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L’effet Narcisse et la correction différentielle mise en œuvre

Figure 32 Absorption monochromatique de l'atmosphère

4. Etude des phénomènes perturbateurs et leur correction

4.2. L’effet Narcisse et la correction différentielle mise en œuvre

Analyse de l’effet Narcisse

En thermographie infrarouge, l’image d’un objet homogène à température ambiante dans une pièce isotherme doit donner une image d’isoluminance. Seules les réflexions d’objets à une autre température permettent d’obtenir un contraste. Les réflexions du flux issu du milieu ambiant ont l’avantage d’augmenter le contraste (Figure 54), ce qui permet du point de vue imagerie de visualiser des détails très fins et parfois non distinguables en lumière visible. Cependant, pour faire des mesures thermographiques, il faut, en plus de l’étalonnage en température, connaître les propriétés optiques de l’objet observé et notamment sa réflectivité.

Figure 54. Mise en évidence du phénomène de réflexion sur une image infrarouge

L'effet Narcisse est causé par le rayonnement parasite du détecteur et/ou des optiques qui peuvent se réfléchir sur l’objet. L’effet Narcisse est tout particulièrement rencontré dans le cadre de mesures thermographiques sur des objets réfléchissants et cela d’autant plus que l’objectif d’entrée est proche de l’objet analysé.

L'optique ou l’échantillon lui-même réfléchit une partie du rayonnement émis par le détecteur [Horny02]. Celui-ci étant parfaitement aligné avec l'axe optique, il reçoit sa propre image superposée à l'objet situé dans le champ visuel (Figure 55). Le taux de rayonnement est directement lié à la différence de température entre le détecteur (refroidi à 77 K) et l'optique, à température ambiante.

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CHAPITRE 2–CONCEPTION ET DEVELOPPEMENT DU DISPOSITIF

Contribution du détecteur Émission propre Contribution de l’ambiante Objectif Détecteur Échantillon

Figure 55. Les différentes contributions au thermosignal

Le système optique peut également émettre ou réfléchir un rayonnement non négligeable, soit vers le détecteur, soit vers une surface réfléchissante de l’objet. À l'image s'ajoute alors un rayonnement caractéristique de la cartographie thermique de l'optique.

Ce phénomène devient alors très important en haute résolution, puisque l’échantillon est positionné à très courte distance du dioptre d’entrée (parfois à moins de 18mm). Au niveau du champ des températures mesurées, on observe un halo caractéristique, bien que la scène thermique filmée par la caméra infrarouge soit uniforme. La mesure sur objet homogène (wafer) à température ambiante (20°C) est présentée en Figure 56. Ce halo est dû aux rayonnements propres des optiques, d’où l’allure circulaire des isovaleurs du champ perturbé. La distribution du rayonnement mesuré par la caméra thermique, exprimée en Niveau Numérique, forme une cuvette profonde au centre de l’image pour atteindre une valeur minimale correspondant à une température fictive de 18°C.

Figure 56. Illustration de l'effet Narcisse (gauche) et distribution du rayonnement infrarouge mesuré (droite)

L’effet Narcisse est d’autant plus marqué, et par conséquent la cuvette plus profonde, que dans une configuration donnée du dispositif (détecteur de la caméra et optiques), l’échantillon est réfléchissant. La Figure 57 représente la distribution thermographique d’une image d’un échantillon recouvert d’un dépôt brillant métallique et utilisé comme miroir. Le puits thermique,

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au centre de l’image, est extrêmement important avec, au centre, un signal autour de 3500 UI correspondant à une température fictive d’environ 35°C inférieure. Ceci illustre l’influence très forte de la température du détecteur (77 K) dont on visualise sa propre image thermique sur l’échantillon.

Figure 57. L'effet miroir quasi parfait

La température a également une forte influence sur l’effet Narcisse. En effet, par rapport aux flux émis par un objet chaud, les contributions des rayonnements thermiques issus de l’environnement et du détecteur sont faibles ; l’effet Narcisse en sera d’autant plus réduit que la température de l’objet est élevée.

Correction de l’effet Narcisse

Dans un premier temps observons un objet réfléchissant à température ambiante. Nous pouvons également observer que l’effet Narcisse dépend de l’émissivité du matériau. La Figure 58 illustre cette propriété en présentant les températures équivalentes au thermosignal reçu par la caméra pour deux échantillons d’émissivité différente : un échantillon de verre peint en noir à émissivité élevée ( = 0,9) et un échantillon d’alumine Al2O3 à émissivité plus faible ( = 0,45). La mesure de

l’ambiante sert de référence, alors que la courbe en rouge illustre le redressement du profil de température après correction de l’effet Narcisse dans le cas de la mesure sur le corps sombre.

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Figure 58. L'effet Narcisse sur différents échantillons

L’étalonnage de la caméra avec un corps noir n’est pas suffisant pour réaliser des mesures thermiques quantitatives et il est nécessaire de déterminer l’influence de l’effet Narcisse, d’en déduire les conditions expérimentales pour le réduire et aussi de définir les traitements correctifs. Dans le cas d’objet opaque (sans transmission), le flux infrarouge mesuré par la caméra provient de la contribution de trois effets et peut s’écrire sous la forme :

) ( ) ( ) ( o e e détecteur détecteur o caméra S T S T S T S (26)

A ces trois contributions peut être ajoutée une quatrième si on considère le flux non focalisé provenant de l’environnement interne de la caméra et lié essentiellement aux imperfections du système optique. Cet environnement n’est pas isotherme, il est influencé par la température du système de refroidissement (cycle de Stirling) et celle des composants électroniques internes. En simplifiant les écritures et en revenant à la notion de thermosignal, la scène regardée par la caméra se définit alors par :

) ( ) ( ) ( )

( On Env i Env Dét i Dét Cam i Cam

i Obj On

i S T S T S T S T

S (27)

La scène thermique étant très réduite et parfaitement délimitée, la source de chaleur dans un MEMS est contrôlable et donc activable ou non à volonté. L’environnement étant rigoureusement contrôlé (salle climatisée et écrans de protection autour de la scène) la relation (27) sans source de chaleur (MEMS à l’état off) devient :

)

(

Obj i( Off) Env i( Env) Dét i( Dét) Cam i( Cam) Opt

Opt Off

i F S T S T S T S T

S (28)

d’où nous en déduisons :

) ( On Off i Obj Opt Opt Off i On i S F S T S (29) et Opt Opt Obj Off i On i Off On i F S S T S ( ) (30)

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Fopt est la fonction de transfert instrumental du banc, incluant le grandissement et les ouvertures

des optiques ; opt représente les atténuations le long du chemin optique (lentilles et atmosphère

traversées). De ce fait, par différentiation contrôlée, la source de chaleur peut être déterminée avec précision sans les effets perturbateurs Narcisse et environnementaux. Un logiciel Micro’IR a été mis au point pour effectuer un tel traitement et sera présenté en 4.3.

Au niveau expérimental, corriger l’effet Narcisse consiste donc à réaliser pour chaque mesure M, une mesure de référence Mref qui est une mesure de la scène thermique sans l’objet, qui prend en

compte uniquement les contributions environnementales (fond et ambiant) et instrumentales (système optique et caméra infrarouge). Pour chacune des mesures, les moyennes temporelles et spatiales permettent de réduire le bruit ; il reste alors à soustraire la mesure et sa référence pour obtenir uniquement la contribution de l’objet d’analyse. Ceci nécessite, bien sûr, qu’entre mesure et référence, aucune variation environnementale, ni instrumentale n’ait lieu. Pour cela, les mesures doivent être réalisées après une phase de stabilisation puis entre une mesure et sa référence dans un intervalle de temps court.

Cette méthode différentielle est générique puisqu’elle s’applique chaque fois qu’il est possible d’obtenir une image de référence.

300 µm

(a) (b) 300 µm

Figure 59. Correction de l'effet Narcisse (échantillon du CEA)

On peut illustrer l’efficacité du traitement correctif de l’effet Narcisse par la Figure 59, qui montre l’image obtenue sur un wafer en silicium. Avant correction (a), l’effet de la cuvette est fortement observé, on visualise très difficilement la gravure du microcircuit. Après correction de l’effet Narcisse, avec une mesure de référence et étalonnage en température, l’effet cuvette disparaît pour laisser apparaître la contribution thermique de l’objet seul (b).

Avec une moyenne de 28,54°C, le bruit du fond peut-être considéré comme négligeable, les fluctuations de l’ordre de 0,1°C étant dues à la variation d’émissivité entre les électrodes de platine et le substrat en TiO2.

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Limite de la correction de Narcisse :

exceptée la source de chaleur, tout doit rester parfaitement constant entre les deux mesures ;

dans le cas de petits décalages entre les 2 mesures (Off et On) l’image corrigée peut présenter un effet de bord avec un léger cerclage périphérique ;

plus la source de chaleur est faible, plus cette méthode différentielle nécessite de bons rapports signal sur bruit pour les 2 mesures (mesure proprement dite et sa référence). Pour cela il est possible de procéder à une intégration sur un certain nombre de cycles (On-Off) d’autant plus nombreux que le signal utile de la source de chaleur est faible sachant que le rapport Signal/Bruit s’améliore en fonction de la racine carrée du nombre de cycles.