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L’Empire britannique au 19 e siècle : une nouvelle stratégie commerciale, le

CHAPITRE 1 Contexte historique

1.3. L’Empire britannique au 19 e siècle : une nouvelle stratégie commerciale, le

Si plusieurs observateurs du 18e siècle pensaient que la politique coloniale de maintenir

les colonies dans les productions agricoles et d’y prohiber les manufactures étaient injustes, car elle les condamnait à la pauvreté et les menait à la révolte75, des penseurs anglais en avaient tout

aussi conscience. Une nouvelle stratégie se dessina donc pour maintenir cette structure d’échange jugé bénéfique à la métropole. Au lieu du contrôle colonial direct, on pratiquerait le « libre- échange » où l’on était certain d’avoir l’avantage, du fait de la supériorité qu’avaient acquise les manufactures anglaises ainsi que de la supériorité de son capital financier, Londres étant devenu la première place financière et entrepôt d’Europe dès 176076.

Déjà vers 1740, des penseurs anglais envisageaient le libre-échange pour maintenir les colons américains dans la production agricole. Ainsi, si l’on pouvait tenter les colons avec un plus 1952, V.1, p. 503-507, mentionne qu’à la suite de cette politique anglaise en Irlande, des Irlandais protestants quittèrent le pays et devinrent « an early sowing of Irish dragon’s teeth in American soil. » Sur la réaction irlandaise à cette politique dans les années 1720, voir James Kelly, « Jonathan Swift and the Irish Economy in the 1720s », Eighteenth-Century Ireland / Iris andáchultúr, 6 (1991), p. 7-36; sur Mathew Carey, voir Stephen Meardon, « ‘‘A Reciprocity of Advantages’’ Carey, Hamilton, and the American Protective Doctrine », Early American Studies, vol. 11, no 3 (fall 2013), p. 431-454.

74 Voir S.A. Reinert, Translating Empire, p. 88-89 : l’importation totale de produits manufacturiers passa de 31,7% en 1699-1702 à 4,3% en 1840 alors que l’importation de matières premières passa de 34,7% à 62,3% pour la même période. Cette transition fut réalisée sous l’égide d’une politique dirigiste, comme l’analyse David Ormrod, The Rise of Commercial Empires : England and the Netherlands in the Age of

Mercantilism, 1650-1770, Cambridge, Cambridge University Press, 2003. Voir p. 334-351 pour un

sommaire de son analyse. Il montre, entre autres, que l’objectif d’une libéralisation du commerce interne contre certains monopoles d’État, accompagnée de discours sur le « libre commerce » à la fin du 17e siècle, était doublé d’une politique protectionniste nationale cohérente protégeant les manufactures, guidée par le Board of Trade, créé en 1696, et en phase avec le Navigation Act. Cet acte de navigation fut adopté pour défaire la suprématie commerciale hollandaise, s’assurer du bénéfice du commerce colonial et pour faire de Londres l’entrepôt du monde ; il ne s’agissait pas simplement d’une mesure de défense comme l’affirmait Adam Smith. À ce propos, voir aussi Sideri, Trade and Power, Informal Colonialism in

Anglo-Portuguese, p. 86-88.

75 E.S. Reinert, Gottlob von Justi p. 76; S.A. Reinert, Translating Empire, p. 140-1, 157, 211.

76 Bernard Semmel, The Rise of Free Trade Imperialism : Classical Political Economy, the Empire of Free Trade and Imperialism 1750-1850, Cambridge Eng., University Press, 1970, p. 6-7.

grand marché pour leurs produits agricoles, on pourrait alors les détourner de se lancer dans les manufactures. Dans les mots de Mathew Decker : « Because People in the Plantations, being

tempted with a free Market for their Growths all over Europe, will all betake themselves to raise

them, to answer the prodigious Demand of that extensive Free Trade, and their Heads be quite

taken off from Manufactures, the only thing which our Interest can clash with theirs…77».

À partir des années 1750, un important débat, précurseur de la nouvelle stratégie à venir et généralement négligé par l’historiographie « traditionnelle »78, eut lieu entre Hume et Tucker

au sujet de la valeur d’une politique de libre-échange pour l’Angleterre. Hume, adoptant une vision bienfaisante d’un créateur qui aurait fait le monde de telle manière que, grâce au processus « naturel » du price specie flow mechanism, l’ouverture du marché assurerait une convergence entre pays riche et pays pauvre. Ce dernier, ayant l’avantage d’une main-d’œuvre moins chère, pourrait donc vendre ses produits à moindre prix que le pays riche et ainsi rétablir l’équilibre. Tucker, quant à lui, stipula que les différences de productivité assureraient l’avantage au pays riche sur les pays pauvres. C’est précisément pourquoi il promouvait l’adoption de la politique de libre-échange pour l’Angleterre; de plus, il en coûterait moins cher que le système colonial. Son expérience, son accumulation du capital, sa capacité de crédits à faible taux d’intérêt, ses infrastructures plus développées, ses habilités et connaissances accumulées, la plus grande productivité de ses travailleurs, son marché interne prospère, sa division du travail plus grande, etc. permettraient sans problème à l’Angleterre de vendre moins cher ses produits même si, nominalement, les salaires y sont plus élevés. Selon Tucker, seule la protection permettrait au pays pauvre de se défendre. Donc, au cœur du débat, la question était de savoir si l’économie mondiale entre pays de niveaux de développement différents sous un régime de libre-échange était caractérisée par la polarisation, comme l’argumentait le révérend Tucker (et Stuart), ou par la convergence, comme le soutenait Hume79.

77 Matthew Decker, An Essay on the Causes of the Decline of the Foreign Trade, Dublin, Printed by George Faulkner, 1749[1739], p. 177, italique ajouté.

78 Hudson, Trade, p. 69-102; Semmel, The Rise of Free Trade Imperialism, p. 14-24.

79 Paul Bairoch, Richard Kozul-Wright, Globalization Myths : Some Historical Reflections on Integration, Industrialization and Growth in the World Economy, Geneva, Switzerland, UNCTAD, 1996, p. 1-35. Les

deux auteurs montrent clairement que c’est Tucker, et non Hume, qui a eu raison au 19e siècle : sous le régime du libre-échange, les nations pas encore industrialisées divergèrent des pays riches. Par contre, les nations adoptant une politique interventionniste, incluant la protection, s’industrialisèrent et, par conséquent, convergèrent (ou dépassèrent) vers le niveau de vie de l’Angleterre, comme aux États-Unis, en Allemagne, en Suède, au Japon, en France, au Canada, etc. C’est un mythe qu’il y eut une ère de libéralisation avant la Première Guerre mondiale en Europe et aux États-Unis. Le moteur de la croissance de l’époque, bien plus que le commerce, fut réellement le développement industriel, limité aux pays avec une politique industrielle.

Tout comme Adam Smith, Tucker fut consulté dans les années 1760 par Lord Shelburne80,

figure clé du Second Empire. Comme Smith en 1776, Tucker affirma que les colonies n’en valaient pas la peine et que la supériorité du capital et des manufactures britanniques assureraient l’avantage du pays dans le commerce européen et américain. Lord Shelburne et Pitt furent d’ailleurs les premiers politiciens à opter pour cette politique afin d’établir la prédominance commerciale et industrielle de l’Empire britannique81. Lorsque Pitt fit la promotion du libre-

échange avec l’Irlande, il le fit dans des termes similaires à Peel et aux radicaux des années 1840 qui voulaient faire de la Grande-Bretagne le Workshop of the world. Le reste du monde moins développé serait des pourvoyeurs de matières premières82. Cette volonté de faire de l’Angleterre

l’atelier du monde exportatrice de biens manufacturés et du reste du monde des pourvoyeurs de matières premières sous le régime de libre-échange, est d’ailleurs ce que nommera plus tard l’historien Bernard Semmel l’ « impérialisme du libre-échange »83. Était-ce là un objectif

économique bien différent du vieil empire colonial?

Ce qui était nouveau, abstraction faite de l’emploi de la violence, c’était qu’au lieu d’un contrôle colonial direct, c’est par la promotion du libre-échange, justifié théoriquement par la doctrine des avantages comparatifs de Ricardo, qu’on comptait reproduire la même structure économique qu’à l’époque coloniale84. Dans les mots d’un parlementaire whig durant les débats

sur les Corn Law en 1846, le libre-échange était décrit comme le principe bienfaisant par lequel « foreign nations would become valuable Colonies to us, without imposing on us the

80 Semmel, The Rise of Free Trade Imperialism, p. 37-38.

81 Semmel, The Rise of Free Trade Imperialism, p. 29. Shelburne justifia sa politique dans les termes de Tucker, plus que ceux de Smith; voir la citation de Shelburne dans Edmond George Petty-Fitzmaurice Fitzmaurice, Life of William, Earl of Shelburne, Afterwards First Marguess of Lansdowne, With Extracts

from His Papers and Correspondence, London, Macmillan and Co., 1875, p. 348. Crowley affirme que

Shelburne, anxieux de rétablir la dépendance commerciale prérévolutionnaire, fut plus influencé par le lobby mercantile de négociants américains que par les idées libérales de Smith ; voir John E. Crowley, The

Privileges of Independence : Neomercantilism and the American Revolution, Baltimore, Johns Hopkins

University Press, 1993, p. 68-72.

82 Semmel, The Rise of Free Trade Imperialism, p. 30-44. 83 Voir Semmel, The Rise of Free Trade Imperialism.

84 Pour l’historien Reinert, seules des théories basées sur le troc et le marché de Ricardo – plutôt que sur les théories basées la production et l’innovation – qui prônent la division internationale du travail selon les avantages comparatifs dits « naturels » des pays permettent de moralement défendre le colonialisme. Celui-ci n’est défendable que dans le cadre d’une théorie qui affirme que la richesse d’une nation croît

indépendamment de la nature de ce qu’elle produit. Voir E.S. Reinert Gottlob von Justi, p. 66; E.S. Reinert, How Rich, p. 21-69 et plus spécifiquement p. 61.

responsibility of governing them85». Ainsi, à défaut de colonies directes, le contrôle informel fut

de mise86.

La transition vers cette nouvelle politique ne fut cependant pas immédiate, nécessitant moult débats et un changement de la structure économique interne à l’Angleterre. Comme l’expert de l’histoire des tarifs Paul Bairoch l’indique, ce n’est que lorsque l’industrie devint dominante dans l’économie anglaise et que l’avantage comparatif dans les manufactures devint écrasant au niveau mondial que furent préconisées une politique de libre-échange pour les matières premières et l’abolition des Corn Laws en 1846. Les tarifs manufacturiers, eux, ne furent abolis que vers la fin des années 1850, après que l’Angleterre eut pratiqué la plus importante politique de protection industrielle en Europe durant la première moitié du 19e siècle87. Ainsi,

c’est la réalité de l’histoire économique et sociale interne à l’Angleterre et sa stratégie impériale qui expliquent la transition vers le libre-échange, plutôt que la simple influence théorique d’économistes comme Ricardo et ses disciples au Parlement88. Néanmoins, si la libération

complète tarda jusqu’à la fin des années 1850, les arguments d’Adam Smith, propagés notamment par les cercles des philosophes utilitaristes réunis autour de Jeremy Bentham, furent

85 Semmel, The Rise of Free Trade Imperialism, p. 8.

86 Sur le concept d’empire informel, associé à la politique de libre-échange, voir Gallagher et Robinson, The Imperialism of Free Trade, p. 1-15; Cain et Hopkins, British Imperialism, p. 26-30,400-1. Cain et

Hopkins ajoutent l’importante distinction, trop souvent perdue sous le terme générique de « business », entre l’impérialisme comme fonction de l’expansion industrielle comme le pensaient Gallagher et Robinson (ou Marx et Lénine) et l’impérialisme basé sur l’expansion de la finance, centrée sur la City, qui fut, selon leur thèse, au cœur de l’impérialisme britannique. On consultera les p. 243-274 pour un exemple concret de cette différence en Amérique latine. John Darwin rappelle aussi que l’Empire n’était pas hégémonique et que l’empire informel n’était pas tant une politique que les limites effectives de son pouvoir ; voir John Darwin, « Imperialism and the Victorians: The Dynamics of Territorial Expansion », The

English Historical Review112, no 447 (1997), 614-42.

87 Plus que la France, pourtant considérée, à tort, comme le bastion du protectionnisme: Bairoch, Mythes et paradoxes, p. 36-39; John Vincent Nye, « The Myth of Free-Trade Britain and Fortress France: Tariffs

and Trade in the Nineteenth Century », The Journal of Economic History, vol. 51, no 1 (1991), p. 23-46; Lars Magnusson, Nation, State and the Industrial Revolution the Visible Hand, London, New York, Routledge, 2009, p. 45-6; Ha-Joon Chang, Kicking Away the Ladder : Development Strategy in Historical Perspective, London, Anthem Press, 2002, p. 16-17,19-24.

88 Semmel, The Rise of Free Trade Imperialism, p. 130-57. Voir aussi Sarah Palmer, Politics, Shipping, and the Repeal of the Navigation Laws, Manchester, Manchester University Press, 1990, p. 66. De plus, il

faudrait se garder de penser que les théories libérales furent conçues dans un esprit cosmopolite; une autorité en la matière, Robbins l’affirme : il trouva très peu d’évidence que les économistes classiques « …went beyond the test of national advantage as a criterion of policy, still less that they were prepared to contemplate the dissolution of national bonds. If you examine the ground on which they recommended free trade, you will find that it is always in terms of a more productive use of national resources. I find no trace anywhere in their writing of the vague cosmopolitanism with which are often credited by continental writers. » Lionel Robbins, The Theory of Economic Policy in English Classical Political Economy, London, Macmillan, 1952, p. 10.

employés dans la politique étrangère anglaise assez tôt pour ouvrir les marchés aux produits manufacturés et aux capitaux anglais89.

La première libéralisation des années 1820 poursuivait aussi un objectif propre au 18e

siècle. Réalisée par Caning et Huskinson de manière pragmatique et non idéologique, cette libéralisation avait pour objet d’attirer les biens et les capitaux étrangers pour faire de l’Angleterre le mart and banker du monde90. Le discours Exposition of the state of Navigation of United Kingdom prononcé par Huskisson91 le 12 mai 1826 est à ce propos très éclairant et

révélateur du rôle stratégique du libre-échange pour maintenir l’Angleterre au premier plan. Méditant sur la montée de la marine américaine suite à l’adoption de lois de navigation similaires à celles de l’Angleterre ainsi qu’à l’esprit d’émulation que les Américains provoquaient sur le continent européen, Huskisson juge que c’est le pays le plus avancé qui a le plus à perdre à

maintenir une politique protectionniste, l’expérience américaine le démontrant. Par conséquent, il

opte pour le libre-échange92 :

Let Gentlemen reflect on these circumstances, before they decide that it is necessary wise to center upon a similar contest with other poor and unmanufacturing countries [comme l’étaient les États-Unis]. Let them seriously consider, whether a system of discriminating duties, – now

that the exclusive patent by which we held that system is expired, – is not the expedient of such a country as I have described, rather than the ressource of one which already possesses the largest commercial marine in the world. They will then see, that it may possibly be a wise policy

to divert such countries from that system, rather than to goad them on, or even leave them a pretext for going into it.93

De même, si la rhétorique de l’Anti-Corn Law League des années 1840 vantait la baisse du coût du pain pour le consommateur qui résulterait du libre-échange et attaquait l’aristocratie terrienne, il ne faudrait pas oublier que l’un des principaux objectifs de la campagne pour l’abolition des Corns Laws consistait à ouvrir le marché britannique aux produits agricoles

89 Par exemple David Todd, L'identité économique de la France : libre-échange et protectionnisme, 1814- 1851, Paris, B. Grasset, 2008, chapitre 9 « John Bowring, agent d’influence britannique (1831-1833) »,

p. 183-202; Elie Halévy, La formation du radicalisme philosophique, Nouv. éd., Paris, Presses universitaires de France, 1995 [1901], 3 Vol., entre autres Vol. 2, p. 180-196.

90 Cain et Hopkins, British Imperialism, p. 86, 141 : sur l’importance des revenus « invisibles » des services de la City en rapport aux revenus visibles des biens industriels; Boyd Hilton, Corn, Cash, Commerce : The

Economic Policies of the Tory Governments 1815-1830, Oxford Historical Monographs, Oxford, Eng., New

York, Oxford University Press, 1977, p. 63. L’auteur montre aussi qu’en plus de cet objectif, des considérations prosaïques comme la pénurie de blé d’Irlande, l’état précaire du budget de l’État, etc. furent plus importants que les idées libérales dans l’adoption de ces politiques.

91 William Huskisson, John W. Murray, The Speeches of the Right Honorable William Huskisson : With a Biographical Memoir, Supplied to the Editor from Authentic Sources, London, John Murray, Albemarle

Street, 1831, Vol. III, p. 1-55.

92 Pour un contexte complet sur la question, voir : Palmer, Politics, Shipping. 93 Huskisson, The Speeches, p. 32, italique ajouté.

européens. Cette action était conçue pour arrêter ou, du moins, ralentir l’industrialisation du continent en lui offrant de plus grands débouchés pour ses matières premières tout en espérant que l’adoption d’une politique de libre-échange complète ouvrirait les portes des pays étrangers aux capitaux et aux biens britanniques94. Comme le mentionna Cobden: « The factory system

would, in all probability, not have taken place in America and Germany. It most certainly could not have flourished, as it has done, both in those states, and in France, Belgium, and Switzerland, through the fostering bounties which the high-priced food of the British artisan has offered to the cheaper fed manufacturing of those countries.95»

Il importe aussi de prendre conscience du rôle distinct des intérêts industriels et financiers dans l’Angleterre du 19e siècle, car ces derniers jouèrent leur propre rôle dans la reproduction de

la structure économique internationale des 18e et 19e siècles. Le rôle de la finance est souvent

obscurci dans le débat sur le libre-échange et de ses bénéfices supposés, car l’un de ses principaux théoriciens n’en tint tout simplement pas compte. En effet, lorsque Ricardo écrivit son traité économique sur les avantages comparatifs du libre-échange, il se concentra exclusivement sur le cas, rare au 19e siècle96, de l’échange de bien contre bien sans considérer l’impact de la

dette et du paiement d’intérêt dans les échanges internationaux. Il évacua la sphère financière de son analyse et omit l’effet du paiement des intérêts de la dette, surcoût additionnel au prix de production pourtant connu des mercantilistes anglais et d’Adam Smith, et de l’effet de l’accumulation du capital fictif qui absorbe les surplus générés dans la sphère productive. En effet, dans la composition du prix, il ne considéra que le coût de la rente terrienne, du capital et du travail97. Étonnant, car Ricardo était pourtant un stockbroker très au fait de la dette publique

anglaise et fut même porte-parole d’intérêts financiers lorsqu’il prôna le retour de l’étalon-or en

94 William D. Grampp, The Manchester School of Economics, Stanford, Calif., Stanford University Press, 1960, p. 5, 53-4, 95-116; David Todd, « John Bowring and the Global Dissemination of Free Trade », The

Historical Journal, vol. 51, no 02 (2008), p. 382; E.S. Reinert, Raw Materials, p. 274-296. Ce dernier montre clairement que l’abolition des Corns Laws ainsi que la conception économique de Cobden étaient tout à fait cohérente avec la politique déjà énoncée par Charles King en 1721 dans son livre The British Merchant

or Commerce Preserv’d qui mettait l’accent sur la supériorité des manufactures sur l’agriculture : l’objectif

était bien d’abaisser le coût des matières premières afin de favoriser l’exportation des manufactures qui, selon Cobden et List, rapportent plus à la nation que les matières premières. List, pourtant un protectionniste, attaqua les Corn Laws avant même que Cobden n’en parla, mais il dénonça ensuite la stratégie anglaise d’user du libre-échange sur les matières premières, qu’il appelait de ses propres vœux, pour attaquer le protectionniste industriel des autres pays.

95 The Political Writings of Richard Cobden, London, Ridgway, New York, Appleton 1867, vol. I, p. 150. 96 Par exemple, en 1890, le coût du service de la dette représentait 60% des exportations de l’Argentine; voir Cain et Hopkins, British Imperialism, p. 256. Le modèle théorique de Ricardo est basé sur l’hypothèse d’échange de bien contre bien, non de bien pour rembourser une dette : il est inutile dans un tel cas. 97 Michael Hudson, The Bubble and Beyond : Fictitious Capital, Debt Deflation and Global Crisis, Islet, 2012, chapter 3 « How Economic Theory Came to Ignore the Role of Debt », p. 103-127.

Angleterre à la valeur d’avant-guerre, après l’utilisation réussie du papier-monnaie lors des guerres napoléoniennes. Ce retour à l’étalon-or en 1819 provoqua par ailleurs une déflation, laquelle fut bénéfique aux créditeurs et aux détenteurs de bons, comme Ricardo, mais préjudiciable au secteur productif et à l’emploi98. Ceci rappelle que l’intérêt du secteur financier