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CHAPITRE 5 : DISCUSSION

5.3 L’acquisition de données cinématiques en situation réelle

5.3.1 L’aspect expérimental

Un protocole d’acquisition de données tridimensionnelles a été mis en place afin d’en- registrer des mouvements de plongeon en situation réelle d’entraînement. Un système optoélectronique composé de 17 caméras, 95 marqueurs et une plateforme de force ont permis d’enregistrer huit plongeons effectués à partir de la plateforme du 5 m. Au cours des dernières années, les analyses du plongeon ont été menées à l’aide de caméras vi- déo, ce qui implique un dépouillement manuel affectant la précision de la mesure [188]. Les systèmes optoélectroniques ont apporté une automatisation et une meilleure précision [160], mais n’ont, à notre connaissance, jamais été utilisés dans le contexte du plongeon à des fins scientifiques. Certains laboratoires tels que le NYU Movement (http ://move- ment.nyu.edu) associé à l’équipe du Manhattan Mocap (http ://manhattanmocap.com) ont exploré le potentiel d’utiliser des caméras et des marqueurs pour les départs en nata- tion et les plongeons du tremplin de 3 m et de la plateforme du 10 m avec des athlètes olympiques. Sans toutefois aboutir à des publications scientifiques, ces expérimentations nous ont permis de croire en la possibilité d’acquérir les données tridimensionnelles dans un grand espace. Ces études ont mené uniquement à des publications dans le New York Times dans le but de décortiquer les mouvements et d’expliquer les performances des athlètes au grand public. Advenant qu’une question biomécanique ait été posée mais non répondue, il se pourrait que la modélisation de l’athlète soit une limite. En effet, l’hypothèse la plus probable serait que les modèles utilisés étaient inadéquats et que les marqueurs enregistrés

ne permettent pas la reconstruction de la cinématique articulaire. Certes, les nombreux degrés de liberté impliqués dans les mouvements de plongeon constituent une difficulté importante à l’acquisition, mais le vrai défi se situe surtout au niveau de l’environnement spacieux, public et aquatique.

5.3.1.1 L’environnement spacieux

Plusieurs auteurs ont procédé à l’acquisition de données réelles de mouvements com- plexes et de grande amplitude. À la marche, des systèmes optoélectroniques comportant entre quatre [5] et sept [56] caméras sont classiquement utilisés pour acquérir les trajec- toires tridimensionnelles des marqueurs pour l’analyse d’un cycle de marche. Afin d’étudier plusieurs cycles, Begon et al. [14] ont développé un portique sur roulettes composé de six à huit caméras permettant de mesurer la marche sur une distance de 40 m. D’autres auteurs ont procédé à l’acquisition de gestes sportifs complexes qui s’effectuent également dans un grand volume tels que le saut en gymnastique [96], les acrobaties à la barre fixe [18], de même que l’aviron sur ergomètre [143]. Si le volume d’acquisition ne semble pas être une limite, le placement des caméras en demeure une. En effet, le placement a un impact déterminant sur la qualité des données pour assurer la visibilité de chaque marqueur par au moins deux caméras avec des angles entre les lignes de fuite supérieurs à 25 degrés [26].

5.3.1.2 L’environnement public

À la différence des études citées précédemment, l’environnement utilisé pour effectuer les collectes de plongeon n’est pas un laboratoire, mais bien un complexe sportif public. D’une façon générale, la collecte en milieu réel ne peut bénéficier des nombreux avantages liés au laboratoire que sont l’accessibilité illimitée aux installations permettant la pratique de la collecte et des tests pilotes, la connaissance des lieux et la flexibilité de pouvoir les modifier. Il a fallu composer avec l’achalandage habituel du bassin de plongeon ainsi qu’aux installations avoisinantes et prévoir la logistique pour réaliser les installations et les expérimentations lors d’une unique journée. Seules quelques mesures des dimensions des

plongeoirs ainsi que quelques tests effectués avec quatre caméras au préalable ont permis de prévoir le placement des dix-sept caméras.

5.3.1.3 L’environnement aquatique

Au sujet du caractère aquatique de l’environnement, l’appréhension initiale quant aux risques de reflets de lumière sur l’eau et de pertes de marqueurs lors de l’entrée à l’eau s’est avérée injustifiée. Les caméras utilisées, Vicon T-Séries S, sont adaptées aux collectes à l’extérieur. Les marqueurs étaient reconnus dans les conditions lumineuses faibles et changeantes dues au puits de lumière dans le toit. Ceci ne veut pas dire que les diffé- rents réglages, notamment l’intensité des projecteurs et le seuil d’extraction par niveaux de gris, ne doivent pas être ajustés au cours de la journée avec les changements d’éclai- rage. Tel que mentionné précédemment, les expérimentations effectuées en plongeon et en natation ne sont ni scientifiques ni explicites dans la méthode, mais elles laissent croire que l’utilisation de marqueurs cutanés serait possible malgré la vitesse avec la- quelle le plongeur entre à l’eau. Dans ces études, les marqueurs sont généralement placés sur des repères osseux comme le grand trochanter, les condyles fémoraux et les malléoles (http ://manhattanmocap.com/olympics2012-old). Ces repères anatomiques ont l’avan- tage d’être facile à repérer si certains marqueurs tombent, mais entraînent une erreur importante due aux mouvements de la peau qui affecte la cinématique articulaire recons- truite [34]. Même s’il peut être plus long de replacer un marqueur tombé avec le placement de marqueurs utilisés pour la plongeuse, celui-ci a été réfléchi en fonction du mouvement et présente l’avantage considérable d’améliorer la visibilité des marqueurs tout au long du mouvement. Le travail de ce mémoire confirme que l’utilisation d’un grand nombre de marqueurs, en l’occurrence 95, est possible et que certaines techniques permettent d’augmenter l’adhésion de manière à limiter les pertes à deux marqueurs en moyenne par plongeon. Nous recommandons d’avoir une bonne connaissance du mouvement au préa- lable afin d’anticiper et de minimiser les occlusions de marqueurs lorsque certains segments corporels en cachent d’autres. Nous recommandons aussi de marquer l’emplacement des

marqueurs au crayon à maquillage résistant à l’eau et d’utiliser un vaporisateur adhésif avant de coller les marqueurs avec du ruban adhésif double face sur la peau de l’athlète et de coudre certains marqueurs au maillot de celle-ci.

La pertinence du volet expérimental de ce travail de maîtrise réside dans la réussite d’avoir mesuré les trajectoires tridimensionnelles des marqueurs permettant de reconstruire la gestuelle des plongeons. Malgré un nombre limité de caméras ainsi qu’une installation contrainte par le temps, la redondance des marqueurs, le modèle développé de même que la méthode de reconstruction utilisée ont permis d’atteindre ce but. Un plus grand nombre de marqueurs par segment permet d’améliorer l’estimation de la cinématique en minimisant les artefacts dus aux mouvements de la peau [35, 41]. Toutefois, plutôt que d’offrir une redondance, le nombre important de marqueurs utilisés a grandement été réduit par les nombreuses occlusions. Les marqueurs visibles ont minimalement permis la reconstruction de la cinématique articulaire dans certaines phases du mouvement comme les postures carpées. Dans le même ordre d’idées, la redondance de marqueurs constitue un avantage dans la mesure où le nombre ne compromet pas, par une proximité exagérée des marqueurs, la distinction de ceux-ci lors de leur identification et de leur suivi automatique par le logiciel.

Ainsi, dans les circonstances expérimentales difficiles liées à l’environnement réel de plongeon, les techniques et les équipements parmi les plus avancés ont permis de recueillir des données tridimensionnelles pour huit plongeons qui permettront de reconstruire la cinématique articulaire.