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PARTIE I ETAT DE L’ART ET ANCRAGES THEORIQUES : LA

1.1 L’ ENRACINEMENT DE LA RSE

1.2.2 L’encadrement de la RSE

Bien que qualifié de droit mou ou de « soft law » par certains auteurs c’est-à-dire « qui ne peut engager directement la responsabilité juridique de l’entreprise » (Lacroux, Ben Larbi, 2009), car « se situant ainsi en dehors des frontières du discours juridique » (Callies, Renner, 2013), pour d’autres chercheurs la RSE interroge l’articulation entre la « soft law » et la « hard law » (Moreau, 2006). Néanmoins, comme nous l’avons souligné précédemment, le caractère volontaire de la RSE est une composante importante dans la conception européenne (Ségal et al., 2003) qui se veut être incitative et favoriser l’autorégulation des firmes (Branellec, 2011 ; Crifo et al., 2012 ; Branellec, Lee, 2015). Cependant, malgré cette liberté qui caractérise le concept de RSE, l’action et les stratégies des entreprises restent néanmoins encadrées sur le plan international (A), interne et européen (B) et par la normalisation (C).

A) L’encadrement international

Au plan international, il existe plusieurs référentiels d’engagement, de conduite et des outils pour opérationnaliser la RSE. Ces instruments proposent une grille de lecture de la RSE ainsi que les comportements socialement responsables à adopter. Parmi cet encadrement international, on dénombre :

- les conventions de l’Organisation Internationale du Travail (OIT), qui concernent les principes et droits fondamentaux au travail ;

- la déclaration tripartite de l’OIT sur les multinationales : adopté par le Conseil d’Administration du Bureau International du Travail en 1977 et amendée en 2000, cette déclaration à valeur déclarative a pour vocation de stimuler les firmes multinationales à « contribuer positivement au progrès économique et social » ; - le développement des accords-cadres internationaux (ACI) et les accords-cadres

européens (ACE) : ces accords sont négociés par les partenaires sociaux, ils permettent d’élargir au niveau européen ou international des accords nationaux en lien avec RSE. Ils recouvrent plusieurs domaines comme les droits sociaux fondamentaux de la déclaration de l’OIT de 1998, mais aussi l’environnement, l’emploi, les conditions de travail et la santé.

- le Pacte International relatif aux Droits Économiques Sociaux et Culturels (PIDESC) : qui a été adopté en 1966 par l’ONU il est entré en vigueur en France le 4 novembre 1980. Ce pacte renvoie au droit au travail, au droit à des conditions de travail justes et favorables, au droit à la sécurité sociale et à la liberté syndicale.

- les Principes directeurs de l’OCDE à l’intention des entreprises multinationales : ces recommandations formulées par les gouvernements invitent les entreprises multinationales à adopter des comportements responsables dans les domaines des droits de l’homme, de l’environnement, des relations professionnelles, de la publication de leurs informations, de la lutte contre la corruption, de la concurrence, des intérêts des consommateurs ainsi que de la science et de la technologie.

- la Global Reporting Initiative (GRI) : la GRI est un organisme qui regroupe des ONG, des entreprises, des experts, etc. qui établissent collégialement des indicateurs qualitatifs et quantitatifs ainsi qu’une méthodologie à destination des firmes pour orchestrer leur reporting extra-financier.

- le pacte Mondiale « global compact » : qui a été officiellement initié en 2000 est présenté comme une « feuille de route pour les organisations qui souhaitent faire progresser leur démarche de responsabilité sociétale ; ils concernent tous les pays, secteurs d'activités, tailles, etc ». Organisé autour de 10 principes, il recouvre les champs des droits de l’homme, des normes internationales du travail, de l’environnement et de la lutte contre la corruption.

- la norme ISO 26000 : sorti en novembre 2010, elle entend la RSE comme la responsabilité des entreprises « vis-à-vis des impacts de ses décisions et activités sur la société et sur l’environnement, se traduisant par un comportement éthique et transparent qui contribue au développement durable, à la santé et au bien-être de la société, prend en compte les attentes des parties prenantes, respecte les lois en vigueur, est en accord avec les normes internationales de comportement, est intégré dans l’ensemble de l’organisation et mis en oeuvre dans ses relations ». Cette norme qui est un guide pour dialoguer avec les parties prenantes recouvre les champs de la gouvernance de l’organisation ; des droits de l’Homme ; des relations et conditions de travail ; de l’environnement ; de la loyauté des pratiques ; des questions relatives aux consommateurs et des communautés et du développement local.

- les Principes directeurs de l’ONU sur les entreprises et les droits de l’Homme : adoptés le 17 juin 2011 par le Conseil des droits de l’Homme des Nations Unies, ils s’articulent en trois piliers « protéger, respecter et remédier ». Ces principes font de la prévention et de la gestion des risques une priorité et étendent la responsabilité des firmes sur l’ensemble de la chaîne de valeur où elles font autorité. Ils soulignent également le rôle le de l’état ainsi que le caractère obligatoire des droits de l’homme et du droit du travail.

B) L’encadrement interne et européen

Sur le plan légal interne et européen, les entreprises sont soumises aux dispositions du Code du travail concernant l’aspect social. On note pour le plan européen les publications de la Commission Européenne avec par exemple son Livre Vert (2001) qui conceptualise la notion de RSE.

On note par ailleurs que le droit français ne s’intéresse pas au contenu de la RSE, mais à l’obligation des entreprises de communiquer. En effet plusieurs lois sont venues réglementer la communication des informations extra-financières des firmes. On dénombre dans le droit français plusieurs dispositions législatives qui astreignent les grandes entreprises et les sociétés cotées en bourse à publier annuellement des informations extra-financières soumises à des batteries d’indicateurs RSE dans leurs rapports :

- la loi sur les Nouvelles Régulations Economiques (NRE) 2001-420 du 15 mai 2001 qui à travers son article 116 astreint les entreprises cotées à publier publiquement un reporting social et environnemental qui doit renseigner « sur la manière dont la société prend en compte les conséquences sociales et environnementales de son activité » ;

- La loi n°2010-788 du 12 juillet 2010 portant sur l'engagement national pour

l'environnement, dite loi Grenelle 2, a eu plusieurs incidences dont la modification

de l’article 225-102-1 du code du commerce qui est l’article en droit français qui orchestre la dimension juridique de la RSE. En effet, l’article 225 du Grenelle 2 expose l’obligation pour les entreprises cotées et les « sociétés dont le total de bilan ou le chiffre d'affaires et le nombre de salariés excèdent des seuils fixés par décret en Conseil d'État » de dresser un bilan social et environnemental contenant des « informations sur la manière dont la société prend en compte les conséquences sociales et environnementales de son activité ainsi que sur ses engagements sociétaux en faveur du développement durable ». Par ailleurs, l’article 225 du Grenelle 2 souligne l’obligation pour l’entreprise d’obtenir une attestation de la présence des informations par un organisme tiers indépendant. En effet, l’article 225 précise que « l’avis de l'organisme tiers indépendant comporte notamment une attestation sur la présence de toutes les informations devant figurer au regard des obligations légales ou réglementaires ». De même, il appartient aux entreprises d’obtenir un avis motivé par un organisme tiers indépendant sur la sincérité des informations exposées. En effet, l’article 225 annonce que « les informations sociales et environnementales figurant ou devant figurer au regard des obligations légales et réglementaires font

l'objet d'une vérification par un organisme tiers indépendant ». De plus, l’article 225 prévoit le cas où l’entreprise ne satisfait pas son obligation, en effet « lorsque le rapport annuel ne comprend pas les mentions prévues au premier alinéa, toute personne intéressée peut demander au président du tribunal statuant en référé d'enjoindre sous astreinte au conseil d'administration ou au directoire, selon le cas, de communiquer ces informations » ;

- la loi Warsmann adoptée le 29 février 2012 apporte principalement deux modifications. Tout d’abord, la loi réduit l’obligation de reporting pour les filiales dès lors que la société mère s’est soumise à l’exercice, en effet, l’article 12 de la loi souligne que « les filiales ou sociétés contrôlées qui dépassent les seuils mentionnés à la première phrase du présent alinéa ne sont pas tenues de publier les informations mentionnées au cinquième alinéa du présent article dès lors que ces informations sont publiées par la société qui les contrôle, au sens de l’article L. 233-3, de manière détaillée par filiale ou par société contrôlée et que ces filiales ou sociétés contrôlées indiquent comment y accéder dans leur propre rapport de gestion ». Par ailleurs, la loi applique un délai supplémentaire dans la mise en oeuvre de l’article 225 de la loi Grenelle 2 pour les entreprises visées par la loi ;

- la loi de transition énergétique pour la croissance verte de juillet 2015 a pour objectifs de réduire les émissions de gaz à effet de serre (GES), mais aussi de réduire l’utilisation des énergies provenant du nucléaire et des énergies fossiles et d’augmenter le recours aux énergies renouvelables. L’article 173 de la loi renforce les obligations en matière de reporting sur le climat pour les entreprises cotées ainsi que pour les entreprises du secteur financier : « la prise en compte de l'exposition aux risques climatiques, notamment la mesure des émissions de gaz à effet de serre associées aux actifs détenus, ainsi que la contribution au respect de l'objectif international de limitation du réchauffement climatique et à l'atteinte des objectifs de la transition énergétique et écologique, figurent parmi les informations relevant de la prise en compte d'objectifs environnementaux ». Enfin, la loi complète également l’article 225-102-1 du code du commerce en soulignant que le reporting « rend compte également des risques financiers liés aux effets du changement climatique et des mesures que prend l'entreprise pour les réduire en mettant en œuvre une stratégie bas-carbone dans toutes les composantes de son activité » ;

- le décret n°2016-1138 du 19 août 2016 modifie ainsi l’article 225 du Code de

gestion des entreprises. Ce décret tient compte des évolutions apportées par la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte (2015), mais aussi la loi relative à la lutte contre le gaspillage alimentaire (2016). Par conséquent, les entreprises doivent : renseigner leurs engagements contre le gaspillage alimentaire ; renseigner leurs engagements en faveur d’une économie circulaire ; exposer les risques financiers liés au changement climatique.

Tableau chap.1.2 : Synthèse des lois RSE de droit interne français

Lois françaises

encadrant la RSE Principaux apports

Loi NRE (2001)

Obligation pour entreprises cotées de réaliser et publier un reporting social et environnemental « sur la manière dont la société prend en compte les conséquences

sociales et environnementales de son activité ».

Article 225 du Grenelle 2 (et par extension l’article 225-102-1 du code du commerce)

Obligation de reporting pour les sociétés cotées et certaines grandes entreprises sur la prise en compte des conséquences sociales et environnementales de son activité et de

ses engagements sociétaux en lien avec le développement durable.

Obligation de certifier la présence des informations par un organisme tiers indépendant. Obligation de certifier la sincérité des informations par un organisme tiers indépendant. Loi Warsmann

(2012)

Réduit l’obligation de reporting pour les filiales dès lors que la société mère s’est soumise à l’exercice.

Retarde le délai pour certaines entreprises dans la mise oeuvre de l’article 225. Loi sur la transition

énergétique pour la croissance verte

(2015)

Renforce les obligations en matière de reporting sur le climat pour les entreprises cotées ainsi que pour les entreprises du secteur financier.

C) L’encadrement de la RSE par la normalisation

L’apport normatif encadre également la stratégie RSE. En effet, de nombreuses normes, certifications et labels permettent de structurer et dynamiser les politiques et les actions responsables des sociétés.

Comme le soulignent Maymo et Murat (2013) l’encadrement de la RSE par la normalisation permet aux entreprises de bénéficier d’un cadre homogène en terme de management, de pratiques, mais aussi de confier une lisibilité pour l’ensemble des parties prenantes de l’entreprise. En effet, une norme permet ainsi à l’entreprise d’adhérer à un ensemble de référence pour structurer son management et organiser sa communication auprès de ses parties prenantes internes et externes.

Certaines normes qui ont pour mission de proposer des modèles systémiques de politique à conduire appellent à la certification, c’est le cas de certaines normes ISO de l’Association Française de Normalisation (AFNOR). D’autres ne sont que de simple référentiel et ont pour vocation d’éclairer les entreprises sur la RSE, c’est le cas par exemple du Guide SD21000. On distingue alors les normes certifiantes reconnues dans l’article 225 du Grenelle II qui

« constituent des preuves tangibles » (ibid.) de l’engagement des firmes et les normes non certifiantes comme l’ISO 26000 ou l’ISO 9004 sur le management de la qualité durable. Parmi les principales normes liées à la RSE on note :

- l’ISO 140001 : sur la performance environnementale - l’ISO 50001 : sur la performance énergétique

- l’ISO 90001 : sur la performance et le management de la qualité - la norme NF X 50-135 : sur les achats responsables

- la norme SA 8000 : sur le management des droits Humains et les conditions de travail décentes

Par ailleurs, il est possible pour les entreprises de se faire labelliser, c’est-à-dire de faire attester par un tiers la qualité d’un produit, d’un service ou encore d’une pratique reconnue et encadrée dans un référentiel. Ces labels sont gages de crédibilité et permettent à l’entreprise de renforcer sa communication corporate.

Parmi les labels on note par exemple :

- l’Eco label ou le NF environnement : qui portent sur le cycle de vie global du produit ; - le label Diversité : qui porte sur les pratiques de l’entreprise en matière de diversité ; - le label Egalité : qui porte sur les pratiques de l’entreprise en matière d’égalité ;

- l’AFAQ26000 : qui porte sur les pratiques de l’entreprise en matière de développement durable.

On note par ailleurs un effort de labellisation qui se dégage de la sphère non gouvernementale, c’est le cas du label Max Havelaar, des Global Sullivan Principles ou de la norme SA8000 de l’Agence d'accréditation du Conseil des priorités économiques. Ces labels traduisent l’engagement responsable et pertinent des firmes.

De surcroît, on dissocie des labels les chartes d’engagement qui ne sont que de simples outils à valeur déclarative et qui ne sont placés sous l’empire d’aucun contrôle. Alors que le label est soumis à la validation d’un ensemble d’attentes encadrées par un référentiel, la charte est volontaire et n’est soumise à aucune vérification ainsi toutes entreprises peuvent signer une charte. De plus, à la différence des labels, les chartes ne sont pas à durée limitée. On note par exemple la « charte de la diversité en entreprise » ou encore la « charte Relations fournisseur responsables ».

Au-delà de l’aspect volontariste et souple du principe de RSE, on note un encadrement qui offre des repères aux entreprises qui peuvent ainsi mettre en œuvre leurs politiques responsables. Il convient désormais de s’intéresser à l’impact de la RSE sur la stratégie des entreprises.

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