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L’endocannabinoïdome et les troubles du comportement alimentaire

1.3 L’endocannabinoïdome

1.3.5 L’endocannabinoïdome et les troubles du comportement alimentaire

Selon la cinquième édition du Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux (DSM-5), « les troubles des conduites alimentaires et de l’ingestion d’aliments se caractérisent par des perturbations persistantes de l’alimentation ou du comportement alimentaire entrainant un mode de consommation pathologique ou une absorption de nourriture délétère pour la santé physique ou le fonctionnement social » (American Psychiatric Association, 2015). Bien que l’étiologie de ces troubles demeure méconnue, des facteurs génétiques, socioculturels et psychologiques ont été mis en cause. Plusieurs médiateurs centraux et périphériques de l’appétit, impliqués dans la modulation des aspects homéostatiques et hédoniques de l’alimentation, ont été étudiés et les recherches suggèrent que des changements dans les niveaux de ces médiateurs pourraient contribuer au développement ainsi qu’au maintien des troubles du comportement alimentaire. Parmi les différents systèmes impliqués dans la prise alimentaire, l’endocannabinoïdome a été suggéré comme jouant un rôle dans l’étiologie des troubles du comportement alimentaire (Monteleone & Maj, 2013).

Une étude réalisée par Collu et coll. a démontré que chez un modèle de rats anorexiques basé sur l’activité, les niveaux des endocannabinoïdes et de leurs congénères sont significativement diminués dans différentes régions du cerveau impliquées dans la régulation homéostatique et hédonique de l’alimentation. Les chercheurs ont également observé que la densité du récepteur CB1 était réduite dans certaines régions du cerveau suggérant des altérations de la signalisation des endocannabinoïdes et de leurs congénères dans l’anorexie (Collu et al., 2019). Il a également été observé que les niveaux plasmatiques d’AEA sont plus élevés chez les femmes souffrant d’anorexie mentale et d’accès hyperphagique comparativement à des femmes n’ayant pas de trouble du comportement alimentaire. De plus, chez les femmes souffrant d’anorexie mentale, les niveaux plasmatiques d’AEA sont inversement corrélés avec les niveaux plasmatiques de leptine suggérant des altérations à la fois dans la signalisation des endocannabinoïdes et dans la signalisation de la leptine dans les troubles du comportement alimentaire (Monteleone et al., 2005). Des altérations dans les niveaux d’OEA du liquide cérébro-spinal ont également été observées chez des individus ayant souffert d’un trouble du comportement alimentaire (Capasso et al., 2018).

Par ailleurs, les niveaux sanguins d’ARN messager des récepteurs CB1 et CB2 ont également été étudiés chez des patients souffrant d’un trouble du comportement alimentaire. Une augmentation des niveaux sanguins d’ARN messager du récepteur CB1 a été observée chez les femmes souffrant d’anorexie mentale et de boulimie comparativement à des femmes n’ayant pas de trouble du comportement alimentaire. Paradoxalement, l’expression du récepteur CB1 était inversement corrélée avec des formes plus sévères de la maladie évaluées à l’aide de l’Eating Disorders Inventory-2. Selon les auteurs, une augmentation de l’expression du récepteur CB1 pourrait compenser pour une diminution présumée de la sensibilité du récepteur ou encore, cela pourrait être une conséquence de l’augmentation des niveaux des endocannabinoïdes observée chez les individus souffrant d’un trouble du comportement alimentaire (Frieling et al., 2009).

Une augmentation de la disponibilité du récepteur CB1 dans différentes régions du cerveau a également été observée chez des femmes souffrant d’anorexie mentale et de boulimie dans une étude de la tomographie par émission de positrons. La disponibilité des récepteurs CB1

était augmentée dans le cortex insulaire bilatérale qui est une région clé dans le contrôle neuronal de l’intéroception (Gérard et al., 2011). Il a été suggéré que cette augmentation de la disponibilité du récepteur CB1 pourrait compenser pour une hypoactivité présumée du système endocannabinoïde dans des conditions d’anorexie, hypothèse qui est cependant en contradiction avec les résultats de l’étude de Monteleone et coll. (Monteleone et al., 2005). Les résultats de cette étude suscitent beaucoup d’intérêt étant donné que la mesure des composantes du système endocannabinoïde dans le cerveau est très difficile chez l’humain.

Pour finir, des études de génétiques ont également été réalisées afin d’identifier des gènes de l’endocannabinoïdome impliqués dans l’étiologie des troubles du comportement alimentaire. Entre autres, les gènes codant pour les récepteurs cannabinoïdes ainsi que pour certaines enzymes de dégradation des endocannabinoïdes ont été analysés. Les chercheurs d’une première étude réalisée auprès de 52 familles (c.-à-d. parents avec une ou deux filles ayant reçu au cours de sa vie un diagnostic d’anorexie mentale) ont génotypé le nombre de répétitions trinucléotidiques (AAT) dans le gène CNR1 codant pour le récepteur CB1, un variant génétique suggéré comme étant impliqué dans les désordres neuropsychiatriques. Les auteurs de cette étude ont observé une transmission préférentielle de différents allèles dans chacun des sous-types d’anorexie mentale (c.‑à‑d. anorexie de type restrictif et anorexie de type accès hyperphagiques/purgatif) suggérant de potentielles associations entre différents allèles du gène codant pour le récepteur CB1 et différents sous-types d’anorexie mentale (Siegfried et al., 2004). De plus, chez des sujets souffrant d’anorexie mentale et de boulimie, des associations entre certains polymorphismes du gène CNR1 et du gène codant la FAAH, une enzyme de dégradation de l’endocannabinoïdome, ont été observées à la fois chez les individus souffrant d’anorexie mentale que chez les individus souffrant de boulimie (Monteleone et al., 2009). À l’inverse, dans une étude réalisée auprès de 91 trios familiaux, incluant chacun un patient anorexique et les deux parents biologiques, aucune variation des gènes codant pour le récepteur CB1 ainsi que pour certaines enzymes de dégradation (FAAH, NAAA, MAGL) n’a été observée (Müller et al., 2008). Finalement, un polymorphisme du gène codant pour le récepteur CB2 a été associé à l’anorexie mentale et la boulimie suggérant l’implication du récepteur CB2 dans les mécanismes de signalisation de l’endocannabinoïdome associés aux troubles du comportement alimentaire (Ishiguro et al., 2010).

1.3.6 Pertinence d’explorer les liens entre les comportements alimentaires

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