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I.1 Evolution des besoins énergétiques dans les avions

I.1.3 L’avion plus électrique

Le marché aéronautique est aujourd’hui est pleine expansion. Le secteur envisage un accroissement de la flotte à un rythme de 5% par année jusqu’à 2020. Pour répondre à cette tendance, des avions plus performants économiquement et plus sobres écologiquement sont nécessaires. Ainsi, les instances Européennes fixent des objectifs ambitieux afin de réduire les émissions des avions sortant des usines à l’horizon 2020 : 50 % de réduction pour les émissions de CO2, 80 % pour les NOx (les oxydes d’azote)[ACARE].

Pour répondre à ces nouveaux challenges, des efforts importants de recherche et développement sont aujourd’hui entrepris dans de nombreux domaines de l’aviation : motorisation, structures composites, profils aérodynamiques, architectures des systèmes. C’est ce dernier domaine qui touche particulièrement le concept d’avion plus électrique (MEA :

More Electrical Aircraft). Il est considéré comme un axe de développement majeur pour

l’industrie aéronautique. Ce concept vise à remplacer les systèmes hydrauliques et/ou pneumatiques par des systèmes électriques [ROS07][ROB11]. Les fonctions avion réalisées par les systèmes demeurent les mêmes : conditionnement de l’air, commande de vol,… c’est le type d’énergie les alimentant qui diffère.

Des premières concrétisations de l’avion plus électrique volent déjà. L’A380, dont le premier vol a eu lieu en 2005, se différencie des avions « conventionnels » par un réseau hydraulique constitué par deux circuits hydrauliques au lieu de trois classiquement (le circuit bleu est supprimé). Une partie du système de commande de vol est électrifié, amenant à une architecture dite 2H/2E : 2 circuits hydrauliques/2 circuits électriques assurent l’alimentation des actionneurs déplaçant les surfaces de contrôle (ailerons, spoilers,…). Cette conception est d’ailleurs conservée sur les nouveau-nés de la gamme Airbus : l’A350 XWB et A400M.

Une autre illustration de l’avion plus électrique est le Boeing 787. Cet avion ne possède plus de réseau pneumatique : réseau « Bleedless ». Les systèmes ECS, WIPS, le démarrage des moteurs sont réalisés de manière totalement électrique (Figure I-8). Enfin, le freinage réalisé sur les avions conventionnels par des actionneurs hydrauliques est également électrifié.

Ces deux exemples illustrent les deux axes de l’avion plus électrique : l’avion dit « Hydraulicless » consistant à la suppression des systèmes hydrauliques et l’avion dit « Bleedless » consistant au remplacement des systèmes pneumatiques. L’avion tout électrique (AEA : All Electrical Aircraft) correspond à la réalisation de ces deux axes (Figure I-9). Le passage de tous ces systèmes à l’énergie électrique a provoqué un accroissement significatif de la génération électrique : 4 générateurs principaux de 250 kVA sont nécessaires pour le Boeing 787. A titre de comparaison, un A380 (de taille pourtant nettement supérieure) possède 4 générateurs principaux de 150 kVA : il est considéré, en ordre de grandeur, qu’un avion « tout électrique » voit sa puissance électrique quadrupler à taille donnée au dépend des 2 autres vecteurs énergétiques (pneumatique et hydraulique).

Figure I-8 Avion « Bleedless » [ROBO11]

Figure I-9 Les axes de l’avion plus électrique

I.1.3.1 Avion « Hydraulicless»

Ce premier axe de l’avion plus électrique consiste à supprimer les réseaux hydrauliques. Du point de vue des consommateurs énergétiques, l’avion « Hydraulicless » correspond à électrifier les deux principaux systèmes hydrauliques : les commandes de vol et les trains d’atterrissage. Rendre plus électrique ces systèmes revient à remplacer leurs actionneurs hydrauliques par des actionneurs électriques. Aujourd’hui, 2 types d’actionneurs sont envisagés :

 le concept Electro Hydrostatic Actuators (EHA), qui consiste en un vérin hydraulique alimenté par un réseau local mis sous pression par une pompe électrique. Cette dernière est entrainée par un dispositif formé par un moteur synchrone à aimants permanents et un module d’électronique de puissance (onduleur de tension). L’Airbus A380 fut le premier avion à embarquer des EHA permettant ainsi de supprimer un circuit hydraulique.

 le concept Electro Mechanical Actuator (EMA), qui est un actionneur purement électrique constitué d’un système vis/écrou (vis à rouleau ou à bille) entraîné par un moteur synchrone à aimants permanents lui-même commandé par un module d’électronique de puissance (onduleur de tension) alimenté par le réseau électrique. Cette solution d’actionnement est plus simple qu’un EHA mais des efforts importants sont aujourd’hui entrepris pour atteindre des niveaux de maturité identiques, voire supérieurs, à l’actionnement hydraulique. Des projets de recherche visent à intégrer ces nouveaux actionneurs dans les systèmes de commande de vol [TOD12] ainsi que pour les systèmes de train d’atterrissage [LIS10]. Le principal challenge de la technologie EMA est de limiter le risque de blocage (ou grippage) qui est jusqu’ici plus important pour les vérins électromécaniques que pour les vérins hydrauliques.

I.1.3.2 Avion « Bleedless »

Le second axe de l’avion plus électrique consiste à électrifier les systèmes de conditionnement d’air (ECS), dégivrage et antigivrage des ailes (WIPS) et le démarrage du moteur. Le prélèvement d’air comprimé (Bleed) sur les moteurs de l’avion ainsi que le réseau pneumatique sont supprimés.

Une solution envisagée pour l’électrification du système ECS est constituée de deux packs de conditionnement d’air à puissance électrique comme illustrée par la Figure I-11. Chaque pack est constitué de 2 compresseurs électriques consommant une puissance nominale importante (de l’ordre de plusieurs dizaines de kW) et tournant à très haute vitesse [AND10][AND12]. Dans l’avion plus électrique, le système ECS est le plus gros consommateur d’énergie.

Figure I-11 Installation des packs électriques de conditionnement d’air [MOET]

A ce jour, deux solutions techniques différentes sont à l’étude pour l’électrification du système WIPS :

 Electrothermique qui consiste en des tapis chauffés électriquement et qui sont répartis sur le bord d’attaque. Cette solution permet de répondre à la fois aux fonctions antigivrage et dégivrage.

 Electromécanique qui est constituée d’actionneurs électromagnétiques produisant des chocs mécaniques afin de décrocher des couches de glace. Cette solution technique ne permet de faire que du dégivrage.

Solution électrothermique

Solution électromécanique

I.1.3.3 Les gains attendus

Aujourd’hui, l’avion plus électrique est considéré comme un moyen d’augmenter la rentabilité des avions commerciaux et de répondre aux exigences environnementales actuelles et futures. L’avion plus électrique participe à la réalisation de ces deux critères, économiques et écologiques, par l’intermédiaire des gains et améliorations suivants :

 une meilleure rationalisation de la puissance prélevée au niveau des moteurs. En effet, une gestion efficace de l’énergie à bord est plus simple à mettre en œuvre avec un avion comportant un seul vecteur énergétique qu’avec un avion en possédant plusieurs.

 des gains de masse sont attendus, d’une part en supprimant les réseaux pneumatiques et hydrauliques, d’autre part en tablant sur une diminution des masses des systèmes électriques nouvellement embarqués. En effet, les progrès déjà réalisés sur des machines et des dispositifs de commande à base d’électronique de puissance laissent présager des améliorations supplémentaires dans le futur. Cette technologie est, dans le domaine aéronautique, plus récente que l’hydraulique, et possède donc des marges de progression techniques et technologiques conséquentes. Le secteur de l’aviation et de l’automobile possèdent des similarités. [ZHA08] fournit une comparaison technologique entre l’avion plus électrique et les véhicules hybrides. Ainsi, l’industrie aéronautique devrait notamment profiter des efforts de l’industrie automobile dans le véhicule électrique pour obtenir des composants standardisés moins chers et moins lourds [FOC11].

 des gains de disponibilité au niveau avion et une réduction des coûts de

maintenance, grâce à une détection plus facile des pannes des systèmes électriques

(Health Monitoring), que ce soit pour les machines électriques [SAV12] ou le câblage [SMA11]. La capacité du réseau électrique à se reconfigurer est également un atout en comparaison avec les réseaux hydrauliques et pneumatiques. Une panne sur un réseau électrique peut être repérée et isolée facilement (par des disjoncteurs par exemple). A l’inverse, une fuite sur un réseau hydraulique n’est pas toujours facilement détectable rendant l’opération de maintenance délicate, longue et par conséquent coûteuse car nécessitant le plus souvent la mise hors pression d’un pan complet du réseau.

I.1.3.4 Les verrous à lever

Pour clore cette partie, nous donnons dans ce paragraphe une liste non-exhaustive des contraintes et challenges qu’ils restent aujourd’hui à surmonter pour l’électrification des systèmes. L’ensemble de ces sujets ont fait ou font aujourd’hui l’objet de recherches dans les différents projets nationaux ou européens relatifs à l’avion plus électrique : Power Optimized Aircraft (POA, 2001-2007), More Open Electrical Technologies (MOET, 2006-2009) [MOET], Clean Sky (2008-2015) [CLSK], Actuation 2015 (2011-2014) [ACT15], Gestion Optimisée de l’Energie (GENOME, 2012-2017). Les principaux verrous à surmonter pour l’avion plus électrique sont donc :

 l’architecture des réseaux électriques. La disparition des réseaux hydrauliques et pneumatiques entraînera un report des exigences de fiabilité et d’opérabilité sur le réseau électrique. De nouvelles solutions architecturales doivent donc être définies afin de répondre à cet accroissement de périmètre tout en limitant l’impact en termes de masse.

 l’intégration des équipements électriques. Un exemple typique est donné par l’électronique de puissance pilotant les machines électriques. Avec l’avion plus

électrique, les modules d’électronique de puissance devront commander des machines

de taille plus conséquente. L’augmentation de la compacité des dispositifs d’électronique de puissance, c’est-à-dire les ratios « 𝑘𝑊 𝑘𝑔⁄ » et « 𝑘𝑊 𝑚⁄ » est donc 3 de toute première importance. En électronique de puissance, des évolutions technologiques (composants grands gap SiC, GaN,…) [ALA11] et structurelles (structures multi niveaux, couplage magnétique,…) [BEL11] majeures sont attendues : cette dimension technique et technologique ne fait pas partie des objectifs de cette thèse mais en constitue une perspective essentielle.

 la gestion thermique. En effet, tout système électrique rejette des calories, l’avion plus électrique amènera donc un accroissement des pertes thermiques qui devront être maîtrisées et évacuées tous en limitant l’impact au niveau de la masse de l’avion et de la trainée induite.

 la compatibilité électromagnétique (CEM) est aujourd’hui prise en compte afin de ne pas détériorer le fonctionnement de certains systèmes électriques ou électroniques. Des règles de conception et d’installation pour le câblage et les systèmes existent. Avec l’accroissement des échanges de puissance électrique, ces phénomènes devront être mieux maîtrisés pour éviter des surdimensionnements inutiles.

 le critère économique. Le lancement d’un avion plus électrique n’est pas seulement conditionné par une faisabilité technique. Le critère économique notamment représenté par le prix d’achat des nouveaux équipements à bord de l’avion plus électrique est primordial. Cette problématique est étroitement liée au processus d’industrialisation. Une baisse des coûts de développement et de fabrication passera par la standardisation des équipements. Le projet européen « Actuation 2015 », visant à développer des briques élémentaires standardisées pour les actionneurs électriques, illustre cette tendance [ACT15].

I.2

Fonctions et composants des réseaux électriques