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Déjà au milieu des années 80 l’équipe de Tokomura avait mis en évidence, dans le plasma, une activité lysophospholipase D (LysoPLD) capable de synthétiser du LPA par hydrolyse de la lysophosphatidylcholine (LPC) (Tokumura, Harada et al. 1986). Ce n’est que dans les années 2002 que l’autotaxine (ATX), une enzyme connue comme un facteur de stimulation de la motilité des cellules tumorales, a été identifiée comme la lysoPLD présente dans le plasma et responsable de la production de LPA (Tokumura, Majima et al. 2002; Umezu-Goto, Kishi et al. 2002).

L’ATX fait partie de la famille des Ecto-Nucléotide

Pyrophophatase/Phosphodiesterase (ENPP). Cette famille est caractérisée par des activités enzymatiques capables d’hydrolyser les liaisons phosphodiesters de nombreux nucléotides comme l’ATP ou l’ADP. Cependant l’ATX montre des capacités à hydrolyser la LPC en LPA avec une très forte affinité. La spécificité enzymatique de l’ATX semble être liée à la disponibilité de son substrat, la LPC, qui est présente en très grande quantité dans le plasma et le sérum (> 100 µM). Cependant l’ATX ne semble pas discriminer la tête des lysophospholipides et par conséquent serait capable d’hydrolyser d’autres substrats lysophospholipidiques tels que la lysophosphatylsérine et la sphingosylphosphorylcholine (Tania, Khan et al. 2010). L’ATX est une protéine constitutivement active, mais un des mécanismes pouvant réguler son activité serait une auto-inhibition par son produit : le LPA (van Meeteren, Ruurs et al. 2005).

L’ATX a été initialement caractérisée dans des cellules de mélanome humain (Stracke, Krutzsch et al. 1992). C’est une enzyme soluble de 125 kDa codé par un seul gène présent sur le chromosome 8 chez l’homme et sur le chromosome 15 chez la souris. La transcription du gène de l’ATX dépend de plusieurs facteurs de transcription comme NFAT-1, Hoxa13 et v-jun qui produisent 3 variants d’épissage (α, β et γ) (Giganti, Rodriguez et al. 2008). L’ATX possèdent 2 domaines

somatomedine-B like (SMB), un domaine comprenant l’activité

PLD/phosphodiesterase (PDE) et un domaine nucléase-like. Les domaines SMB sont responsables de l’interaction de l’ATX avec les plaquettes activées. Très récemment

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deux équipes ont révélé la structure tridimensionnelle de l’ATX (Schéma 8). L’analyse de la structure montre que le domaine PDE interagit avec le domaine nucléase like et avec les 2 domaines SMB. De plus, la structure révèle que l’ATX possède un « tunnel » hydrophobe qui permet aux lipides d’accéder au site catalytique. Ce tunnel n’est pas présent dans les autres protéines de la famille ENPP, ce qui expliquerait la propriété unique de l’ATX d’utiliser des lipides comme substrat. Par ailleurs, l’ATX interagissant avec la membrane plasmique via les domaines SMB, le tunnel pourrait aussi servir à « déposer » directement le LPA nouvellement formé tout proche de son récepteur (Hausmann, Kamtekar et al. 2011; Nishimasu, Okudaira et al. 2011).

Schéma 8. Structure de l’autotaxine. A, représentation schématique des différents domaines de l’ATX. B, représentation 3D de l’ATX (D’après Nishimasu, Okudaira et al. 2011).

L’ATX est exprimée dans de nombreux tissus (Mills and Moolenaar 2003) : on trouve une importante quantité d’ARN messagers de l’ATX dans le cerveau, les ovaires, les poumons, les intestins ou les reins. La surexpression de l’autotaxine

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entraîne de graves troubles physiologiques, et le KO chez la souris est létal. En effet, des souris ATX-déficientes meurent au stade embryonnaire de 9,5 jours avec une absence de système vasculaire et de gros défauts du tube neural. Tout cela révèle un rôle critique de l’autotaxine dans le développement du système vasculaire et du système nerveux qui s’explique par une absence de signalisation régulée par le LPA (via la protéine G12/13) activant la petite protéine G RhoA impliquée dans l’adhésion, la migration et l’invasion cellulaire. D’autre part, l’autotaxine intervient dans le développement de nombreux cancers et tumeurs où elle est surexprimée (sein, rein, thyroïde, lymphome de Hodgkin). Elle semble accroître le caractère invasif et métastatique de certaines tumeurs, comme le cancer du sein (Yang, Lee et al. 2002), via une production de LPA qui va stimuler la chimio-attraction, l’angiogenèse, la mobilité cellulaire et donc l’invasion de nouveaux tissus par des cellules cancéreuses (Nam, Clair et al. 2001). Son caractère proangiogénique permet également aux tumeurs de se développer plus rapidement en leur créant un microenvironnement hypervascularisé, qui leur fournit tous les nutriments nécessaires à une prolifération cellulaire importante. Il semble que les effets cellulaires liés à une surexpression de l’autotaxine soient directement liés à une production excessive de LPA et d’une activation plus importante des différentes voies de signalisation impliquées dans la prolifération, la survie ou la migration (Mills and Moolenaar 2003). A l’heure actuelle, l’autotaxine fait l’objet de nombreuses recherches, afin de trouver des inhibiteurs pharmacologiques pour créer de nouvelles thérapies anti-cancer qui permettraient de réduire son effet dans le développement des tumeurs.

L’ATX malgré sa ressemblance avec les phosphodiesterases (PDE), reste insensible aux inhibiteurs connus des PDE. Jusqu’à maintenant, peu d’inhibiteurs de l’ATX ont été caractérisés notamment à cause de l’absence d’information sur la structure 3D de la protéine. Cependant, quelques inhibiteurs, comme le palmitoyl α-bromométhylène phosphonate (BrP-LPA), le NSC 48300 ou le FTY-720, ont été testés. Ils diminuent la croissance tumorale chez la souris, réduisent la motilité de cellules tumorales in vitro, ou encore diminuent la progression de métastases (Saunders, Ouellette et al. 2008; van Meeteren, Brinkmann et al. 2008; Zhang, Xu et al. 2009). Ces trois inhibiteurs sont efficaces à des concentrations de l’ordre du micromolaire, concentration élevée pour une éventuelle utilisation en in vivo. Un

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nouvel inhibiteur, le S32826, plus prometteur a été mis en évidence par l’équipe de G Ferry (Ferry, Moulharat et al. 2008). En effet, il est actuellement le seul inhibiteur capable de réduire significativement l’activité de l’ATX à une concentration de l’ordre du nanomolaire. Cette molécule est capable d’inhiber la prolifération de cellules tumorales en culture en inhibant la synthèse de LPA. Cependant cette molécule à une structure très hydrophobe et une très faible solubilité et stabilité dans les milieux aqueux (Ferry, Moulharat et al. 2008). Récemment des composés dérivés du S32826 ont montré une meilleure inhibition de l’ATX ainsi qu’une meilleure solubilité dans les milieux aqueux, comme le plasma où la molécule a une demi-vie de l’ordre de 10 h (Gupte, Patil et al. 2011). La publication récente de la structure 3D de l’ATX devrait contribuer fortement à la synthèse de nouveaux inhibiteurs encore plus spécifiques.