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L’effet de résonance entre la procyclicité du crédit et les actifs financiers

Analyse théorique des crises financières et revue de la littérature

C. L’effet de résonance entre la procyclicité du crédit et les actifs financiers

Les différents compartiments du marché financier sont en interdépendance. Si un ou deux actifs financiers sont en évolution alors que chacun ou deux marchés restaient stable en stagnation, leur entrée en résonnance pourrait précipiter une crise du système financier dans son ensemble. Dans ce genre d’interaction, on retient le rôle déterminant du crédit dans l’alimentation d’une série d’emballements spéculatifs portant sur le change, la bourse, l’immobilier. Cet effet de résonance entre la procyclicité du crédit et les actifs financiers s’est, fortement ressenti dans les économies émergentes causant, ainsi, des crises financières. Ce qui explique que ces crises traduisent des formes de crises nouvelles : les crises doubles ou les crises jumelles.

Les crises doubles s’expliquent par l’entrée en résonnance des craintes et

177 Furman J. & Sliglitz J. E. (1998), “ Economic Crises : Evidence and Insights from East Asia “, Brookings Papers on Economics Activity, n° 2.

Page 145 inquiétudes de dévaluation de la monnaie nationale et de la perte de valeur des actifs financiers des agents bancaires et non bancaires.

Eichengreen et Hausmann (1999178 ont développé une thèorie, qualifiées de « péché originel », dans la quelle ils expliquent que les agents de l’économie domestiques sont incapables de s’endetter à l’extérieur dans leur propre monnaie. Cela tient à l’absence de confiance dans la conduite de la politique économique où à l’insuffisance profonde du marché correspond.

Ces deux économistes soulèvent deux configurations qui peuvent entraver la nature de l’équilibre macroéconomique :

un équilibre avec confiance dans la monnaie et l’activité élevée ;

un autre équilibre, plus défavorable, dans lequel la monnaie

domestique est fortement dépréciée et l’activité faible.

Les autorités monétaires perdent, de ce fait, la capacité de mener des politiques stabilisatrices car elles ont, à la foi, à la défiance à l’égard de la monnaie nationale, ce qui les conduit à relever le taux d’intérêt, aggravant ainsi la fragilité, voire l’insolvabilité, du système bancaire domestique.

A partir du crédit obtenu sur le marché international, ces banques domestiques octroient des crédits en monnaie domestique qui, même en cas de succès des projets ainsi financés, ne génèrent pas des recettes en monnaie nationale permettant de rembourser des prêts correspondants. La capacité de remboursement en monnaie international décroit avec la dévalorisation de la monnaie domestique dans un équilibre défavorable.

A la lumière de la crise américaine consécutive à l’éclatement de la bulle Internet et la crise japonaise qui éclate au début des années quatre-vingt-dix,

178

Eichengreen B. & Haussman R. (1999), “Exchange Rates and Financial Fragility”, NEBER Working Paper, n°7418, novembre. Disponible sur http://www.nber.org/paper/w7418

Page 146 Boyer & al. (2004)179 fait un inventaire des différentes thèses apportées par les théoriciens pour expliquer ces crises et mettre en cause l’effet de résonance entre les différents compartiments du marché financier. Pour illustrer cette étude, on présente le schéma n°06a.

Schéma n°06a : Entrée en résonnance des divers marchés financiers a. Pays émergents

b. Pays développés

Source : Boyer et al. (2004)

179

Boyer et al. (2004), « La crise japonaise : structurelle, financière… politique ? » In : La finance et la monnaie à l’âge de la mondialisation : examen comparatif de l’Europe et de l’Asie, Nishikawa Jun et Dourille-Freer, Edition L’Harmattan, 2004.

Crédit bancaire Change Change Dette Souveraine Crédit bancaire Accumulation productive

Change Accumulation productive

(1) (2) (5) (1) (4) (1) (2) (3) (6) (3) (6) (7)

Page 147 La lecture de ce schéma montre que :

(1) Krugman (1979) s’attache à mettre en relation la crise de change

avec la crise de la dette souveraine d’une part et, de l’autre part, la crise de la crise de la dette souveraine avec la crise de change avec la crise boursière pour expliquer les crises des apys émergents et la crise de change avec la crise boursière pour expliquer les crises des pays industrialisés.

(2) Jeanne & Zelttelmeyer (2002) et Chang & Velasco (2000)

considèrent que les crises financières sont le résultat de l’entrée en résonance entre le crédit bancaire avec la crise de change pour les pays émergents et les pays industrialisés.

(3) Kyotaki et Moore (1997) expliquent que les crises financières

sont le produit de l’interaction entre la crise du crédit bancaire et la crise de l’accumulation productive pour les pays émergents et les pays industrialisés.

(4) Kalantzis (2003) met en relation la crise de la dette souveraine

avec celle de l’accumulation productive pour expliquer les crises des pays émergents.

(5) Hausmann et Velasco (2002) explique le déclenchement des

crises financières des pays émergents par l’interaction entre la crise de l’accumulation productive et la crise cde change.

(6) Caballero et Krishnamurthy (2001) persistent à montrer que les

crises dans les pays industrialisés sont le résultat de l’entrée en résonance entre la crise de l’accumulation productive avec la crise boursière d’une part et, de l’autre part, la crise de l’accumulation productive avec la crise de change.

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(7) Bernanke, Gertler et Gilchrist (1999) révèlent que les crises

financières dans les pays industrialisés sont la conséquence de l’interaction entre la crise du crédit bancaire avec la crise boursière.

Ainsi, ce schéma montre qu’il existe une contagion d’une sphère de l’activité financière à l’autre. Cela explique que les crises financières sont le produit de l’effet d’entrée en résonance d’un actif financier avec un autre.

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Conclusion

En conclusion de ce chapitre, on peut faire quelques remarques concernant l’analyse théorique des crises des pays émergents.

Tout d’abord, on ne trouve pas chez les classiques et les néoclassiques une théorie, proprement dite, sur les crises financières. Il parait que le phénomène n’a pas eu beaucoup d’importance à cette époque car il se produisait à des intervalles de temps assez longs par rapport aux crises récentes et l’ampleur des dégâts subis par les crises anciennes étaient moins importantes que celles de notre ère. Ce qui peut expliquer l’idée avancée par les économistes classiques et néoclassiques pour expliquer la crise.

Pour les économistes classiques, les crises étaient considérées comme des évènements passagers qui se manifestent suite à des défaillances enregistrées dans un secteur ou activité économique.

De même, les néoclassiques continuent à croire, dans le même courant de pensée de leurs prédécesseurs classiques, que les crises sont des évènements conjoncturels qui viennent réajuster l’équilibre naturel de la vie économique. Les crises sont annonciatrices de la fin d’un cycle et le début d’un autre.

Après la crise de 1929, le monde s’est réveillé sur une crise couteuse et dévastatrice. C’est alors que les économistes reconnaissent la nécessité de théoriser le phénomène et de trouver des explications valables. Les théoriciens commençaient à prendre au sérieux le phénomène des crises.

Suite à cela, Keynes (1930) tentait d’expliquer les crises en évoquant le problème de l’insuffisance d’investissement comme cause possible à ce phénomène. Fischer (1933) voulait démontrer que la cause des crises est le surendettement des entreprises. Minsky (1992) privilégie le problème de la fragilité financière et de l’instabilité économique comme explication de la crise.

Page 150 Ensuite, des modèles de crises ont été construits à partir de 1979, date à laquelle l’économiste Krugman a développé son propre modèle de crise, connu comme modèle de crises de première génération. Après la crise du SME (1992), des modèles de deuxième génération ont été développés pour faire évoluer les explications apportées par Krugman.

Après la crise asiatique de 1997, les théories et modèles explicatifs se sont multipliés et succédés pour expliquer les crises touchant particulièrement les pays émergents. Ces modèles ont donné naissance à des modèles de crises de troisième génération.

D’autre part, la finance moderne décèle des imperfections constatées au niveau des marchés financiers qui peuvent apportés des éclaircissements concernant l’implication de ces marchés dans le déclenchement de la crise.

L’analyse de ces théories des crises conduit à privilégier les unes sur les autres pour comprendre, particulièrement, les crises des pays émergents. Ces crises sont le produit d’une politique économique qui fragilise le système économique et le mène tout droit vers une crise de change doublée avec une crise bancaire et/ou boursière. Les deux chapitres suivants se focalisent sur cette idée de

fragilité économique pour comprendre ces crises. Suite à cela, on peut soulever que les modèles de crises de la première

génération sont les plus appropriés à expliquer les crises des pays émergents. On peut ajouter, à ces modèles, ceux de la troisième génération qui prennent en compte les crises de change doublés de crise bancaire.

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Chapitre 3.

Analyse des manifestations extérieures