adaptés au contexte et aux besoins du pays. (Moisset, 2013; Toussaint, 2013).

Un dernier point à considérer dans les problèmes structurels est la gouvernance. En effet, il n’existe pas de cadre réglementaire et normatif pour l’enseignement supérieur en Haïti. Aussi, chaque institution décide comme elle veut de son organisation. Le ministère de l’Éducation nationale et de la Formation professionnelle (MENFP, 2010) reconnaissait ainsi la situation en disant :

Une totale restructuration s’impose, qui conduira à un nouveau mode de fonctionnement de l’enseignement supérieur qui devra, d’une part, contribuer aux besoins divers d’épanouissement des citoyens à travers le pays et, d’autre part, fournir à la société haïtienne les capacités et les compétences techniques et intellectuelles nécessaires à la prise en charge de son développement économique et à son insertion pleine et entière dans le monde contemporain tant au niveau régional que global. (MENFP, 2010, p. 74, cité dans Toussaint, 2013).

Il nous reste à parler de l’attribution des ressources et de leur utilisation. Moisset nous dit qu’entre 2009 et 2013, les allocations à l’UEH sont passées de 0,5 % des crédits totaux du pays à 0,88 %. Cependant, les conditions sont telles que cette institution publique réclame parfois des frais aux étudiants alors qu’elle devrait être gratuite (Moisset, 2013) . Pour finir, nous résumons la situation de l’enseignement supérieur en Haïti avec les mots du MENFP (2010) qui nous dit que « le système éducatif, depuis plus de deux décennies, fait face à des problèmes tant sur le plan de l’offre (accès et participation), de l’efficacité interne, de la

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qualité et de l’efficacité externe que de la gouvernance. » (MENFP, 2010, cité dans Toussaint, 2013). De plus, l’accès à l’emploi malgré les études n’est pas garanti dans un pays où le chômage touche 50 % à 70 % de la population et où la corruption règne (Leclerc, 2013).

En somme, Haïti, comme pays moins avancé, doit faire face à « un double impératif : d’une part, trouver des solutions aux problèmes lancinants d’équité, de qualité et de gouvernance; d’autre part, à l’instar des pays industrialisés, relever les nouveaux défis découlant de l’édification d’économies axées sur le savoir et des sociétés démocratiques » (Banque Mondiale, 2003, p. 28). Pour y parvenir ou faire des avancées en lien avec les sociétés de savoirs, il faut comprendre la motivation des acteurs principaux de l’enseignement supérieur en Haïti, soit les étudiants haïtiens.