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PARTIE III : LES MEDICAMENTS DERIVES DU CANNABIS EN FRANCE

A. La place du Sativex ® dans la prise en charge de la sclérose en plaques

2) L’efficacité

(a) Les échelles de mesure

La mesure de l’efficacité des traitements sur la spasticité est réalisée grâce à différentes échelles [Annexe 11].

Mais elle sera difficilement mesurable car l'étendue des dommages sur les neurones moteurs varie d'un patient à un autre, et que la réponse à un médicament ne peut donc pas être prédite. De plus, un chevauchement de divers symptômes peut influencer sa détection. Ainsi, la qualité des instruments psychométriques sélectionnés a besoin d'être fiable et valide.

L’échelle la plus largement utilisée, reflétant un point de vue professionnel, est l’échelle d’Ashworth modifiée. Mais sa validité et sa fiabilité ont été interrogées.

La seconde la plus employée dans les revues est l’échelle de spasmes de Penn. Elle est composée de deux auto-évaluations, sur la fréquence et sur la gravité, pour quantifier la sévérité de la spasticité et de la SEP.

On retrouve également la (0-10) NRS (Numerical Rating Scale) qui reflète la sévérité de la spasticité du point de vue du patient. A la fois fiable et valable, elle permet d’augmenter la probabilité d'un diagnostic exact et l’appréciation du degré de gravité. Elle simplifie l’auto-évaluation de la spasticité et fournit plus de détails sur la sévérité des symptômes associés à celle-ci. Il arrive que cette échelle soit remplacée dans certaines études par la (0-100mm) VAS (échelle visuelle analogique) (78).

L’échelle de Tardieu est une mesure ordinale qui tient compte de la posture et de la vitesse d’étirement (142), et l’échelle de spasticité MSSS-88 est un outil d'auto- évaluation validé où il faut récupérer 88 objets (mais en raison de son étendue, cette dernière reste limitée).

Jusqu'à présent, aucune méthode standard unique ou de comparaison directe entre les échelles n’est disponible (78).

(b) Les études cliniques

Plusieurs essais cliniques sur le Sativex® ont été réalisés dans le cas de spasticité modérée à sévère induite par la SEP et résistant aux thérapies de premières lignes. Parmi les plus récentes, il y a trois études de phase III, sur le court terme, randomisées, en double-aveugle versus placebo et multicentriques (143; 144; 145).

Dans ces essais, les auteurs ont eu recours principalement à une échelle (0-10) NRS, l’échelle d’Ashworth étant un critère secondaire. Seulement, un résultat basé sur l’impression subjective impose certaines précautions lors de l’analyse de celui-ci.

Sont considérés comme « répondeurs » au traitement, les patients ayant une réduction de score d’au moins 20% du score NRS durant les quatre premières semaines (période de titration) et d’au moins 30% entre le début et la fin des essais (107).

Isolément, les résultats des deux premières études n’étaient pas très concluants. Une méta-analyse a permis de rassembler les données. Elle démontre que 35% des patients sont répondeurs face à 25% avec le placebo (p=0,014) (146).

La troisième étude, elle, s’est concentrée sur les patients « répondeurs ». Elle est composée de deux phases :

 Phase A : en simple aveugle (pas de placebo), sur quatre semaines, permettant de

déterminer les patients « répondeurs » ;

Phase B : en double aveugle (versus placebo), sur 12 semaines, n’incluant que les

« répondeurs » de la phase A (soit 42% des patients de départ).

De plus, les malades de cette étude ont reçu des antispastiques oraux avant. Ils étaient donc dans des conditions d’« add-on therapy », c'est-à-dire d’un traitement de seconde intention et pas en monothérapie.

Une différence significative entre les patients sous traitement et ceux sous placebo a été observée : 74% « répondeurs » contre 51% avec le placebo (p=0,0003) (145) ; uniquement lors de la phase B.

Cette étude a convaincu l’Agence Européenne du Médicament (EMA) d’autoriser la mise

sur le marché du Sativex® (137). La première AMM à avoir été délivrée fut au Royaume-

Par la suite, une étude de phase IV fut réalisée. Elle regroupe les mêmes caractéristiques que celles de phase III, mais a été poussée sur le long terme (121 patients pendant plus de 50 semaines), afin d’étudier la tolérance (sur la cognition et l’humeur) et l’efficacité du produit.

Même si l’échelle NRS et l’échelle d’Ashworth ont bien été utilisées ici pour mesurer l'efficacité du traitement, une autre peut également être citée : la Global Impression Change (GIC), déterminée par les patients, les médecins et les soignants. Dans toutes les analyses, le Sativex® a apporté une amélioration significative par rapport au placebo (respectivement p = 0,002; p = 0,0001 et p = 0,014). Mais, la validité de celle-ci n'a pas encore été officiellement évaluée.

Aucun déclin cognitif ou changements importants de l'humeur des patients n’a été observé durant la totalité de l’étude. De plus, aucune manifestation de troubles psychotiques n’a été signalée (147).

(c) Les études d’observation

Les études d’observation permettent de surveiller l'utilisation quotidienne dans la pratique du Sativex®. Des données sur l’efficacité et la tolérance du traitement ont pu être recueillies sur le court et le long terme et les résultats obtenus concordent avec ceux observés dans les études cliniques.

On obtiendra également des réponses positives sur la qualité de vie des patients (MSQoL-54) et de leur sommeil (78).

L’une d’elle a même permis de confirmer la stabilité de l’action du produit jusqu’à 2 ans (148).

Prenons l’exemple de l’étude la plus importante, l’étude « MOVE 2 ». Il s’agit d’une étude prospective, multicentrique et non-interventionnelle, d’abord réalisée sur le court terme (3 mois sur 276 patients), puis prolongée sur le long terme (12 mois sur 62 patients). Afin d’étudier l’efficacité sur la spasticité, le critère pour caractériser les patients « répondeurs » reste le même (le taux de diminution du score NRS) (78).

Lors de l’étude à court terme, les médecins ont noté que 74,6% de leurs patients avaient une amélioration de leur spasticité après 1 mois et que l'effet était maintenu pendant les 3 mois. Mais l’analyse des résultats a conclu que seulement 27,2% montraient une diminution significative de leur score NRS (p<0,0001). En revanche, plus cette baisse est importante le premier mois, plus le traitement est efficace. En effet, les sujets avec une baisse ≥ 20% du NRS le premier mois (14%), ont leur score qui passe de 6,4 à 4,0 (p<0,0001) après 3 mois, et pour ceux avec un baisse ≥ 30% du NRS (9%), leur score chute de 6,5 à 3,4 (p<0,0001). La satisfaction des patients sur l'efficacité du traitement antispastique est passée de 44,8% au départ à 79,5% au bout de 3 mois (149).

A la fin cette période de 3 mois, 100 patients ont été suivis jusqu'à 12 mois. Avec un total de 62 patients encore sous traitement à la fin de la période, 64,5% avaient une diminution significative de la spasticité (p<0,0001). La satisfaction des patients est quant à elle passée de 17,1% au départ à 70,2% après 12 mois. Du point de vue des médecins, les symptômes les plus inquiétants (rigidité musculaire et la douleur) ont montré des améliorations statistiquement significatives (respectivement p = 0,00023 et p = 0,0076) (150).

(d) Prudence lors de l’interprétation des résultats

Les différentes études ont mis en évidence l’efficacité du Sativex® dans le soulagement de la spasticité de la SEP. Mais, afin de bien analyser les données, il ne faut pas oublier certains éléments.

Les résultats des études d’observation montrent des résultats sur l’amélioration des symptômes largement plus significatifs que dans les essais cliniques, mais ils ne peuvent pas être comparés ici puisque l’effet placebo n’est pas pris en compte.

Cependant, les études d’observation nous révèlent que le degré de spasticité baisse surtout le premier mois et reste plutôt stable par la suite. Ce qui fait que le gain thérapeutique semble limité si les résultats de la période de titration ne sont pas considérés.

Même si la plupart des essais sont multicentriques, tous les patients résistants n’ont pu bénéficier de ce traitement.

De plus, certains patients ont utilisé le médicament en adjonction avec des antispastiques classiques, alors que d’autres, ne supportant les EI de leur ancien traitement, l’ont pris en monothérapie.

En outre, il n'a pas montré d’avantages importants lors de l’utilisation de l’échelle d’Ashworth (78).

Enfin, d’autres effets du traitement peuvent jouer un rôle dans la baisse de la spasticité comme l’effet sédatif ou sur l’anxiété (97).