• Aucun résultat trouvé

MALADE ?

Objectif : Donner un aperçu global des différentes molécules existantes à ce jour, pour en cerner toute la complexité et la diversité. Puis présenter les changements induits par l’arrivée de la voie orale dans la prise en charge globale du malade. Seront étudiées les évolutions biomédicales, les modifications dans la relation soignant-soigné et la perception que les malades se dessinent sur ces nouveaux traitements.

31

2.1. INTRODUCTION

En 2011, une cinquantaine de molécules sont utilisées aux Etats-Unis (Given, Spoelstra & Grant, 2011). Au début des années 2000, elles ne représentaient que 20 à 25% des chimiothérapies disponibles (Bedell & al. 2002 ; Findlay, Minckwitz & Wardley, 2007). Cette introduction ne s’est pas faite sans difficultés. Par exemple, l’introduction du Xéloda en Grande-Bretagne a demandé une adaptation importante de la part des structures ayant décidé de l’utiliser (Faithfull & Deery, 2004). Dans une étude parue en 2007 et portant sur 42 centres de lutte contre le cancer aux Etats-Unis, Weingart & al. ont constaté qu’il existait assez peu de règles de sécurité en vigueur appropriées aux chimiothérapies orales, contrairement à celles IV. Le manque majeur d’éducation au traitement est aussi pointé, mais nous y reviendrons plus loin. La redéfinition des rôles des acteurs de soins est floue (pharmaciens, infirmières ?...), la prise en compte de l’observance est éparse et seul un tiers des soignants ont été formés à l’arrivée de ces molécules. En somme, les auteurs parlent « d’un manque de consensus apparent ». Ces quelques remarques peuvent nous aider à comprendre le flottement qui concerne encore la distribution de ces traitements.

Avant d’évoquer les modifications induites par l’arrivée de ces produits, nous allons présenter, dans le tableau suivant, les principales molécules utilisées, leurs indications ainsi que leurs particularités. Nous ne développerons pas les molécules destinées exclusivement à l’oncohématologie, notre étude ne portant pas sur ces malades.

Il s’agira pour le lecteur de pouvoir se représenter toute la complexité et la diversité des produits disponibles. Complexité dont nous détaillerons les conséquences sur les patients, liées à la multiplicité des protocoles possibles. Diversité, au sens où les profils de toxicité des molécules sont variables, leur classe et leur mode d’action hétérogènes, rendant donc difficile une vision simpliste et univoque de ce que nous nommons par aisance « chimiothérapie orale ».

32 Tableau 6 : Description des principales chimiothérapies orales actuellement utilisées en France

Indications (simplifiées)

Particularités Toxicité

XELODA (Capécitabine)

-cancer du colon en situation adjuvante

-cancer colorectal métastatique

-cancer du sein métastatique ou localement avancé -cancer gastrique avancé

-pour certains protocoles : deux doses/jour, matin et soir, pendant 14 jours avec pause sur 7 jours ou en continu pendant 21 jours. -doit être pris avec de l’eau, dans les 30 minutes qui suivent le repas -lavage des mains après

manipulation des comprimés

-nausée -vomissement -diarrhée / constipation -fatigue -perte d’appétit -syndrome main-pied -dépression immunitaire….. ENDOXAN (Cyclophosphamide)

-larges indications, pour tumeurs solides ou hématologiques

-cycle court de 1 à 14 jours, avec administration répétée toutes les 2 à 4 semaines ou traitement prolongé sans interruption. -posologie faible possible sans interruption.

-peut-être utilisée en chimiothérapie de maintien -les comprimés doivent être pris le matin à jeun, avec absorption suffisante d’eau au moment de la prise.

*lavage des mains après manipulation des comprimés

-alopécie -nausée -leucopénie -aménorrhée -infertilité SUTENT (Sunitinib) -Tumeur gastrointestinale stromale (GIST)

-carcinome rénal avancé -tumeur neuroendocrine du pancréas

-une prise/jour pendant 4 semaines de suite, puis fenêtre thérapeutique de deux semaines (dit schéma 4/2), pour un cycle de 6 semaines. (deux premières indications)

-éviter le pamplemousse pendant le traitement

-lavage des mains après manipulation des comprimés

-anémie -asthénie -syndrome main-pied -rash -anorexie -dysgueusie -céphalées -HTA -diarrhée -nausée….. AFINITOR (Everolimus)

-cancer du rein avancée chez des patients ayant

progressés après une thérapie ciblée anti-VEGF

-une prise orale, tous les jours à la même heure

-lavage des mains après manipulation des comprimés

-rash, prurit -asthénie -dysgueusie

33 Indications

(simplifiées)

Particularités Toxicité

-dans le traitement du cancer du sein avancé avec récepteurs hormonaux positifs -dans le traitement de certaines tumeurs neuroendocrines d’origine pancréatique -troubles du métabolisme -vomissement -diarrhée -mucite -épistaxis……. TEMODAL (Témozolomide) -glioblastome nouvellement diagnostiqué -astrocytome anaplasique réfractaire

-Chez les malades non prétraités : -200mg/m²/jour pendant 5 jours tous les 28 jours.

-Chez les malades prétraités : 150mg/m²/jour pendant 5 jours tous les 28 jours (200mg/m²/jour si bonne tolérance

hématologique).

-En association à la radiothérapie : 75mg/m²/jour pendant 42 jours. Puis, 4 semaines après la fin de la radiothérapie, la monothérapie de témozolomide peut reprendre pour 6 cycles selon le schéma des malades prétraités.

-prendre avec un grand verre d’eau, à jeun (à distance d’au moins une heure d’un repas) -lavage des mains après manipulation des comprimés -porter des gants pour la manipulation des gélules

-constipation -nausée/vomissements -céphalées -asthénie -anorexie -convulsions -alopécie NEXAVAR (Sorafénib)

-cancer du foie non opérable -cancer du rein avancé (après échec d’un traitement préalable par interleukine 2 ou interféron alpha).

-400mg *2 fois/j, en dehors des repas

-si repas riche en graisse : prendre 1 heure avant ou 2 heures après. -prendre avec un grand verre d’eau

-lavage des mains après manipulation des comprimés

-alopécie -syndrome main-pied -diarrhée -anorexie -nausée -asthénie -HTA -céphalée

34 Indications

(simplifiées)

Particularités Toxicité

-Eviter les antiacides, IPP et antiH2

-douleurs abdominales…….

TYVERB (Lapatinib)

-cancer du sein métastatique (avec surexpression HER2) ou en adjuvant chez les malades réfractaires ayant été traités par une

anthracycline, un taxane ou du trastuzumab

-Avec le Xéloda, prise en dose unique/jours (soit 5 comprimés) 1 heure avant ou après le repas, mais en systématisant la prise en fonction des repas et du moment de la journée.

-éviter la consommation de jus de pamplemousse

-éviter les antiacides, IPP et antiH2

-lavage des mains après manipulation des comprimés

-syndrome main-pied -diarrhée -vomissement -rash -asthénie -céphalées

-algies aux extrémités

CELLTOP (Etoposide)

-cancer bronchique à petites cellules

-cancer embryonnaire du testicule

-cancers du sein déjà traités -certains lymphomes et leucémies

-cures de 3 à 5 jours tous les 21 à 28 jours, ou tous les 21 jours voire administration continue

-conservation au réfrigérateur -lavage des mains après manipulation des comprimés

-myélosuppression -alopécie -diarrhée -vomissement -asthénie -anorexie TARCEVA (Erlotinib) -cancer du pancréas métastatique

-cancer pulmonaire non à petite cellules

-prise unique au quotidien -prendre au moins 1 heure avant ou 2 heures après le repas -prendre de préférence le matin, en systématisant le moment de la prise

-éviter jus de pamplemousse -arrêt tabac recommandé -lavage des mains après manipulation des comprimés

-rash -asthénie -diarrhée -alopécie -anxiété / dépression -douleurs abdominales HYCAMTIN (Topotécan)

-cancer du poumon à petites cellules (CBPC) en rechute

-5 jours consécutifs, puis intervalle de 3 semaines

-une prise/jour

-conserver au réfrigérateur -lavage des mains après

-neutropénie fébrile -alopécie

-nausées -diarrhée -mucite

35 Indications

(simplifiées)

Particularités Toxicité

manipulation des comprimés -anorexie -asthénie

METHOTREXATE -indications larges, tumeurs solides et oncohématologie

-une prise par semaine (avertir les patients en cas de prise

quotidienne) -photosensibilité -alopécie -diarrhée -anorexie -nausée -rash ALKERAN (Melphalan)

-traitement des myélomes multiples

-cancers ovariens avancés -cancers du sein avancé ou en complément d’une chirurgie.

-cure pendant 5 jours, renouvelée toutes les 4 et 8 semaines pour ovaire

-cure de 4-6 jours, renouvelée toutes les 6 semaines pour sein. -15-30 minutes avant un repas -boire davantage pendant le traitement

-conserver au réfrigérateur -lavage des mains après manipulation des comprimés -manipuler les comprimés avec des gants -insuffisance rénale aigue -augmentation de l’incidence de leucémie aigue UFT (Tégafur)

-première intention pour cancer colorectal métastatique, en association.

-3 prises/jours, toutes les 8 heures -une heure avant ou après le repas, pendant 28 jours.

-fenêtre thérapeutique de 7 jours avant les cycles suivants.

-myélosuppression. -diarrhée -nausées -stomatite -douleur abdominale -asthénie NAVELBINE po (Vinorelbine)

-cancer du sein métastatique -cancer du poumon non à petite cellules.

-monothérapie : 1fois/semaine en prise unique et à jour fixe

-prendre en fin de repas léger -conserver au réfrigérateur -ne pas sucer ou mâcher la capsule

-lavage des mains après manipulation des comprimés

-nausées -diarrhée -anorexie -alopécie si traitement prolongé -troubles neurologiques -asthénie -constipation d’origine neurologique

36 Commentaires : Les modalités de prises sont souvent complexes : horaires de prises strictes, souvent en fonction des repas. Restrictions alimentaires pour certaines molécules, obligeant à des adaptations, parfois importantes, du régime alimentaire. Durée de traitement variable, avec des pauses (plusieurs jours), puis des reprises, la plupart des médications fonctionnant par cycle. Rares sont les traitements qui affichent une complexité aussi forte. Les posologies peuvent varier, avec une montée en puissance possible. Les modalités de conservation sont à prendre en compte (pour les médicaments devant être conservés au froid). De part leur index thérapeutique étroit, les chimiothérapies orales placent le malade devant un risque d’erreur accru (Griffin, 2003). Nous verrons, dans le chapitre IV, comment cette complexité est à même d’affecter l’observance.

Nous allons tenter à présent de mettre en évidence les changements dans la dynamique du soin introduits par ces médications per os. Nous les détaillerons en les plaçant selon trois axes :

- La prise en charge purement technique - La relation soignant-soigné

- Les variables propres aux traitements Précisons que ces axes sont interdépendants.

2.2. LES CHANGEMENTS DANS LA TRAJECTOIRE