• Aucun résultat trouvé

L A CONVERSION EN SCIENCES SOCIALES : USAGE , PORTÉE ET LIMITES DU CONCEPT

a) Approche historique et épistémologie du concept

Bien que très actuelle car liée au renouveau religieux contemporain, la question de la conversion religieuse jouit d’une grande profondeur historique. Tout en se posant à l'origine de toutes les grandes traditions religieuses, monothéistes en particulier, elle a traditionnellement constitué une dimension essentielle de la rencontre des peuples entre eux, que celle-ci prenne la forme de conquête, de colonisation ou d’alliance. L'expansion rapide du christianisme et de ses nouveaux courants dans les sociétés non occidentales ou parmi les populations immigrantes des pays du nord, ainsi que l'engouement croissant des Occidentaux pour les philosophies et traditions orientales ne comptent que pour quelques exemples de la vitalité actuelle des conversions religieuses. Cependant, l'étendue des champs d'application de la conversion en fait également sa difficulté d’approche puisque cette notion recouvre autant une réalité sociale qu’un principe religieux.

La pluralité des définitions témoigne de la malléabilité du concept et de sa charge politique circonstancielle, que ce soit dans une optique d'instrumentalisation (prosélytisme), ou selon une démarche d’engagement sincère de la part du converti. En 1987, Stapples et Mauss rappellent l’importance des motivations à l’origine de la conversion : certains changements religieux sont liés à des circonstances externes (mariage avec un conjoint de confession différente), ou à un objectif délibéré d’obtenir des avantages matériels ou de s’adapter à une situation (conversion des juifs dans l’Allemagne de l’entre-deux-guerres). À cette perspective utilitariste s’opposent les démarches de conversion qualifiées d’authentiques et profondes, reposant sur une expérience mystique intense et fondatrice, et sur une dévotion sincère et fondamentale. Plus récemment, devant la multiplicité des modes de conversion, le phénomène a été pensé sous la forme de typologies capables de mieux en signifier les mécanismes. Ainsi, Langewiesche (1998) distingue la conversion à la religion du groupe majoritaire, la conversion à la religion du groupe minoritaire, et la conversion au culte des ancêtres. Pour Hervieu-Léger (1999), il existe trois modalités de conversion religieuse : celle de l'individu qui « change de religion », celle de l'individu n'ayant auparavant jamais appartenu à une tradition religieuse, et celle du

« réaffilié », « converti de l'intérieur » ou « reconverti », qui réactive une identité religieuse jusqu’ici uniquement formelle.

L’hétérogénéité des approches provient de la diversité des disciplines qui se sont penchées sur la question : historiens, théologiens, sociologues, psychologues, anthropologues, chacun a jeté son propre regard sur le phénomène de la conversion. La variété des perspectives s’explique également par l’association intime de la problématique aux enjeux et contextes des temps et lieux : suite aux premières lectures psychologiques du début du XXe siècle, la conversion est traitée dans le cadre de sociétés modernes et sécularisées, observant avec scepticisme les phénomènes et groupes religieux qui y apparaissent ou y perdurent. Depuis la fin des années 1970, l’avènement de la postmodernité et les renouveaux religieux issus des brassages de populations et de croyances ont catalysé un regain d’intérêt pour la conversion, créant ainsi un espace de réflexion et d’études empiriques autour du concept et de ses manifestations.

Partant des différents angles de recherche qui ont pu lui attribuer un sens, nous proposons ici de déconstruire la notion de conversion. Ne pouvant ignorer ses dimensions religieuses, politiques et sociales, la présentation s’appuie sur cette polysémie, autant que sur son instrumentalisation et ses formes d'appropriation locale. Cette tentative de différantiation derridienne qui se veut généalogique nous amène à considérer la pluralité des signifiés du concept, tant celui-ci est chargé politiquement et traversé d’enjeux identitaires et paradigmatiques qui structurent les rhétoriques, autant que les expériences subjectives qu’il médiatise.

b) Généalogie d'un concept

Nous proposons d’organiser cette généalogie du concept de conversion selon une perspective comparative qui met en exergue non seulement l’influence prépondérante du paradigme chrétien, mais aussi la spécificité de la démarche dans l’islam. Devenir musulman répond en effet à une logique autre que celle de l’éthique proprement réflexive du christianisme. Il semble alors nécessaire de développer une approche qui tienne compte de la spécificité de l’entrée dans l’islam au sein des sociétés sécularisées.

i) Le paradigme occidental

Dans la tradition chrétienne, bien que l’affiliation religieuse puisse se transmettre par le lignage, la théologie officielle considère qu’« on ne naît pas chrétien, on le devient »12. La conversion est généralement suivie d’un rituel ou sacrement, marquant l'entrée du néophyte dans l'Église chrétienne. Bien que le baptême témoigne de la nouvelle identité religieuse de l’individu, il ne constitue pas un acte de conversion en soi. En fait, l’adhésion au christianisme repose sur un acte de foi individuel, généralement accompagné d’une prise de conscience ou d’une forme de repentance des péchés perpétués avant d’accepter le divin dans sa vie. C'est avec la conversion au christianisme de personnages célèbres (Saint-Paul, Saint-Augustin, Julien Green, l’empereur romain Constantin) que le terme et ses manifestations ont d'abord exercé une fascination sur l’imaginaire occidental, et engendré une prolifération de témoignages écrits (Godo 2000). Les Confessions de Saint-Augustin constituent à cet égard le témoignage le plus illustre. C’est probablement sa description de la conversion comme d’une expérience spirituelle et transcendante, mais aussi fortement subjective et intime, qui imprègne le plus le concept dans le christianisme. La conversion devient alors un mouvement intérieur qui fait qu’on « se détourne de » pour « se tourner vers ». La généalogie que propose Finn (1997) remonte toutefois à la fin de l’antiquité romaine, quand se convertir signifiait changer la façon dont on comprend, valorise et vit dans le monde. Il s’agissait alors d’un processus essentiellement cognitif qui menait à une attitude de contemplation et de mysticisme. Dans le monde biblique de l'ancien Israël et du judaïsme, l’acte de conversion se dote d’une nouvelle acception, il marque le changement d'une attitude d’infidélité à une vie de loyauté envers Dieu, ce qui entraînait repentance et réconciliation de la part de l’individu, ainsi qu’un changement de son mode de vie. Ces visions ne sont pas contradictoires et toutes les deux supposent qu’un Dieu est à l'origine du changement. De la combinaison des visions classique et biblique, Finn élabore une nouvelle définition : la conversion est un changement dans la façon dont l’individu comprend et valorise Dieu et son monde, vit selon sa volonté, et dans le processus, ressent de la repentance, un retour et de la réconciliation.

Décobert (2001) note que la conversion au christianisme s’exprime avant tout par le récit. Les premiers écrits s’intègrent dans la littérature des martyrs chrétiens, ils s’appuient sur la procédure narrative de la passion. Par la suite, l’évolution du schéma narratif du récit de conversion suit en quelque sorte le processus de diffusion et d’institutionnalisation du christianisme. Les récits révèlent avant tout un cheminement vers le christianisme dont « les Confessions de Saint-Augustin » demeurent l’archétype; ils s’articulent autour des thèmes de la foi, de l’introspection et de l’autocontrôle. C’est avec les premières tentatives de prosélytisme que le schéma narratif de la conversion se développe à partir d’une faute originelle, progressivement assimilée à un état de crise; il véhicule alors une éthique de la culpabilité. Ainsi s’opposent de façon rhétorique la fragilité du temps passé et du règne des émotions à la domination du soi dans le temps présent, de sorte que le discours de la conversion en devient un « de la discipline et de l’identité et de leur lien mutuel » (Décobert 2001, p. 72). Il s’inscrit dans la logique d’une herméneutique du sujet, reposant sur les concepts d’intériorité et d’« autofinalisation du soi ». Cette vision de la foi proprement chrétienne place le sujet au cœur d’un cheminement religieux fondateur pour l’individu, comme pour la collectivité. Bien qu’elle ait longtemps orienté de manière quasi exclusive le signifié attribué au concept de la conversion, elle n’en reflète pas pour autant toutes les possibilités.

ii) La logique de la conversion en islam

La notion de conversion en tant que telle n’est pas mentionnée précisément dans le Qu’ran et elle n'existe pas dans la langue arabe. Toutefois, le mot islam traduit en soi le procédé puisqu’il signifie « soumission » et évoque l'adoration et l'obéissance au Divin exemplifiées par tous les prophètes, de Noé à Mahommet, en passant par Abraham, Moïse et Jésus (Dutton 1999). En ce sens, celui qui adopte l'islam accepte de s’en remettre à Dieu et de revenir dans la foi (Jawad 2006; Winter 2000). Il ne s’agit pas d’un changement de cœur ni d’esprit, mais d’une modification de statut devant Dieu. En fait, la conversion est davantage perçue comme un « retour » puisqu’il est admis que chacun naît avec une prédisposition à la soumission à Dieu (Lacar 2001; Morton 2003). Selon Winter (2000) et contrairement au christianisme,

l'islam dénie l'idée que la Création est radicalement séparée de Dieu : « The human creature is itself innately possessed of grace, so that according to a hadith, « every child is born with the true natural disposition (fitra), it is only its parents that turn it into a Jew, a Christian or a Zoroastrian (Koran 7:172) » » (p. 95). Ainsi convaincu de l'innocence fondamentale de l'homme, l'islam ne constitue finalement qu'un rappel de ce lien divin, ce qui justifie l'emphase qu'il porte sur la da’wa ou prosélytisme musulman. Fondamentalement, la conversion constitue donc un acte de reconnaissance de la mémoire de l'Homme (dikhr), soit une affirmation de sa propre nature. De fait, comme le souligne l'islamologue, « the great majority of new Muslims today refer as « reverts » not converts » (Winter 2000, p. 96). Cette démarche de retour à Dieu, et à un Dieu unique n'est pas marquée par une rupture, sinon par une aspiration active au mérite et à la grâce divine, actualisée par le renouvellement quotidien des performances rituelles et des aumônes (Morton 2003). Pour Winter (2000), « Muslim soteriology hinges not on the sacrifice of an atoning Saviour but on the struggle of the faithful soul to purge itself of distraction and to experience grace directly » (p. 95). Woodberry (1992) énumère les diverses étapes d’une démarche- type : la guidance divine (huda), la repentance de ses péchés, le développement de la foi (iman), la soumission à Dieu (islam), et finalement l’acte de foi en Dieu et en son prophète (shahada). L’individu entre alors dans la communauté des musulmans (umma), et accède ainsi à un état de sécurité, de réussite, et de bien-être.

Le processus de conversion est relativement sommaire et informel : il suffit de prononcer l’acte de foi ou shahada, et de reconnaître qu’« Il n’y a de Dieu qu’Allah et Mohammad est son messager », réalisant ainsi le premier pilier de l'islam, après quoi le nouveau musulman doit effectuer les ablutions, un geste de purification spirituelle et matérielle. Les interprétations varient quant à la nécessité de rendre l'acte public à l'aide de témoins. L’islam n’étant structuré ni autour d’un clergé, ni autour d’un rituel d’initiation, l’acte de conversion peut théoriquement être exécuté dans un environnement privé. Le fait de l'opérer devant un membre du clergé musulman permet cependant d’obtenir un certificat de conversion, ce dernier étant requis dans certaines situations, comme le pèlerinage à La Mecque (hajj). La simplicité de la démarche de conversion soulève la question de son authenticité : est-il suffisant de

prononcer la shahada pour devenir musulman ? Si cette formule constitue un acte de foi individuel, elle est aussi intimement liée un à processus social, autant au niveau de l’appartenance identitaire que des pratiques qui organisent le quotidien et le profane. En effet, dès la prononciation de la profession de foi, le nouveau musulman doit obéir aux règles et principes établis par le Prophète, tels que transmis par Allah (Dieu), en particulier les quatre autres piliers de l'islam (outre la shahada) : les cinq prières quotidiennes (salat), le paiement annuel de l'aumône (zakat), le jeûne du Ramadan, et le pèlerinage à La Mecque (hajj) à au moins une reprise au cours de l'existence. Outre les interdits tels que le vol, l'adultère et le meurtre, est également attendu du nouveau musulman le respect de pratiques rituelles supplémentaires (prière du vendredi par exemple), sociales (changement de nom), alimentaires (nourriture halal, prohibition du porc et de l'alcool) et corporelles (circoncision pour les hommes). La vie sociale est désormais régie par la loi islamique (sharia) qui définit entre autres le modèle familial, les pratiques matrimoniales ou les règles d’héritage. On pourrait donc dire que la conversion à l’islam se réalise surtout dans l’action (DeWeese 1994). Rappelons toutefois que parmi les musulmans, les interprétations peuvent varier quant au degré d'obligation et au mode d'application de certaines règles; le changement de nom n'est par exemple pas considéré comme une prescription par les musulmans réformistes, à l'inverse des plus orthodoxes.

Par ailleurs, l’acte de conversion engendre également un changement d’identité sociale dans la mesure où il consacre l’entrée du converti dans la communauté, soit la Umma. Traditionnellement, les musulmans divisaient le monde entre les territoires musulmans (Dar al-islam) et les territoires infidèles (Dar al-Harb). Il faut donc distinguer le mouvement individuel d'adhésion à l’islam des conversions collectives. Ces dernières réfèrent aux mouvements d’islamisation par lesquels des sociétés entières s’identifient à l’islam et en adoptent les institutions. Elles répondent à une volonté historique d’ouvrir de nouveaux territoires à la Révélation. Chapman (1998) note que le processus de conversion de masse comprend généralement quatre étapes : la profession de foi, la conversion sociale par laquelle le converti décline son identité en termes musulmans, la création d’institutions (madrasa, cour islamique), et enfin l’établissement d’une société islamique dont tous les aspects sont désormais définis

selon une perspective musulmane. S’ensuit une période de revitalisation menant à une différentiation entre les bons et les mauvais musulmans.

La logique de la conversion à l’islam est déterminée par la nature orthopraxe de l’islam, une religion davantage fondée sur les pratiques que sur la foi. Ainsi, le retour à l’islam implique le déplacement d’un ensemble de croyances, de pratiques et d’appartenance communautaires à un autre, le Qu’ran ne faisant mention ni d’une expérience de renaissance, ni d’une prise de conscience intérieure de la présence divine. Dutton (1999) décrit le paradigme musulman : plus qu’une religion, l’islam serait un style de vie qui requiert de l’individu une forme d’agir et de soumission à Dieu. Le quotidien du musulman consiste donc en une adoration permanente d’Allah, dont la reconnaissance structure le comportement du converti, tel qu'indiqué avec précision dans le Qu’ran. Par ailleurs, l’exécution des rites religieux, dont les prières quotidiennes, la lecture du Qu’ran, le jeûne, et l’expérience sensuelle qui en découle, attribuent à la religiosité une dimension plus corporelle que cognitive qui dispose à l’intention religieuse. Dans la perspective musulmane, accepter la religion signifie respecter les enseignements et les injonctions ordonnés par Dieu, et véhiculés par le Prophète, soit adopter un ensemble de comportements externes et formels. Car ils sont pourvus d’une intention symbolique et religieuse, ces modes d’agir visent toutefois à orienter l’âme de l’individu vers Dieu, en cela ils sont vecteur de grâce divine. Contrairement à la conversion au christianisme structurée sur une crise et fondée sur l’authenticité d’un « change of the heart » (Heirich 1977), en islam, le changement de comportements précède le changement de croyances, si bien que l’entrée dans la religion est moins brutale et soudaine que dans le christianisme de Saint-Augustin. La reconnaissance sociale joue un rôle fondamental dans le processus. De Weese note par exemple que si un converti ne se repent pas, le fait que la communauté puisse constater qu’il exécute tout de même ses actes rituels obligatoires suffirait à lui attirer la grâce divine inhérente à ces performances.

iii) De l’opérationnalité du concept

L'acte et le processus de conversion sont institués et représentés selon des paradigmes propres à la religion adoptée, de sorte que l'utilisation épistémologique du concept de

conversion souffre de nombreuses limites dont le christocentrisme qu'il véhicule est le plus saillant. Comme le souligne Asad (2003; 2002; 1996), c'est la définition même de la religion qui est remise en question. L’anthropologue la définit comme une catégorie de pensée, construite culturellement, et intégrée dans l’histoire particulière du monde occidental. À l’inverse du judaïsme ou de l’hindouisme par exemple, l'islam et le christianisme sont mus par la volonté de convaincre et d’intégrer de nouveaux croyants et les convertis sont tenus de renoncer totalement à leur ancienne religion. Par conséquent, les conversions au christianisme et à l’islam reposent sur les notions d’exclusivité et de prosélytisme. Toutefois, tandis que dans le christianisme les récits des expériences spirituelles subjectives ont une valeur apologétique, en islam, ce sont les principes de la foi et de l'obéissance qui, s’ils sont correctement compris et présentés, produisent la nouvelle appartenance religieuse. Par ailleurs, il faut distinguer les conversions à des religions intimement associées à une organisation sociale et à des éléments ethniques locaux (hindouisme, sikhisme) de celles qui impliquent une forme de reconnaissance d’autres groupes sociaux (arabe par exemple). À cet égard, Setta (1999) a raison de critiquer l’imprécision sémantique du concept et les limites de son champ d’application, entre affiliation à un dogme religieux, et adhésion à une tradition culturelle ou à une idéologie politique. Actuellement, les sciences sociales font face au défi de rendre compte des changements d’identité religieuse tout en considérant la variété des concepts mobilisés. Pour Robinson et Clarke (2003), le terme contient à cet égard une flexibilité utile, et Dube (dans Robinson et al. 2003) préconise d’y recourir en réinventant sa signification « less as an unremitting rupture and more as the fashioning of novel practices, beliefs, identities, visions and boundaries of discrete religiosities » (p. 250).

iv) Une tentative de déconstruction du concept de conversion

En sciences sociales, les différentes lectures de la conversion reflètent généralement l’approche de la religion préconisée par chaque discipline, en son temps et en son espace. C’est dans le cadre du paradigme de la sécularisation que se sont d’abord situés les chercheurs. Ainsi, Allievi (1999) et Beckford (1989) notent que les théories

sociologiques classiques qui conçoivent la religion en termes objectifs et statiques n’offrent pas d’espace d’interprétation à des changements de religion plus subjectifs, tels que des conversions. Par ailleurs, en véhiculant une définition monolithique de la religion fondée sur une référence unique au transcendant, la perspective christocentrique néglige la variabilité des cosmologies qui ont marqué les comportements religieux. Toutefois, les enquêtes sur les sectes et les nouveaux mouvements religieux réalisées dans les années 1970 ont progressivement introduit l’idée d’une mobilité, le référent religieux étant alors perçu comme une manifestation et un mode d’inscription de rapports sociaux et de dynamiques d’appartenance (Bourgeault 2000).

Examiner la diversité des approches épistémologiques et méthodologiques du phénomène de la conversion permet de déconstruire le concept épistémologique. En effet, chacun des outils heuristiques qu’il produit en traduit un des signifiés. L’évolution des cadres et des méthodes d’enquête traduit le processus moderne de restauration progressive de la figure de l’individu et reflète son agentivité. Par le choix de ce fil directeur, nous nous gardons cependant de suggérer une quelconque universalité « transreligieuse » du phénomène. À cet égard, la méthode des récits de vie la plus courue actuellement illustre l’hypothèse dominante selon laquelle toute conversion est le fruit d’une expérience singulière, qu’elle soit mystique, religieuse ou sociale.

(1) Une « crise » spirituelle individuelle : le focus psychologique

Le champ de la conversion a d’abord été dominé par les psychologues de la religion dont les figures de proue sont : Hall (1904), Starbuck (1899) et James (1902). Centré sur les facteurs individuels et sur la transformation psychologique et spirituelle engendrée par la conversion, leur modèle est marqué par le prototype de la conversion