• Aucun résultat trouvé

L ES EFFETS DE L ’ IMPORTATION PARALLÈLE SUR LES PRIX DES MÉDICAMENTS PRINCEPS

Dans le document Avis 13-A-24 du 19 décembre 2013 (Page 129-133)

SECTION III – ANALYSE CONCURRENTIELLE

C. LES ACHETEURS ET NÉGOCIANTS EN GROS

2. L ES EFFETS DE L ’ IMPORTATION PARALLÈLE SUR LES PRIX DES MÉDICAMENTS PRINCEPS

.

631. L’importation parallèle de médicaments est encore peu développée en France, le montant de son chiffre d’affaires (évalué sur la base du PFHT) s’élevant à environ 15 millions d’euros en 2012428

632. En effet, le prix des médicaments importés parallèlement est fixé par le CEPS à un montant inférieur de 5 % par rapport à celui fixé pour le médicament premièrement mis en circulation sur le territoire français. Le taux de remboursement du médicament sera par conséquent appliqué sur un montant inférieur, ce qui permettra à l’Assurance maladie de réaliser des économies de remboursement

. Celle-ci peut toutefois permettre à l’Assurance maladie de réaliser des économies directes et indirectes sur le remboursement des médicaments.

429

633. Outre ce premier avantage direct, l’Autorité de la concurrence est d’opinion que l’importation parallèle de médicaments peut fournir au CEPS des informations utiles sur le niveau des prix des médicaments princeps en France, par rapport aux niveaux des prix pratiqués dans d’autres pays européens. Elle peut donc jouer un rôle indirect sur la négociation des prix à la baisse et par conséquent sur la réduction du montant de remboursement déboursé in fine par l’Assurance maladie. La Cour de Justice de l’Union européenne avait confirmé cette approche en 2008, ajoutant que l’importation parallèle permet d’offrir « une source alternative d’approvisionnement, ce qui conduit nécessairement à certains avantages pour le consommateur final de ces médicaments »

.

430

634. Enfin, les achats de médicaments réalisés par l’intermédiaire des importations parallèles permettent aux pharmacies d’officine d’accéder à des produits identiques à des prix inférieurs de 5 % (voir Section I). Dès lors, les pharmaciens, et notamment les plus dynamiques d’entre eux, pourraient faire bénéficier en toute ou partie leur clientèle de cet avantage tarifaire, qui constituerait à l’aval un facteur de concurrence en prix.

, ainsi que pour l’Assurance maladie.

a) L’augmentation des importations parallèles : un indicateur de prix élevés sur certains médicaments princeps

635. Une étude commandée auprès d’IMS Health par le Leem tendrait selon ce dernier à démontrer que les prix des médicaments princeps en France sont relativement bas, en comparaison avec ceux pratiqués dans les quatre États membres de référence, à savoir l’Allemagne, le Royaume-Uni, l’Espagne et l’Italie.

636. La représentativité de l’échantillon analysé dans le cadre de cette étude doit toutefois être remise en question. En effet, parmi les médicaments dont les prix font l’objet d’une

427 Versailles, 2 septembre 2010, URSSAF du Rhône c/ Boiron S.A. CJUE, C-526/04, Laboratoires Boiron S.A.

c/ URSSAF de Lyon.

428 Elle représenterait 15 millions d’euros en 2012.

429 CEPS, Rapport Annuel, 2010, p.14. Ce principe a été repris dans les Rapports Annuels du CEPS de 2011 et 2012.

430 Affaires jointes C-468/06 à 478/06, arrêt du 16 septembre 2008, Sot. Lélos kai Sia, paragraphe 53.

130

comparaison, il peut être relevé que la majorité d’entre eux présentent une amélioration du service médical rendu réduite, c’est-à-dire de niveau IV ou V. L’échantillon est en outre limité à un faible nombre de molécules et uniquement à des molécules présentes dans l’ensemble des cinq États couverts par l’étude. Cet échantillon ne porte par ailleurs que sur des molécules récemment lancées en France. Il semble par conséquent difficile de tirer de cette étude une appréciation générale sur le niveau des prix des médicaments princeps en France.

637. Il doit en outre être rappelé que les régimes nationaux encadrant les prix des médicaments, les besoins en médicaments et les données épidémiologiques peuvent fortement différer entre États membres de l’Union européenne. Une comparaison des prix appliqués dans ces différents États ne peut dès lors constituer qu’un indicateur, parmi d’autres, permettant d’analyser le niveau des prix en France. Celui-ci serait par conséquent utilement complété par les données de l’importation parallèle.

638. En effet, comme souligné par la Cour de justice de l’Union européenne, l’importation parallèle constitue la seule forme de concurrence permettant de faire baisser les prix des médicaments faisant encore l’objet d’une protection par un brevet431

639. Or, bien que demeurant faible, le chiffre d’affaires exprimé en PFHT de la vente de médicaments importés parallèlement en France a triplé ces dernières années, passant d’un peu moins de 5 millions d’euros en 2009 à environ 15 millions d’euros en 2012. Cette augmentation atteste de l’identification par les importateurs parallèles de molécules princeps pour lesquelles le prix fixé dans d’autres pays européens demeure sensiblement inférieur à celui établi en France

.

432

640. L’ANSM a en outre enregistré une augmentation du nombre d’importateurs parallèles ainsi que des demandes d’octroi de licences d’importation. L’autorité de santé confirme par ailleurs que ce phénomène constitue un indicateur de prix trop élevés sur certains princeps au niveau national. Quant à l’origine des médicaments importés en France, elle serait multiple, ceux-ci provenant tant des quatre États membres de référence, que d’autres États membres de l’UE.

Enfin, une recrudescence d’importations depuis les pays de l’est de l’UE, comme la Pologne, aurait été observée.

.

641. L’Autorité de la concurrence estime en conséquence que le suivi de l’évolution des importations parallèles de médicaments princeps devrait offrir au CEPS un outil supplémentaire dans la négociation à la baisse des prix des médicaments princeps.

642. Le CEPS procède déjà à une comparaison des prix pratiqués dans quatre États membres de référence (à savoir l’Allemagne, l’Espagne, l’Italie et le Royaume-Uni), mais celle-ci n’est effectuée que pour certaines spécialités seulement433

431 Jugement du 6 octobre 2009, dans les affaires jointes C-501/06P, C-513/06P, C-515/06P et C-519/06P, GlaxoSmithKline Services e.a. / Commission e.a, paragraphe 64.

. Un suivi des importations parallèles sur le territoire national offrira par conséquent un point de comparaison complémentaire et plus large au Comité, étant donné que celui-ci porterait sur l’ensemble des médicaments.

432 EAEPC, « The parallel Distribution Industry : A closer look at savings », January 2013. Il convient d’ajouter que l’importation parallèle de médicaments génériques n’est pas développée en France.

433 Notamment pour les médicaments d’ASMR I à III, ainsi que pour certains médicaments d’ASMR IV.

Accord-cadre du 5 décembre 2012 entre le comité économique des produits de santé et les entreprises du médicament, article 4.

131

b) L’identification d’obstacles à l’importation parallèle de médicaments

643. Le chiffre d’affaires de l’importation parallèle de médicaments représente donc une proportion minoritaire, voire marginale, du chiffre d’affaires total de la vente de médicaments sur le territoire d’un État. Comme illustré dans la Section II du présent avis, cette proportion reste faible même lorsque l’État concerné (par exemple l’Allemagne ou le Royaume-Uni) adopte un régime incitant à la distribution d’un plus grand nombre de médicaments importés parallèlement.

644. Toutefois, certains acteurs ont fait état de lenteurs et difficultés à l’obtention de licences d’importation parallèle, lesquelles constitueraient des obstacles au développement de cette activité. Ces lenteurs seraient notamment dues au fait que les procédures françaises seraient plus contraignantes que celles en vigueur dans d’autres États membres de l’UE.

645. À ce sujet, l’Autorité de la concurrence note que le LEMI propose d’assouplir la règle imposant que l’importation parallèle porte sur une spécialité « dont la composition quantitative et qualitative en substances active et en excipients, la forme pharmaceutique et les effets thérapeutiques » soient identiques à ceux de la même spécialité ayant obtenu une AMM en France434

646. Selon le LEMI, si l’imposition de conditions strictes est justifiée sur le plan qualitatif, il semble surprenant d’exiger que le conditionnement soit le même. Une telle règle ferait en effet obstacle à l’importation parallèle de médicaments identiques, fabriqués par une même entreprise. Son assouplissement devrait dès lors permettre d’éviter que les entreprises érigent des obstacles au commerce parallèle, notamment en commercialisant un même produit sous un conditionnement variant d’un État à un autre. Un tel assouplissement devrait toutefois être réalisé en conformité avec les exigences de sécurité et de traçabilité du médicament.

.

3. LES MÉDICAMENTS NON REMBOURSABLES

647. Le constat d’un rapport déséquilibré entre acheteurs et négociants en gros est particulièrement marqué pour les médicaments non remboursables.

648. En effet, la vente directe est largement privilégiée sur ce segment, au détriment du passage par les grossistes-répartiteurs et les SRA. Or, ces derniers ont un intérêt plus grand à négocier les prix des médicaments à la baisse, contrairement aux dépositaires qui agissent pour le compte du laboratoire.

a) Favoriser d’autres circuits d’approvisionnement que la vente directe

649. La distribution des médicaments non remboursables passe principalement par le canal de la vente directe. En effet, de nombreuses officines obtiennent des remises nettement supérieures à celles octroyées aux intermédiaires sur les médicaments non remboursables.

650. Toutefois, ces officines ne disposent pas des mêmes capacités de stock que les acheteurs et négociants en gros. Par ailleurs, ces différenciations tarifaires tendent à favoriser les plus grosses officines, commandant de plus gros volumes.

651. Certaines officines pourraient cependant vouloir privilégier un approvisionnement « au fil de l’eau », c’est-à-dire recourant aux grossistes-répartiteurs, à tout le moins pour certains de ces

434 Article R. 5121-115 du code de la santé publique.

132

médicaments. D’autres officines de taille plus modeste, qui recourent principalement aux services du grossiste-répartiteur, devraient pouvoir s’approvisionner auprès d’eux en médicaments non remboursables tout en bénéficiant d’avantages commerciaux équivalents à ceux des plus grosses officines, qui privilégient la vente directe. En outre, les grossistes-répartiteurs peuvent souhaiter intervenir plus régulièrement dans la distribution des médicaments non remboursables.

b) L’absence de puissance d’achat compensatrice et la possibilité de baisse des prix des médicaments non remboursables

652. En opposant des refus de vente et/ou des conditions commerciales moins favorables aux intermédiaires, les laboratoires pharmaceutiques recherchent un contrôle précis de la présentation de chaque boîte vendue en officine, ainsi que de leurs marges sur chacune d’entre elles. Un tel contrôle leur permet par ailleurs de s’assurer que seules les officines ayant la capacité de stocker de grandes quantités d’un même médicament, bénéficient de prix et remises avantageux. Les autres officines, aux commandes moins conséquentes, ne bénéficiant pas de telles remises, se retrouvent donc également discriminées.

653. Or, si les acheteurs et négociants en gros obtenaient des conditions et remises équivalentes à celles offertes aux officines de grande taille dans le cadre de la vente directe, cet avantage pourrait être répercuté sur l’ensemble des officines. Cela pourrait par conséquent entraîner une baisse des prix moyens (PFHT et PPTTC) de certains médicaments non remboursables435 654. Ce traitement différencié entre acheteurs et négociants en gros, d’une part, et officines,

d’autre part, est en réalité illustratif de l’absence de puissance d’achat compensatrice des intermédiaires de la distribution du médicament.

.

655. En effet, une pression concurrentielle peut être exercée sur une entreprise « non seulement par les concurrents actuels ou potentiels, mais également par les clients. Il est possible que même une entreprise détenant une part de marché élevée ne soit pas en mesure d'avoir un comportement indépendant dans une mesure appréciable vis-à-vis de ses clients disposant d'un pouvoir de négociation suffisant »436

656. Dès lors, un renforcement de la puissance d’achat compensatrice des acheteurs et négociants en gros serait de nature à renforcer la pression concurrentielle exercée sur les laboratoires pharmaceutiques et serait susceptible d’engendrer une baisse des prix moyens (PFHT et PPTTC) des médicaments non remboursables. Ce renforcement pourrait en outre permettre au grossiste-répartiteur de redresser une situation financière plutôt défavorable.

.

657. Plusieurs facteurs peuvent intervenir dans le renforcement de la puissance d’achat compensatrice des acheteurs et négociants en gros. En effet, une « puissance d'achat compensatrice peut résulter de la taille des clients ou de leur importance commerciale pour l'entreprise dominante, ainsi que de leur capacité de changer rapidement de fournisseur, de

435 Dans une telle hypothèse, les laboratoires pharmaceutiques seraient toutefois confrontés à une baisse de revenus, notamment en ce qui concerne les boîtes vendues à l’heure actuelle à un prix plus élevé aux petites officines.

436 Communication de la Commission — Orientations sur les priorités retenues par la Commission pour l'application de l'article 82 du traité CE aux pratiques d'éviction abusives des entreprises dominantes, paragraphe 18.

133

favoriser de nouvelles entrées ou de s'intégrer verticalement, ou de menacer de manière crédible de le faire »437

658. Or, il a déjà été indiqué que le marché de la répartition était concentré entre quelques acteurs principaux. Ceux-ci, bien qu’ils soient de taille conséquente, n’ont cependant pas de pouvoir réel de négociation avec le laboratoire pharmaceutique, lequel continue de privilégier la vente directe en officine. Il en va de même pour les groupements, les SRA et les CAP.

.

659. En outre, les grossistes-répartiteurs ont déjà fait preuve d’un effort de diversification important de leurs activités. Ainsi, certains d’entre eux exercent également des activités complémentaires de dépositaires, de laboratoires génériques, de CAP, etc.438

660. Un renforcement de cette puissance d’achat compensatrice serait cependant souhaitable. En effet, comme indiqué ci-avant, un tel renforcement serait susceptible d’entraîner une baisse des prix moyens (PPTTC et PFHT) des médicaments vendus dans certaines officines. Par ailleurs, un passage plus régulier par ces acheteurs et négociants en gros permettrait d’assurer que le stockage de ces spécialités soit assuré de façon adéquate. L’officine pourrait alors s’approvisionner auprès de ces derniers « au fil de l’eau » et non sous la forme de palettes encombrantes, comme c’est parfois le cas actuellement, dans le cadre des ventes directes.

. Toutefois, les grossistes-répartiteurs estiment que cette diversification ne leur aurait pas offert une puissance d’achat compensatrice leur permettant d’obtenir des conditions commerciales satisfaisantes de la part des laboratoires pharmaceutiques.

661. À cet effet, les réformes suggérées sous le point traitant des rapports concurrentiels entre acheteurs et négociants en gros devraient également permettre un renforcement de cette puissance d’achat compensatrice. Il s’agit des propositions suggérant un rééquilibrage du rapport entre intermédiaires, par l’imposition par exemple d’obligations équivalentes à l’ensemble d’entre eux. Une révision de l’arrêté de marge, dans la mesure indiquée plus haut, pourrait également être envisagée. Enfin, les mesures relatives à la taxation de la vente directe ont déjà fait l’objet d’observations tenant compte de la jurisprudence dans ce domaine.

662. Toutefois, pour être efficaces, ces mesures devront tenir compte de la répercussion vers les officines de tout ou partie des avantages commerciaux ainsi obtenus par les intermédiaires. À cet égard, un maintien de la pluralité d’acteurs intervenant dans l’achat et la négociation en gros, tout en défendant des intérêts économiques distincts, constitue une garantie efficace. En effet, dans une telle hypothèse, ceux-ci n’auront d’autre choix que de répercuter une partie des avantages commerciaux obtenus auprès des laboratoires, cette répercussion constituant un argument de vente déterminant vis-à-vis des officines souhaitant s’approvisionner dans les produits concernés. De même, le consommateur final devrait pouvoir bénéficier in fine des baisses de prix attendues. Ce dernier objectif implique toutefois que la concurrence s’anime à l’aval.

Dans le document Avis 13-A-24 du 19 décembre 2013 (Page 129-133)