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Cette partie sera organisée différemment des chapitres précédents. De par le peu de données disponibles dans la littérature sur le thème et donc le peu d’études publiées, nous avons fait le choix de procéder à une revue de la littérature.

C’est ainsi que nous travaillerons ici notre objet en deux temps : il s’agira d’abord de présenter les données actuelles sur le phénomène de non observance à ces protocoles, pour tenter ensuite d’en isoler les déterminants.

3.4.1. Données actuelles

Pour présenter une vue globale de l’observance aux chimiothérapies orales, nous avons procédé à une revue de la littérature. Celle-ci a fait d’ailleurs l’objet d’une publication.

Nous avons procédé à la sélection de 18 recherches, qui avaient pour objet la mesure de l’observance thérapeutique chez les patients atteints par le cancer entre 1990 et 2013. Notons, qu’une revue de question exhaustive a pu être envisagée en raison du faible nombre de publications dans le domaine. Néanmoins, la question de l’observance devait être l’un des thèmes central de l’étude. En effet, nous excluons toutes études fournissant des chiffres d’observance sans expliciter et discuter ce paramètre. Les études qui ont servi de base à notre travail ont été sélectionnées dans le cadre d’un groupe de recherche travaillant sur la problématique de l’observance chez les personnes atteintes par le cancer. Nous avons recensé la plupart des publications parues entre janvier 1990 et juillet 2013 sur les bases de données Science Direct et Medline (mots clés utilisés et croisés pour la recherche: cancer ; oral

chemotherapy ; oral agents ; oral antineoplastic agents/treatments ; adherence, compliance, observance). Nous avons ensuite exclu toutes les autres médications orales associées au

traitement du cancer (antalgiques, hormonothérapie) pour nous focaliser sur les chimiothérapies orales. Parmi les critères d’inclusion figurait l’objectif des études. Elles devaient avoir pour objet soit l’étude des déterminants de l’observance, soit l’évaluation de programme visant à son amélioration. Nous avons retenu 19 articles traitant de la problématique.

66 Comme nous avons pu le noter précédemment, le seuil à partir duquel le malade sera considéré comme non observant varie selon les études, qui proposent chacune leur propre seuil. Six études, par exemple, considèrent par exemple que l’observance doit être parfaite (100% de prises correctes), le seuil le plus bas étant fixé à 80% par Mayer & al. (2009) seuil que les auteurs estiment « acceptable ». Deux études ne précisent pas de seuil d’observance. Deux études ne fixent pas de seuil bien défini, préférant la construction de différentes catégories (Darkow & al., 2007 ; Gebbia & al., 2013). D’autres facteurs limitent la généralisation des données. Il s’agit de la diversité des cancers, des populations étudiées ou encore des stades de maladies,… (14 études portent sur des tumeurs solides, 4 sur les hémopathies malignes et une est mixte) Notons également que la taille trop hétérogène des échantillons [minimum 11 ; maximum 377], ne donne pas la même puissance aux résultats. Il existe également de grandes différences entre les études en ce qui concerne les méthodes de mesure de l’observance. Six recherches ont utilisé plusieurs mesures simultanées de l’observance. Aussi, huit études utilisent le MEMS, deux autres les mesures directes de type examens biologiques (test urinaires), trois études ont utilisé l’entretien, cinq études utilisent des évaluations à partir de questionnaires ou d’un journal de bord.. Le comptage des pilules reste marginal, seules trois recherches l’utilise en association avec d’autres méthode de mesures(Noens et al., 2009 ; Lebovits & al., 1990).

Notons enfin, que l’observance est mesurée sur des périodes allant de 6 à 10 semaines, avec une étude allant jusqu’à 9 mois. Une étude (Darkow & al., 2007) mesure l’observance sur 12 mois, mais pour fournir un score global sur cette période. Il n’y a pas de mesures répétées. L’observance est soit mesurée à l’inclusion et à la fin du traitement, soit à chaque cycle/consultation, ce qui laisse entrevoir que la prise en compte du temps est un aspect important dans les conduites d’observance thérapeutique. Une étude ne précise pas de bornes temporelles (Gebbia & al., 2013), soulignant néanmoins que l’évaluation de l’observance est mensuelle. Une étude propose une mesure unique de l’observance (Sommers, Miller & Berry, 2012).

Un tableau synthétique plus détaillé des différentes études retenues pour notre analyse figure en annexe 1.

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Tableau 11 : Synthèse des articles publiés sur l’observance aux chimiothérapies orales dans le cancer Auteurs Participants et méthodologies Résultats principaux Lebovits & al.

(1990)

-Participants : n=51 (100% de femmes) ; Age moyen : 53 ans ; chimiothérapie : Endoxan

-Mesures : interview conduite par le médecin ; comptage des

pilules après le dernier entretien.

-temporalité : 5 entretiens(1er jour du traitement , 1, 4, 13 et 26 semaines)

-57% d’observance au niveau de la dose ingérée -24% de sur-observance

-16% de sous-observance -4% d’arrêt total

Déterminants :

-prendre 2 traitements au lieu d’un seul -revenus moins élevés

-baisse avec le temps

Lee & al. (1993) -participants : n=25 (52% d’hommes) ; âge moyen : 58 ans

-mesure : MEMS

-temporalité : Mesures de l’observance sur 6 semaines

observance totale : 100%

Déterminants :

-l’observance décroit plus le nombre de prises augmente -association entre nausées et irrégularité horaire de la prise -nausées en association avec une observance totale (plus basse)

Lee & al. (1992) -participants : n=14 (21% de femme) ; âge moyen : 62 ans ; Chimiothérapie : Celltop

-mesure : MEMS

-temporalité : Mesures de l’observance sur 6 semaines

observance totale : 93,2%

Déterminants :

-la non observance horaire augmente plus les nausées augmentent

-augmentation de la nonobservance journalière plus le temps depuis le diagnostic est important

Lee & al. (1996) -participants : n=11 (proportion homme/femme non spécifiée) ; âge moyen : 58 ans ; chimiothérapie : Hexastat

-mesure :MEMS

-temporalité : Mesures de l’observance sur 6 semaines

observance totale : 97,4%

Déterminants :

-sommeil de mauvaise qualité en lien avec une augmentation de l’irrégularité horaire et journalière des prises

Uematsu & al. (1996)

-participants : n=55 (47% de femmes) ; âge moyen : 57 ans ; chimiothérapie : 5-FU

-mesure: biologique via échantillon de cheveux

-temporalité : mesure unique à 6 mois (fin de traitement)

observance correcte chez 60% des malades

Déterminants : non étudiés.

Sadahiro & al. (2000)

-participants : n=87 (30% de femmes) ; âge moyen : 57 ans ; chimiothérapie : UFT

Mesure indirecte :

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Auteurs Participants et méthodologies Résultats principaux

-mesure : urinaire ; interview par le médecin

-temporalité : évaluation observance : tous les 3 mois (par le

médecin et en autorapporté) ; échantillon urinaire : 3,6,9 mois.

-à 6 mois : 95% -à 9 mois : 98%

-mesure directe :

-92% d’observance à 9 mois

Déterminants : non étudiés. Klein & al. (2006) -participants : n=90 (proportion homme/femme non précisée) ;

âge moyen : 70 ans ; chimiothérapie : Hycamtin -mesure : MEMS

-temporalité : mesure observance à chacun des 6 cycles.

-90% de bonne observance (nombre de doses respectées)

-55% d’observance correcte pour les intervalles corrects entre doses

Déterminants : non étudiés MacIntosh & al.

(2006)

-participants : n=25 (60% de femme) ; âge moyen : 64 ans ; chimiothérapie : Xéloda

-mesure : MEMS

-temporalité : évaluation de l’observance en 3 points : début du

traitement, début du second cycle (21 jours) et fin du second cycle (42 jours)

-87% d’observance correcte au cycle 1 -78% d’observance correcte au cycle 2

Déterminants : non étudiés

Mayer & al. (2009) -participants : n=19 (100% de femmes) ; âge moyen : 47 ans ; chimiothérapie : Xéloda et Iressa

-mesure indirecte ; journal évaluant le traitement au quotidien

tenu par le malade ; MEMS

-temporalité : à chaque visite, sur toute la durée du traitement

(en moyenne sur 15 semaines, à 5 reprises

-Pour les deux méthodes :

-95% d’observance correcte

-44% avec au moins 1 erreur de sur-médication

Déterminants : non étudiés.

Noens & al. (2009) -participants : n=202 (55% d’hommes) ; âge moyen : 57 ans ; chimiothérapie : Glivec

-mesures indirectes : BAAS : (Basel Assessment of Adherence

Scale) ; VAS (Visual Analogue Scale) ; Comptage des pilules ; rapport entre les RDV respectés chez l’oncologue, et ceux fixés.

-temporalité : Inclusion et 3ème mois

A l’inclusion

-69.3% d’observance

-16,1% manquent une dose occasionnellement en début de traitement

-1.2% ont diminué les doses.

-77.8% respectent le délai entre deux doses

A 3 mois :

-67.3% d’observance

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Auteurs Participants et méthodologies Résultats principaux

-observance aux RDV : 89,4% à l’inclusion

Déterminants :

-temps élevé depuis le diagnostic -vivre seul

-traitement long

-dose de traitement sup. à 600 mg/j

-moins bonnes connaissances du malade sur sa pathologie et son traitement

-faible degré de self-efficacy à long-terme.

Decker & al. (2009) -participants : n=30 (94% de femmes) ; âge moyen : 60 ans ;

chimiothérapie : Endoxan et Tyverb

-mesures : entretien ; par appel téléphonique automatique ;

comparaison des 2 mesures et des données médicales enregistrées

-temporalité : entretiens : inclusion et à 10 semaines (fin de

traitement) ; chaque semaine via appel téléphonique automatique (mesurant l’observance sur les 7 derniers jours)

-77% d’observance globale

-20% ont manqué une seule dose. (dose ingéré entre 68 et 93% de la dose prescrite).

-3% n’ont pris aucune dose.

Déterminants : non étudiés

Simons & al., 2011 -participants : n=48 ; âge moyen=56 ans ; 77% de femmes, 23% d’hommes ; chimiothérapie : Xéloda

-mesure : MEMS

-temporalité : mesure sur 6 cycles

-10,4% présentent moins de 80% d’observance globale -16,7% présentent moins de 90% d’observance globale.

Déterminants :

non étudiés

Partridge & al., 2010

-participants: n=167; âge moyen=71 ans; chimiothérapie : Xéloda

-mesure : MEMS

-temporalité : mesure sur 6 cycles

-78% d’observance globale

-au moins un oubli de dose chez 66% des patients -sur-observance : 11%

Déterminants :

-non observance favorisée par l’absence d’atteinte ganglionnaire et le fait d’avoir eu une mastectomie.

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Auteurs Participants et méthodologies Résultats principaux Bhattacharya et

al., 2012

-participants : n=43, âge moyen=65 ans ; chimiothérapie : Xéloda

-mesure :autorapportée : MARS -temporalité :Non précisée

-18,7% d’oublis

-4,6% de réduction de dose

Déterminants :

-Absence d’association entre observance et effets secondaires et représentations sur le traitement

Spoelstra et al. (2013)

-participants : n=119 ; âge moyen=60ans ; chimiothérapie : divers

-mesure : autorapportée et registres des pharmacies

-temporalité : mesurée sur 8 semaines, à raison d’une mesure hebdomadaire

-Observance : 58%

-13% de diminution de dose -20% de sur-observance -Déterminants :

-observance associée à la complexité du protocole -pas de lien pour dépression, toxicité, genre et âge.

Khandelwal et al. (2013)

-participants : n=377 ; chimiothérapie : Sutent, Nexavar et Tarceva

-mesure : Calcul d’un index de possession par les auteurs -temporalité : Observance mesurée sur 6 mois

-Observance décroit avec le temps : 99% à 1 mois, 64% à 3 mois et 43% à 6 mois.

-Persistance : 51,2% des patients sont persistants à 3 mois, pour seulement 23,8% à 6 mois

Déterminants :

-Association entre toxicité et mauvaise observance

Gebbia et al. (2013)

-participants : n=150 ; âge moyen=66 ans ; chimiothérapie : Tarceva

-mesure : Autorapportée : BAAS ; VAS (Visual Analogue Scale) ; Comptage de pilule

-temporalité : évaluatipn mensuelle

-via comptage de pilule : 17% d’inobservance. -BAAS : 22% de mauvaise observance.

-BAAS : 7% des patients ont une observance inférieure à 90%

Déterminants :

-association entre toxicité et mauvaise observance

Darkow et al. (2007)

-participants : n=267 ; âge moyen=50 ans ; chimiothérapie : Glivec

-mesure : calcul d’un index de possession

-temporalité : Mesure de l’observance sur 12 mois en vue d’établir un score d’observance global sur un an.

-20% ont une observance inférieure à 50% -45% des patients ont une observance parfaite

-31% des patients présentent une interruption de traitement d’au moins 30 jours

Déterminants :

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Auteurs Participants et méthodologies Résultats principaux

-polymédication

-présence de comorbidités importantes

Sommers, Miller et Berry (2012)

-participants : n=30 ; âge moyen=53 ans ; chimiothérapie : divers

-mesure : autorapportée : MMAS-8

-temporalité : mesure unique sur le premier cycle

-30% des patients n’ont pas tenu correctement leur journal de bord

-Moyenne des scores à la MMAS : 7,89 sur 8.

Déterminants :

72 Nous observons des taux d’observance globaux qui varient de 17% (Lebovits & al., 1990) à 100,6% (Lee & al., 1992). Les taux de patients observants dans les études présentant des résultats d’observance faibles à moyens, vont de 40% (Uematsu & al., 1996) à 78% (Gebbia & al., 2013). Pour autant, l’étude de Mayer & al. (2009), qui avance un taux d’observance de 95% ne prend pas en compte les arrêts pour toxicité.Un malade sur cinq prend moins de la moitié de son traitement par Glivec (Darkow & al., 2007). Pour autant, on remarquera qu’une étude cite des chiffres d’observance, dite parfaite, de seulement 14% (Noens & al., 2007). Celle-ci utilise des mesures auto-rapportées et l’on ne retrouve pas le biais de surestimation inhérente à ce genre de méthode. Le constat est le même pour Decker & al. (2009), où, avec les mêmes méthodes, un malade sur quatre n’est pas observant au Xéloda ou au Tarceva. Le respect de la dose ingérée et de l’intervalle entre prises semblent les deux paramètres de l’observance les plus affectés : seulement 43% des malades prennent la dose correcte (mesure par entretien, pour Lebovits & al. (1990) et 45% (via MEMS) ne respectent pas l’intervalle de temps prescrit par le médecin (Klein & al., 2006). L’observance diminue dans le temps. De 13% seulement de non-observance à la capécitabine en cycle 1, l’on passe à 22% en cycle 2, avec MEMS et journal quotidien (Macintosh & al., 2007). ). Plus spectaculaires encore sont les données de Khandelwal & al. (2013) : de 99% d’observance à 1 mois, l’on passe à 64% à 3 mois et 43% à 6 mois. Soit un taux d’observance divisé par plus de deux en six mois

Parmi les erreurs de prises les plus fréquentes, on notera une prédominance du phénomène de surobservance qui peut varier de 20% (Spoelstra & al., 2013) à 44% (Mayer & al., 2009). Les arrêts définitifs de traitement semblent plus rares, relevés à hauteur de 4% dans l’étude de Lebovits & al. (1990). Les arrêts massif et longs semblent plus fréquents : 31% des patients stoppent toatalement leur Glivec sur au moins 30 jours (Darkow & al., 2007).

La mesure par MEMS, réputée la plus fiable, donne ici des résultats contradictoires. On remarquera enfin que deux des trois études utilisant des examens biologiques de mesures se soldent par les taux d’observance les plus faibles (40% chez Uematsu & al., 1996, et de 17 à 27% chez Levine & al., 1987).

Les omissions de doses sont fréquentes, et tournent autour de 15-20% : 20% (Decker & al., 2009), 16,1% (Noens & al., 2009), 19% (Bhattacharya & al., 2012).. Seule l’étude de Partridge & al. (2010), avance un taux d’omission de 66%.

73 La variabilité des résultats ne permet pas de dresser un tableau homogène de l’observance aux chimiothérapies orales. Dans les études où elle semble affectée, le degré d’observance est sub-optimal (entre 70 et 85%). Plus que le taux global (overall compliance, OC), le phénomène de non observance pour ce type de traitement est sans doute à appréhender dans l’implémentation quotidienne des prises et dans l’organisation de celles-ci par le malade. Autrement dit, ce sont surtout l’horaire de la prise et les intervalles qui semblent les moins respectés. Or, on sait que la plupart de ces agents oraux requiert une régularité de prise parfaite, inscrite notamment en fonction des repas.

Mais la plupart de ces études ne mesure pas l’observance sur des variables propres à ces médications. Par exemple, la mesure via MEMS donne l’horaire de prise, mais ne dit rien des conditions de prises en fonction des repas (avant, après ?). On ne mesure pas les restrictions alimentaires indispensables pour certaines molécules. Du moins, dans les résultats avancés, ces spécificités ne sont pas déclinées ou explicitées, sauf pour les recherches de Lebovits & al. (1990). Les auteurs la nomme compliance comportementale. Seule un peu plus de la moitié (53%) des malades sont observants à ces « règles de bonnes prises », pour un traitement à base d’endoxan ou de prednisone, dans le cadre d’un cancer du sein.

Au final, l’observance aux chimiothérapies orales paraît très variable. Aucun profil ne se dégage à la lumière de cette première analyse. La prise en compte des déterminants est sans doute plus cohérente en ce qui nous concerne.

3.4.2. Déterminants de l’observance aux chimiothérapies orales

Nous les classerons en trois catégories, habituellement divisées comme tel dans la littérature : - Variables ayant trait aux traitements/maladie : toxicité, complexité, site et stade du néoplasme…

- Variables relatives aux malades lui-même : données sociodémographiques, détresse psychique…

- Variables propres à la relation de soin soignant-soigné : confiance, satisfaction, qualité de la communication et de l’information transmise, éducation…

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3.4.2.1. Variables relatives à la maladie et aux traitements

Les traitements

La durée

La durée de traitement est régulièrement associée au degré d’observance. Quatre études mentionnent cette durée, avec des résultats divergents. Certains auteurs (Klein & al., 2006 ; McIntosh & al., 2007), sans avoir testé cette variable, suggèrent néanmoins que la très bonne observance n’est pas étrangère à la courte durée du traitement durant chaque cycle (10 ou 5 jours par cycle de 21 jours de topotécan et mesure sur seulement 2 cycles de capécitabine, respectivement). En effet, plus le traitement est long (parfois sur plusieurs mois), moins les chances d’être observant sont élevées. A vrai dire, on parlera ici plutôt de persistance. Plusieurs données vont dans le sens d’une difficulté majeure à se maintenir persistant. Une diminution de l’observance dans le temps est retrouvée dans trois études (Lebovits & al, 1990, Lee & al., 1993 ; Noens & al., 2009). Ces données sont en accord avec la littérature sur l’observance en général. Certains traitements s’étalent sur des mois, installant le patient dans une gestion au long cours de ces médications. Cette durée peut laisser au malade l’impression d’entrer dans une certaine chronicité. Cette perception de chronicité peut se doubler d’une moindre nécessité perçue du traitement (comme c’est le cas pour le tamoxifène), ou d’une moindre efficacité. Le cancer est encore peu perçu comme une maladie potentiellement longue, mais plutôt comme une série de traitements agressifs s’orchestrant sur une période bien délimitée de quelques mois (chimiothérapie, radiothérapie, chirurgie), calendrier en général précisé dans les premiers temps après l’annonce. Il y aurait tension entre cet aspect de

chronicité et la représentation communément admise du cancer comme maladie subaigüe.

Cette mauvaise persistance peut prendre la forme d’irrégularité journalière dans les prises. Celle-ci augmente plus le temps depuis le diagnostic croît (Lee & al., 1993). Pour Noens & al. (2009), les malades auraient tendance à se percevoir en meilleure santé avec le temps, se représentant possiblement le Glivec comme moins utile. En somme, la chronicisation d’un traitement nuit à sa nécessité perçue, souvent associée à une amélioration sur le plan clinique et de la qualité de vie.

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La complexité et posologie

La complexité d’un traitement nuit à son respect. Dans le cancer, les chimiothérapies sont souvent prescrites par cycle, avec des périodes d’arrêt avant reprise. Pourtant, cette complexité a été peu prise en compte. Par exemple, en monothérapie pour cancer du colon métastatique, la dose initiale de Xéloda est de 1250 mg/m² deux fois/jour pendant 14 jours, suivie d’une période sans traitement de 7 jours.

La complexité est plutôt opérationnalisée selon le nombre de prises quotidiennes. Plus le nombre de prises journalières est élevé, moins l’observance sera bonne. Une étude retrouve ce lien : c’est à partir de 3 prises par jour que l’observance tend à décroître (Lee & al., 1992). Résultats proches pour Spoelstra & al. (2013), qui retrouvent une association entre inobservance et complexité du protocole, mais pour diverses chimiothérapies. Noens & al. (2009) rapportent des conclusions contraires, reconnaissant le caractère contre-intuitif des résultats. Selon les auteurs, la sévérité de la leucémie myéloïde chronique et les conséquences d’une observance trop basse seraient en mesure d’expliquer cette association. Decker & al. (2009) ne notent pas de différence dans l’observance entre des malades prenant un seul ou deux agents antinéoplasiques.

En dehors d’une prescription par cycle, demeure les nombreuses consignes de bonne prise (prise optimale), différentes selon les molécules et conditionnant pour partie leur efficacité. Nous avons mentionné plus haut ces diverses modalités et n’y reviendrons pas. D’autant plus que les études présentées ne semblent pas les avoir incluses dans leur définition de l’observance. Ou alors ce point n’a pas été précisé. Cette observance, que nous pouvons nommer, à l’instar de Lebovits & al. (1990), « comportementale », est largement tributaire d’une éducation de qualité reçue sur le traitement. Les variables explicatives de nature cognitive paraissent centrales (compréhension, mémorisation…). Il ne faut pas oublier que les patients prennent rarement un seul traitement ; la polymédication est plutôt la règle, avec des consignes à retenir qui varient. De plus, devant l’échec d’une molécule, une autre peut lui être substituée, avec parfois des modalités de prise différentes (exemple : le passage du Sutent à Afinitor dans les cancers du rein : le premier est un protocole complexe de type 4/2 de 6 semaines, le second est de prise chronique.)

C’est ainsi qu’on en sait peu sur la prise de ces chimiothérapies en fonction des repas, alors que l’absorption de certains médicaments est influencée par la nature même de l’alimentation mais aussi par le délai écoulé entre prise alimentaire et prise médicamenteuse (Singh & Malhotra, 2004).

76 Les conditionnements des chimiothérapies per os sont aussi à prendre en compte. Hétérogènes (Ranchon & al., 2009), ils sont parfois mal adaptés. Enfin, concernant le dosage, une association entre posologie élevée et observance plus faible est mise en évidence (à savoir une dose total/jour de 600mg ou plus d’imatinib) pour Noens & al (2009).

La toxicité

Ce dernier point nous amène à envisager l’impact de la toxicité du traitement. C’est ainsi que, d’ordinaire, l’observance tend à décroître plus l’occurrence des effets secondaires augmente. Trois études retrouvent ces liens, bien documentés. L’observance est négativement impactée par une toxicité importante (Khandelwal et al., 2013 ; Gebbia et al., 2013). Dans une étude de Lee & al., (1993), mesurant l’observance à l’étoposide pour un cancer pulmonaire, l’irrégularité horaire de la prise (mesurée par MEMS) est corrélée avec des vomissements plus