• Aucun résultat trouvé

L’autogestion

Dans le document La privatisation des entreprises publiques (Page 133-138)

L’autogestion agricole et industrielle et une expérience qui s’est imposé au lendemain de l’indépendance. Le départ des colons et des propriétaires d’usines a crée une situation        167 Déclaration de vacance, mise sous protection de l’Etat, appropriation proprement dite ou nationalisation au  sens propre ; voir, F.Borella (1966), « Le droit public économique positif en Algérie »Revue Algérienne des  S.J.E.P, N°4, p46.  168  C’est le cas de la Sonatrach (décret du 31 Décembre 1963), de la SNS (décret du 3 Septembre 1964), et de 26  EPIC entre 1962 et 1966. 

imprévue. Les travailleurs de la terre et ceux de l’industrie en pris en main les biens, déclarés par la suite ″vacants″ et continuent malgré les difficultés, de faire fonctionner les usines et les fermes. Le droit de l’autogestion est dominé par deux grandes masses de textes : les décrets de Mars 1963 suivi des décrets de Juin 1964.

1. Les modes de constitution de l’entreprise autogérée

La constitution de l’entreprise d’autogestion est le résultat de deux techniques juridiques : la nationalisation et la socialisation.

1.1. La nationalisation

Du point de vue juridique, la nationalisation est définie comme le transfert autoritaire de propriété du secteur privé au secteur public. C'est une décision politique qui conduit à l'appropriation par l'Etat d'une ou de plusieurs entreprises. La nationalisation peut être opérée par confiscation du capital ou par rachat par l'Etat des titres possédés par les actionnaires. Cette définition met en évidence 3 idées:

- L’idée de transfert de propriété ; biens, entreprises isolées qui constituent un secteur clef de l’économie doivent être transférés à la collectivité.

- L’idée de transfert à la collectivité de la gestion ou de la direction des entreprises nationalisées. La gestion de l’ensemble est aménagée de telle sorte qu’elle permette la réalisation des buts recherchés par la nationalisation sans qu’il soit nécessaire de déposséder les propriétaires de l’entreprise.

- L’idée d'anéantissement du profit capitaliste par la nationalisation à une transformation de l’entreprise dans le but d’éliminer tout profit.

1.2. La socialisation

La socialisation semble se définir par deux éléments essentiels : d’une part d’une part l’expropriation de la propriété capitaliste et la création de la propriété sociale des instruments de production, et d’autre part l’organisation démocratique de la gestion des entreprises par les travailleurs et à leur profit.

Cette définition met le point sur deux critères : - Un aspect juridique de transfert de propriété.

- Un aspect sociologique d’organisation du procès de production.

Les procédés juridiques employés pour assurer le transfert d’un bien de secteur privé au secteur public se résument en deux techniques :

1.2.1. La vacance

Il s’agit de savoir si une décision déclarant la vacance dépossède le propriétaire au profil de l’Etat, ou il s’agit d’une mesure de sauvegarde dans l’intérêt de l’Algérie. On peut se demander ce que devient le droit de l’ancien propriétaire lorsque ce dernier est dépouillé de tous les attributs de la propriété puisqu’il n’a plus le droit d’en disposer à sa guise.

Le décret N° 63-95 du 22 Mars 1963 introduit le système de l’autogestion dans les entreprises industrielles, minières, artisanales et les exploitations agricoles vacantes et l’exclut pour les biens vacants immobiliers à usage d’habitation ou professionnel.

1.2.2. La mise sous la protection de l’Etat

La mise sous la protection de l’Etat constitue une technique juridique originale d’appropriation des biens. Le décret N°63-168 du 9 Mai 1963 prévoit que peuvent être placés sous la protection de l’Etat, les biens immobiliers, les fonds de commerce, les entreprises, établissements et exploitations à caractère industriel, commercial, artisanal, financier, minier, et agricole.

2. Conditions de l’émergence de l’autogestion

2.1 La vacance des unités de production

Le climat crée en Algérie au moment de l’indépendance a entraîné le départ massif de la plupart des propriétaires d’usines et de petites unités de production. Les travailleurs prirent spontanément en charge la marche des unités dans lesquelles ils travaillaient et les protégeaient contre un éventuel sabotage. Notons que la ″croissance nationaliste″ des travailleurs a joué un rôle important dans ce mouvement qui s’est imposé dans les faits au nouveau pouvoir politique et qui promulgué les textes historiques notamment celui du 9 Mai 1963 qui a mis sous la protection de l’Etat le secteur industriel et commercial pour que tels biens soient appréhendés par la puissance du public.

2.2 La volonté d’empêcher la bourgeoisie de s’enrichir

L’existence de l’autogestion s’expliquait par ″le désir d’écarter la bourgeoisie de l’accession à la propriété des entreprises″169

. Les discours politiques des années 1962 à 1964 sont dirigés contre la bourgeoisie traitée de ″rapace″.

2.3 La faiblesse du pouvoir public

      

169

F.DARCY, A.KRIGER, A.MARIL, « essai sur l’économie de l’Algérie nouvelle », P.U.F 1965 – p.179  In « La gestion de  l’entreprise industrielle en Algérie »  A.Bouyacoub, O.P.U Alger. 

L’émergence de l’autogestion n’aurait donc pas été possible si un pouvoir étatique fort était en place.

3. La structure du pouvoir de l’entreprise autogérée

De l’été 1962 au printemps 1963, on assiste à une mutation qualitative du pouvoir dans l’entreprise dans le sens d’une plus grande participation des travailleurs à la gestion.

3.1. L’organisation de l’autogestion

Les formes et les fonctions des organes de l’autogestion de l’entreprise personne morale du décret du 18 Mars 1963 sont clairement définies par le décret du 22 Mars 1963. Le système juridique de l’autogestion est conçu pour répondre à deux objectifs complémentaires :

- Permettre aux travailleurs de l’entreprise d’exercer leur droit de gestion, soit directement, soit par l’intermédiaire d’organe représentatifs ;

- Assurer la direction de l’entreprise d’autorité et la stabilité nécessaire à l’exercice de ces fonctions.

Conformément à ce double objectif, la structure interne de l’entreprise est fondée sur le principe de la séparation des pouvoirs des organes collégiaux de gestion et de la direction des affaires. Les organes d’autogestion sont :

- L’assemblée générale des travailleurs : c’est le support organique ; la base de tous les organes d’autogestion.

- Le conseil des travailleurs.

- Le comité de gestion : il est l’organe exécutif de l’autogestion.

- La direction des affaires : selon le décret du 22 Mars 1963. il prévoit l’existence d’un exécutif bicéphale; le président du comité de gestion, et le directeur.

4. La situation patrimoniale de l’entreprise d’autogestion

4.1 Les modalités juridiques du transfert de propriété

Les entreprises autogérées, personne morale du décret du 18 Mars 1963 ont hérité de biens meubles et immeubles qui ont fait l’objet d’une appropriation publique.

4.1.1. Le sort du passif des entreprises autogérées

Habituellement, on transfère de l’actif et le passif qui est attaché à l’entreprise, mais les textes sur l’autogestion n’énoncent rien sur le transfert des dettes, et la volonté de l’Etat refusant de prendre en charge la totalité du passif des entreprises nationalisées.

Il en ressort que le transfert du passif des entreprises est une conception hétérodoxe de la nationalisation, puisque cette dernière est rattachée à la notion de vacance dont les caractéristiques sont : le rapatriement des avoirs des entreprises - stocks - outils – matériels lourds dettes vers les organismes de sécurité sociale.

4.1.2. Le problème de l’indemnisation des anciens propriétaires

Les décrets de Mars 1963 et ces textes ultérieurs n’ont pas abordé le problème de l’indemnisation des biens abandonnés par leurs propriétaires.

4.1.3 Le régime des biens

Les biens nationalisés dans le cadre du système d’autogestion et transférés à des organismes privés posent trois problèmes :

- la recherche de titulaire du droit de propriété : l’entreprise n’est pas titulaire du fond de base. Celui-ci appartient à l’Etat qui cède aux travailleurs la jouissance perpétuelle de ses biens, à charge pour eux de conserver la valeur initiale du capital que présente chaque unité économique intacte. Cependant, la législateur précise que l’entreprise autogérée peut posséder des biens en toutes propriété, surtout provenant de son autofinancement. Elle peut être propriétaire d’une part de l’actif avec un droit de regard de l’autorité.

- Les voies d’exécution et de saisie : le problème n’a jamais été soulevé, et le pouvoir politique est formel, les biens des entreprises socialistes industrielles sont insaisissables, cependant cette position présente une discordance avec son régime juridique, puisque les entreprises autogérée bénéficient de la personne morale de droit morale de droit privé, du statut de commerçant et par conséquent toutes ces qualités entraînent les voies d’exécution du droit commun.

- La faillite : là encore, on note une discordance entre le principe juridique conforme du statut commercial de l’entreprise autogérée, et le principe politique qui ne peut admettre que son orientation soit remise en cause. On conçoit mal d’ailleurs que l’Etat mette en faillite une entreprise autogérée. Il en arrive jamais jusque là puisque certaines unités en faillite furent transformées en entreprises locales. Enfin, le problème de la faillite d’une entreprise autogérée est donc tout a fait théorique et ne s’est jamais concrètement posé en droit.

En résumé, l’autogestion était considérée comme un outil technique de gestion, ou encore

comme un simple outil de participation des travailleurs à la gestion ; elle devait

fondamentalement mettre en marche une organisation politique capable de canaliser le mouvement et de le développer. On a créé un peux plus de (345) entreprises. Elles étaient appliquées sur des petites unités souvent artisanales dont la moyenne d’effectif ne dépasser

pas 28 personnes170. Concentré dans les secteurs du bâtiment et agroalimentaire (secteur de

première nécessité).

Les travailleurs avaient un manque de savoir-faire, ne pouvaient se transformer en producteurs – gestionnaires voir des entrepreneurs (aucune culture entrepreneurial) sous l’effet de simples discours politiques. Il y avait une nécessité de formation généralisée.

Tableau 5: Entreprise en autogestion recensées en Janvier 1964 BRANCHES  D’ACTIVITE  TOTAL  % ENTREPRISES  % EFFECTIF  NOMBRE  MOYEN  D’OUVRIERS  NOMBRE EFFECTIF Bâtiments  et  matériaux  de  construction   114  2773 33 29 24  Bois   37  758  11 08 20  Métallurgie  et  électricité  49  886  14 09 18  Alimentation   85  2259 25 24 17  Textiles   08  529  02 06 66  Chimies   17  1146 05 12 67  Divers   35  1172 10 12 33  Total        345  9521 100 100 28 

Source : « Le secteur socialiste industriel » brochure du Ministère de l’orientation nationale – direction de la

documentation – Alger 1964

Dans le document La privatisation des entreprises publiques (Page 133-138)