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L’authenticité des éléments matériels de preuve dans le contexte des

2. Recevabilité et force probante

2.1 Conditions de recevabilité

2.1.3 Authenticité et intégrité

2.1.3.3 L’authenticité des éléments matériels de preuve dans le contexte des

entourant leur création et la preuve de leur authenticité représente déjà une partie appréciable de l’effort à faire pour documenter leur transfert ou leur copie, le cas échéant.

2.1.3.3 L’authenticité des éléments matériels de preuve dans le contexte des assistants vocaux

L’élément matériel de preuve mérite une analyse particulière en l’espèce, considérant que la plupart des traces de l’utilisation d’un assistant vocal seraient vraisemblablement des éléments matériels. Ce moyen de preuve nécessite une preuve indépendante — distincte — de son authenticité, laquelle exigence est prévue au Code civil du Québec275. Cette preuve distincte pourrait prendre plusieurs formes en présence des traces de l’utilisation d’un assistant vocal. En premier lieu, nous sommes d’avis qu’il faudra que le justiciable fasse la preuve que les données enregistrées par l’assistant vocal, à savoir des données de géolocalisation ainsi que des enregistrements sonores, proviennent bien de la personne qu’il soutient. En ce sens, il pourra faire témoigner ou produire une déclaration sous serment du propriétaire d’un téléphone cellulaire ou d’une enceinte connectée afin de soutenir que l’objet lui appartient bel et bien et qu’il était en sa possession au moment où les données ont été enregistrées.

Parallèlement, pour les enregistrements sonores, il faudra se référer aux critères jurisprudentiels afin de permettre l’authentification de ces éléments de preuve. Le degré de certitude requis est

relativement élevé, tel qu’en font foi les motifs du juge Gendreau dans l’affaire Cadieux c.

Service de gaz naturel Laval inc. :

« Aussi, la production d’un enregistrement mécanique impose à celui qui la recherche la preuve, d’abord, de l’identité des locuteurs, ensuite que le document est parfaitement authentique, intégral, inaltéré et fiable et enfin que les propos sont suffisamment audibles et intelligibles. Les conséquences d’une erreur dans l’appréciation du document subséquemment admis en preuve sont si importantes que le juge doit être “entièrement convaincu” […] Cette conviction n’est certes pas régie par la règle du droit criminel ; mais le juge devra ici exercer sa discrétion avec une grande rigueur. » 276

(Notre soulignement)

Les critères jurisprudentiels posés par Cadieux pourraient s’avérer difficiles à rencontrer dans le cas d’enregistrements réalisés par les assistants vocaux, puisque ces enregistrements sonores sont par nature relativement courts et que leur qualité peut laisser à désirer. De ce fait, il pourrait s’avérer difficile de conclure avec certitude qu’une personne en particulier donne une commande à un assistant vocal. Le caractère audible, pour sa part, sera forcément rencontré puisque sans lui l’outil n’aurait vraisemblablement pas détecté la commande de l’utilisateur. Dans un second temps, tant pour l’enregistrement sonore que pour toutes autres données collectées par l’assistant vocal ou transmises par lui, le caractère « inaltéré et fiable », bref l’intégrité de l’information contenue, renvoie essentiellement à la démonstration de la gestion saine du document, donc à la possibilité de documenter le ou les transferts ayant permis de présenter une telle preuve à la Cour.

Dans un même spectre d’idées, les données générées par l’assistant vocal — les « réponses aux questions » — au moyen des données qui lui sont transmises ne sauraient selon nous faire l’objet d’une preuve de leur authenticité. On pourra tout au plus montrer qu’elles n’ont pas été altérées depuis leur isolation par le justiciable et qu’elles sont issues du système auquel l’utilisateur a transmis ses données. Dans ce cas, faire la preuve que l’ensemble de l’information — tant celle

fournie à l’assistant vocal que celle générée par lui — provient du bon compte d’utilisateur et est associé à la bonne personne sera, selon nous, la manière la plus efficace de procéder. Un dernier angle mort demeure toutefois, relativement aux enceintes connectées. Celles-ci, contrairement aux téléphones mobiles, sont davantage susceptibles d’être utilisées par plus d’une personne. En effet, tant les produits proposés par Google277 qu’Amazon278 permettent d’enregistrer jusqu’à deux modèles vocaux et peuvent aussi être utilisés, avec cependant moins de fonctionnalités, par toute personne y ayant accès. Différentes personnes d’une même famille peuvent donc utiliser ces produits s’ils sont, par exemple, placés dans une salle commune accessible par tous, comme la cuisine ou le salon.

L’identification vocale est aussi une technologie faisant appel à la reconnaissance vocale et à l’intelligence artificielle. Il est difficile de connaître exactement les rouages précis du fonctionnement de ces outils, mais rappelons seulement qu’en 2019, la compagnie Google a retiré l’option permettant de déverrouiller un appareil mobile au moyen du modèle vocal Voice Match, jugeant les performances de son outil insatisfaisantes et de ce fait, non sécuritaires279. Les performances de l’identification vocale d’Amazon sont aussi remises en doute, mais cette fois par plusieurs évènements ayant fait les manchettes. L’Amazon Echo aurait en effet été utilisé avec succès par des enfants280 et des animaux281 pour commander des produits en ligne. Dans ces cas de figure, comme il n’est pas possible d’exclure qu’un tiers ait pu utiliser l’appareil sur lequel une commande aurait été passée à un assistant vocal, la preuve extrinsèque peut jouer un rôle important relativement à l’identification de qui a passé une commande, permettant de déterminer qui pouvait avoir accès à l’appareil. Le fait qu’il soit impossible d’entendre un extrait sonore de la commande, qui a effectivement été passée, pose aussi un problème dans certains

277 GOOGLE, « Set up Multiple Users for Your Speaker or Smart Display », Google Assistant Help (2019), en ligne :

<https://support.google.com/assistant/answer/9071681?hl=en-GB>.

278 AMAZON.COM,INC., “Help. Using Household Profiles on Alexa Devices », Amazon.com (2019), en ligne :

<https://www.amazon.com/gp/help/customer/display.html?nodeId=201628040>.

279 Abner LI, « Google begins replacing full ‘Voice Match’ phone unlock », 9to5Google (1er mars 2019), en ligne :

<https://9to5google.com/2019/02/28/google-replacing-voice-match-unlock/>.

280 Andrew LIPTAK, « Amazon’s Alexa started ordering people dollhouses after hearing its name on TV », The Verge (7 janvier 2017), en ligne : <https://www.theverge.com/2017/1/7/14200210/amazon-alexa-tech-news-

anchor-order-dollhouse>.

281 Sarah BERGER, « This naughty parrot was caught ordering items off Amazon’s Alexa—here’s how much he

spent », CNBC (21 décembre 2018), en ligne : <https://www.cnbc.com/2018/12/21/african-grey-parrot-rocco-was- caught-ordering-items-off-amazons-alexa.html>.

cas. D’ailleurs, l’assistant vocal Siri, développé par Apple, ne permet pas de consulter un tel historique.