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4. PHILOSOPHIE DE L'EDUCATION

4.1 L'EDUCATION, AFFAIRE HUMAINE.

L'éducation est un processus social de transmission et de créa- tion culturelle qui devrait disposer l'honme à l'appropriation du mi- lieu humain.

Nous voulons dans ce chapitre analyser les raisons pour les- quelles l'éducation est considérée conme un processus : la première se- rait que l'éducation est un échange, une forme de conmunication, la deu- xième, qu'elle fait partie de la production d'un système social et en- fin l'honme lui-même est sujet à transformations socio-culturelles. L'analyse de ces trois facteurs fera l'objet de pages suivantes. En même temps nous voulons faire remarquer le caractère instrumental et sé- miologique de l'action éducative.

1. Il existe un rapport de communication.

Quand nous parlons de processus éducationnel la notion de re- lation d'apprentissage est implicite. Le système éducationnel se conçoit difficilement sans le rapport maître-élève. Ce phénomène relationel est

compris comme une influence réciproque établie au niveau des contenus et aussi conme un rapport de dépendance au niveau de la connaissance elle-même.

Pendant longtemps, la dépendance maître-élève s'est faite au profit d'une véritable aristocratie du savoir, à laquelle l'élève pou- vait arriver en tant qu'être Intelligent et passif. Il est plus exact de parler dans ce cas d'instruction plutôt que d'éducation. La relation maître-élève était une simple transmission de contenu, plutôt qu'une vé- ritable communication.

Un comportement actif se développait par excellence chez le maître alors que l'élève restait passif, parce que la méthodologie pro- pre à cette conception d'éducation ne recherchait pas à développer des comportements actifs d'invention mais plutôt à rester au niveau des com- portements passifs d'assimilation.

L'influence de la conception de l'honme comme "animal ration- nel" est à la base de cette théorie pédagogique. Le caractère spécifi- que de l'honme, ce qui le fait homme c'est sa rationalité (intelligence, capacité de penser, de comprendre).

L'élève deviendra pourtant, un être capable de retenir des notions, de répéter des connaissances, de suivre un processus élaboré pour lui mais dont la finalité est méconnue parce qu'elle lui est exté-

rieurs.

Si nous prenons cette relation d'apprentissage dans le sens d'une Influence réciproque qui ne s'établit pas seulement au niveau des contenus mais aussi dans le sens d'un développement d'habiletés, de com- portements et de significations tant individuelles que sociales, nous trouverons que le rapport maître-élève peut être orienté selon une autre perspective tout en conservant les éléments de la relation.

Conme nous l'avons déjà dit, la perspective anthropologique ac- tuelle est différente, ce qui déterminera nécessairement une autre maniè- re d'établir des relations d'apprentissage.

L'honme nous semble être plutôt une unité consciente incorpo- ré au monde et capable d'objectiver sa propre existence. Par 1'objecti- vation humaine le monde devient un système de rapports de communications, de significations, il cesse d'être un simple agrégat d'individus. Par son action, l'honme s'approprie du monde en le rendant significatif. Son intelligence ne se trouve pas limitée à une certaine réceptivité, elle est ouverte vers l'action, vers la transformation. L'apprentissa- ge est une activité d'échange de significations qui développera des ca- pacités et des comportements pour résoudre des problèmes.

Les méthodes "traditionnelles" qui permettaient l'établis- sement de relations "verticales" seront remplacées par d'autres (ate- liers, dynamique de groupes, etc.) qui permettront des rapports plus "horizontaux".

Si une comparaison peut être faite entre les deux types de rapports, on pourrait dire que le premier vise à un changement quantita- tif des connaissances et le deuxième à un changement qualitatif des com- portements .

2. C'est une force productive, dynamique.

Le processus éducationnel est une force parce qu'il est une puissance de la société. Cette force est productrice dans le sens qu'el- le produit ou plutôt reproduit le "savoir". Ce savoir est presque en- tièrement le produit d'un système social. Conme Bourdieu l'affirme, l'action pédagogique ajoute sa propre force symbolique au système de rapports de forces qui caractérisent la société.

On peut affirmer que l'éducation a une triple orientation face au savoir. Eh effet, ce savoir peut être accepté conme étant un "sa- voir", un "savoir—faire" ou un "savoir quoi faire" et"pourquoi le faire."

Le "savoir" répondrait à une culture générale de l'honme pri- vilégié ou cultivé, à une conscience du monde, conséquence de l'assimi- lation de la connaissance accumulée du savoir des autres.

Le "savoir-faire" équivaut au savoir bien faire; à l'efficaci- té sociale. Le savoir faire vise à la formation d'une conscience effi- cace mais qui ne se pose pas de questions sur le pourquoi de ses ac- tions.

Le "savoir-quoi faire et pourquoi le faire" est la création d'une conscience reflexive qui rend possible la praxis éducationnelle. De cette façon la force de production se situera au niveau des valeurs culturelles et des valeurs sociales.

L'éducation est aussi une force dynamique parce qu'elle est un principe d'action. Le "savoir quoi faire et pourquoi le faire" im- plique un mode d'existence propre. L'éducation comme processus enferme les conditions nécessaires à une action transformatrice. Il s'agit de favoriser chez l'élève les mécanismes qui lui permettront la réflexion et l'action sur le monde. En ce sens elle contribue à développer des comportements, des attitudes qui répondent à l'époque historique dans laquelle elle prend place. C'est-à-dire, elle peut contribuer et encore plus donner naissance à des conduites qui obétissent à une réalité nou- velle. On peut faire référence, par exemple, à la lecture critique des images au sens proposé par Christian Pagano.

(1) Pagano, Christian,"Action et lecture."

Barthes, R., Pagano, C , et plusieurs, "La conmunication audio-visu- ELLE' Ed., Paulines, France, 1969, p. 303-

3. U y a un report socio-culturel.

L'honme conme être Incorporé qui agit dans un milieu social est un être en situation. Il est "situé" en raison de sa vie d'associa- tion et aussi en raison de son historicité : il est délimité par l'espa- ce et le temps.

Cette délimitation à l'Intérieur d'un rapport de forces socia- les dominantes le force à s'adapter au mode de vie prédominant de sa so- ciété, c'est-à-dire à l'ensemble de valeurs et d'attitudes communes pro- duites et transmises par le système social.

Le caractère normatif qui dérive de cet ensemble de valeurs culturelles et sociales est l'éducation.

Mais si l'analyse de l'éducation conme processus nous a montré des facteurs qui conviennent à notre étude, nous sonmes conscients aussi de la signification prioritaire que le sens sémiologlque du concept d'éducation a pour nous. Nous nous permettons de rappeler la définition faite plus haut : "L'éducation est un processus par lequel les signifiés sont compris et créés dans et par l'être humain". La transmission des signifiés devient le noyau du problème de la culture. Les signifiés don- neront précisément le sens à la culture.

Le monde cesse d'être naturel pour devenir culturel quand la présence humaine donne un sens à son environnement, quand l'honme "s'ap- proprie" la nature. Cette appropriation est faite par le travail, parce que le travail comme toute action humaine transforme la nature.

L'éducation est une forme de l'action humaine, elle détermine l'honme à améliorer son appropriation du milieu. Eh un mot, elle dispo- se à cette appropriation.

Dans le cadre de notre recherche quand nous parlions d'une ap- propriation du milieu humain, nous faisions référence à la compréhension en tant qu'appropriation intellectuelle du milieu. L'individu acquiert un bagage de significations qui constitue l'explication de son milieu, explication qui rejoint son action et qui représente pour lui son "savoir faire" en relation avec son "savoir pourquoi le faire".

Psychologiquement, ce bagage est pour lui une sécurité dont il a besoin pour vivre. D'une façon consciente et dans la plupart des cas en se servant de mécanismes qui sont devenus insconscients, il élabore intellectuellement son environnement, il fabrique son monde.

Cette appropriation devient sa réaction rationnelle à son envi- ronnement et plus précisément le résidu qu'il garde et qui constituera son cadre rationnel face au milieu. Ce cadre délimitera ses comporte- ments, sa praxis, sa réponse aux défis de son environnement. De là, il

fait le choix du monde qu'il désire parce qu'il veut le transformer réellement. Il devient de cette façon un être de praxis. Son action transformatrice obéit à certaines finalités qui sont le produit de sa synthèse réflexion-action.

L'éducation devient un instrument de la réflexion critique sur la réalité, de la disposition à l'appropriation et à la transformation du milieu humain. C'est le droit à vivre dans un milieu qui lui appar- tient .

Abraham Moles nous le confirme : "C'est une caractéristique essentielle de l'être humain que de vivre dans un environnement qu'il s'est créé lui-même."

(1) Moles, A. Abraham, Soclodyrtamique de la culture, éd. Mouton, Paris, 1967, p. 19.

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