• Aucun résultat trouvé

L’effet phare attoseconde comme spectrogramme de l’émission

Cette partie présente les résultats expérimentaux obtenus en introduisant une rotation des fronts d’onde d’amplitude modérée. L’objectif est ici de démontrer qu’une mesure spectrale résolue le long de la direction de dispersion angulaire du train attoseconde permet d’obtenir des informations sur la structure temporelle du train.

6.3.1 Obtention et mesure de la rotation du front d’onde

Pour étudier expérimentalement la possibilité de réaliser un spectrogramme du train atto- seconde, nous nous sommes placés dans des conditions expérimentales où les impulsions at- tosecondes ne sont pas complètement séparées angulairement : en impulsions longues et en focalisation faible.

La mesure de la rotation des fronts d’onde au foyer du laser est effectuée en imageant le foyer sur la fente d’entrée d’un spectromètre. Les Figures 6.8(a1) et (b1) montrent la mesure de la répartition du spectre au foyer respectivement sans rotation de front d’onde (avec les deux prismes parallèles) et avec rotation du front d’onde (avec un angle de 60o entre les prismes). On voit que dans le premier cas, le spectre est relativement homogène le long de la tache, alors que dans le deuxième cas, les composantes du spectre sont réparties le long de la direction ver- ticale de la tache focale. Les Figures 6.8(a2) et (b2) présentent les champs électriques obtenus en appliquant une phase plate aux mesures spectrales (a1) et (b1). Le champ électrique (a2) présente des front d’onde parallèles (on observe tout de même une légère rotation de ses front d’onde, montrant la présence d’un léger pulse front tilt intrinsèque en champ proche, proba- blement dû à l’alignement des réseaux du compresseur). En revanche, le champ électrique (b2) présente une rotation de ses fronts d’onde prononcée, avec une vitesse de rotation mesurée de

vrot = 0.8 mrad.fs−1. On observe également l’allongement de la tache focale dans la direction de la répartition du spectre.

L’effet phare attoseconde : génération d’impulsions attosecondes isolées 141 Temps (fs) Y ( µ m) −30 −20 −10 0 10 20 30 0 5 10 15 Temps (fs) Y ( µ m) −30 −20 −10 0 10 20 30 0 5 10 15 ω (PHz) Y ( µ m) 2.3 2.35 2.4 2.45 2.5 0 5 10 15 ω (PHz) Y ( µ m) 2.3 2.35 2.4 2.45 2.5 0 5 10 15 (a1) (b1) (a2) (b2)

Figure 6.8 – Chirp spatial au foyer et rotation des fronts d’onde laser pour une impulsion de 30 fs. En (a1) est montrée la mesure du spectre de la tache focale sans dispositif de rotation de front d’onde (on observe un léger chirp spatial intrinsèque au laser). Les fronts d’ondes laser calculés en prenant une phase spectrale plate (a2) sont plutôt parallèles (v(a)rot= −0.3 mrad.f s−1). En (b1) est présenté le spectre obtenu lorqu’un des deux prismes est tourné de 60o, ainsi que le champ laser associé (b2), qui présente une rotation marquée de ses fronts d’onde (v(b)rot= 0.8 mrad.f s−1). Les traits pointillés rouges suivent la direction des fronts d’onde et aident la lecture

Ces mesures laissent donc penser que lorsque l’impulsion est comprimée sur cible, on ap- plique une dispersion angulaire au train attoseconde. Pour le vérifier, nous avons mesuré le spectre de l’émission. Les résultats sont présentés sur la Figure 6.9.

6.3.2 Mesures spectrales résolues en angle

La Figure 6.9 montre le champ électrique au foyer calculé à partir des mesures spectrales au foyer du laser ainsi que le signal harmonique mesuré dans ces conditions (harmonique 11 à 13). Les configurations expérimentales sont les suivantes : sans prismes (a), avec un des prismes tourné de 30o (b), avec un des prismes tourné de 60o (c). Les vitesses de rotation des fronts sont respectivement v(a)

rot = −0.3 mrad.fs−1, v

(b)

rot = 0.03 mrad.fs−1 et v

(c)

rot = 0.8 mrad.fs−1. Les harmoniques sont quant à elles légèrement penchées dans un sens (a2), droites (b2) et plus fortement penchées dans l’autre sens (c2). Cette observation qualitative va dans le sens de l’explication théorique présentée plus haut : en fonction du signe et de l’amplitude de la vitesse de rotation des fronts d’onde laser au foyer, les harmoniques présentent une certaine inclinaison, qui peut être expliquée par la dispersion angulaire des impulsions attosecondes du train. Dans le cas (c) par exemple, qui présente la vitesse de rotation la plus élevée, les impul- sions attosecondes situées à l’avant du train, qui présentent un écart temporel plus faible, sont

142 L’effet phare attoseconde comme spectrogramme de l’émission Temps (fs) Y ( µ m) −30 −20 −10 0 10 20 30 0 5 10 15 Temps (fs) Y ( µ m) −30 −20 −10 0 10 20 30 0 5 10 15 Temps (fs) Y ( µ m) −30 −20 −10 0 10 20 30 0 5 10 15 Ordre harmonique θ (mrad) 10.5 11 11.5 12 12.5 13 10.5 11 11.5 12 12.5 13 Ordre harmonique θ (mrad) 10.5 11 11.5 12 12.5 13 −10 −5 0 5 10 Ordre harmonique θ (mrad) (a1) (b1) (c1) (a2) (b2) (c2) −10 −5 0 5 10 −10 −5 0 5 10

Figure 6.9 – Rotation des fronts d’onde laser et spectres harmoniques associés. Les mesures (a), (b) et (c) ont été effectuées respectivement sans prisme, avec prismes dont un à 30o, et avec prismes dont un à 60o. Dans le cas (a), on a vrot(a) = −0.3 mrad.f s−1 et on mesure des harmoniques légè- rement penchées d’un côté (a2). Dans le cas (b), où on a vrot(b) = 0.03 mrad.f s−1, les harmoniques sont droites. Dans le cas (c), on a vrot(c) = 0.8 mrad.f s−1 et on observe des harmoniques nettement penchées de l’autre coté.

dirigées vers les angles α positifs et produisent des harmoniques de fréquence fondamentale plus élevée, alors que celles situées à la fin du train sont dirigées vers les α négatifs et génèrent des harmoniques de fréquence fondamentale plus faible. Dans le cas où le champ laser ne présente pas de rotation des fronts d’onde, les harmoniques sont droites. Le comportement du profil harmonique est donc cohérent avec l’analyse précédente.

Pour pouvoir faire une analyse plus quantitative de ces résultats expérimentaux, il faut donner une estimation de la forme de la porte temporelle appliquée au train par la rotation des fronts d’onde.

Dans nos conditions expérimentales, on a θn10 mrad (cette valeur est approximative, car elle correspond à la divergence attoseconde mesurée sans rotation de front d’onde, voir Fi- gure 4.3) et vrot= 0.8 mrad.fs−1 (dans le cas c), ce qui signifie que la largeur à 1/e de la porte temporelle est de l’ordre de 25 fs. La durée de l’impulsion étant de 33 fs (en champ), il est clair que nos paramètres expérimentaux ne nous permettent pas de tirer des conclusions directes sur la structure temporelle du train à partir de l’inclinaison des harmoniques. En effet, la largeur idéale de la porte serait d’environ 5 fs, afin de ne sélectionner que deux impulsions attosecondes par mesure spectrale (voir Figure 6.5). Dans nos conditions expérimentales, non seulement la

L’effet phare attoseconde : génération d’impulsions attosecondes isolées 143 porte sélectionne dix impulsions, mais en plus le produit de la fonction porte centrée en τ avec l’impulsion centrée elle en 0 n’est plus centré en τ mais entre 0 et τ, ce qui empêche de faire la conversion directe θ ⇒ τ pour remonter à la fréquence de battement locale du train attoseconde. L’approche simple qui consiste à dire que la fréquence d’oscillation harmonique locale permet de remonter directement au délai entre les quelques impulsions attosecondes sélectionnées par la porte temporelle G n’est donc pas applicable dans ces conditions expérimentales. Il est cepen- dant probablement possible d’exploiter ces résultats (par exemple, les spectrogrammes utilisés dans la technique FROG classique possèdent en général une porte de la même durée que celle de l’impulsion à analyser), mais cela implique de développer un algorithme plus complexe pour extraire l’information temporelle contenue dans les données spectrales. Cela reste encore à faire. Une autre solution consisterait à réduire la largeur de la porte temporelle pour ne sélection- ner que deux impulsions attosecondes. Dans le régime de l’émission cohérente de sillage, cela est possible en réduisant la taille du foyer laser, puisque la divergence des impulsions attosecondes augmente moins vite que la vitesse de rotation. Cependant, il faut en parallèle augmenter le cône de collection du spectromètre puisque le faisceau XUV est plus divergent. Cela devient malheureusement impossible dans nos conditions expérimentales, car nous atteignons la limite d’acceptance angulaire de notre détecteur. Deux solutions sont envisagées pour réaliser cette expérience : l’acquisition d’un réseau concave et d’une MCP de plus grande dimension, ou alors le raccourcissement de l’impulsions laser, ce qui permettrait d’augmenter sensiblement la vitesse de rotation des fronts d’onde laser.