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L’art lyrique se démocratise

Dans le document Les publics de l'art lyrique (Page 139-143)

Pour caractériser notre méthode de recherche, il nous faut parler de deux étapes, alliant théorie et pratique :

1° la construction d’un outil méthodologique inédit, propre à nos réflexions (1.Une

notion à la loupe);

2° l’application de cet outil aux données rassemblées par nos entretiens au sein des quatre maisons d’opéras sélectionnées dans notre échantillon (2. Le terrain de l’art

lyrique).

Au final, on peut parler d’une certaine démocratisation -telle que nous l’entendons- dans la pratique culturelle « art lyrique » (3. Une démocratisation en

marche).

1.

Une notion à la loupe

Dans l’exploration au cœur de la notion de « démocratisation culturelle », notre construction théorique est partie d’un manque : la difficulté de parler de démocratisation de l’art lyrique, alors que les publics des opéras étaient traversés par de profondes évolutions (rajeunissement, féminisation,…). Ou encore l’incapacité de certaines enquêtes à mettre au jour les évolutions actuelles dans la fréquentation de l’art lyrique

(voir deuxième partie).

Répertorier ces évolutions, que nous avons appelées phénomènes évolutifs

locaux, et prendre le parti de les faire correspondre à de la démocratisation, de sorte que

la démocratisation se retrouve in fine composée de plusieurs évolutions possibles (élargissement géographique, appropriation par les inactifs…), autant de facettes qu’elle laisse voir, autant d’étoiles qui compose sa galaxie, autant de (sous-) objectifs ciblés…

Pour rappel, cette démarche qui consiste à éclater une notion unique en plusieurs sous-phénomènes composites s’appuie sur la forme d’un travail émanant du ministère de la culture1, bien que sur le fond, la logique est opposée2.

1 Octobre, « Comment mesurer la démocratisation ? Proposition de cadre interprétatif » p. 21-25 in : Les publics des équipements

culturels : méthodes et résultats d’enquêtes / sous la dir. d’Olivier Donnat et de Sylvie Octobre, Paris, 2001, 261 p.

2 En effet, la chargée d’études s’attache dans sa « proposition de cadre interprétatif », à mettre au jour des phénomènes qui, bien qu’affectant l’évolution de la fréquentation d’un équipement culturel, ne peuvent relever, selon elle, de la démocratisation culturelle : élitisation,

Le travail que nous venons de mentionner est également intéressant pour une seconde raison : il propose un « discours sur ce qui est dit » à propos de la démocratisation culturelle ; un méta-discours. C’est ce débat que nous avons voulu approfondir (Qu’entend-on par démocratisation ? Que recouvre cette notion ?) plutôt qu’un discours que l’on retrouve inévitablement dans toute étude sur la démocratisation : celui des moyens à mettre en œuvre pour (tenter de) démocratiser.

A ce sujet, une multitude de « solutions » sont avancées, autant de recettes à appliquer. Mais les solutions sont-elles universelles ? Chaque maison d’opéra n’est-elle pas particulière dans son histoire, ses publics et les moyens dont elle dispose ? Les contextes différenciés tiennent ici un rôle majeur, mettant un coup d’arrêt à la tentative de donner des leçons de démocratisation.

2.

Le terrain de l’art lyrique

Armé de notre construction méthodologique, ou « cadre interprétatif » pour reprendre l’expression de Sylvie Octobre (voir schéma 1. Grille d’analyse théorique

servant…), nous avons utilisé les divers phénomènes évolutifs locaux comme indicateurs

pour notre grille d’entretiens. Volontairement, le niveau d’analyse local a été privilégié, les entretiens ayant été menés auprès d’établissements lyriques.

Il s’agit de dépasser la seule réflexion théorique, pour aller sur le terrain, là où les évolutions se passent, où des données sont à récolter, où l’observation et le questionnement trouvent leur matière première. Loin de rester au niveau du (méta-) discours. La confrontation au terrain –ici celui de l’art lyrique au sein de maisons d’opéras- est essentielle à nos yeux. Pas de démocratisation en chambre, mais

l’expérience du terrain !

Nous avons intégré cette grille d’analyse dans deux thèmes de notre grille d’entretien (voir annexe 1):

- les enjeux, en terme d’évolutions possibles de la fréquentation, des actions menées en direction des publics ;

- la situation et les évolutions, passées, récentes et souhaitées, des publics au sein de l’Opéra concerné.

Les phénomènes évolutifs qui apparaissent sur notre grille d’analyse ont joué le rôle d’indicateurs, relevés ou proposés. Mais nous étions attentif à toute autre évolution à l’œuvre au sein de l’établissement lyrique.

3.

Une démocratisation en marche

Forte d’un modèle théorique, l’application au terrain a livré des données que nous avons exposées tout au long de cette présentation. Couplées aux statistiques existantes sur les publics de l’art lyrique en France, l’ensemble nous permet maintenant de revenir, de façon synthétique, sur le cheminement intellectuel qui sous-tend nos recherches, en apportant des éléments de réponse.

A. Le public de l’opéra évolue-t-il ?

Oui.

Contrairement aux idées reçues et à l’image d’un public figé.

Les enquêtes quantitatives de fréquentation ont remplacé les représentations mentales, non-fondées scientifiquement (voir première partie, section 2. Publics : vers

une connaissance scientifique). Partiellement comparables dans leurs résultats, ces

enquêtes ont récemment fait leur apparition sur la scène lyrique française. De plus, des données existent à différents niveaux d’analyse :

- local : Marseille (1990), Paris (1999), Avignon (2000), Nancy (2000), Toulouse (2000) ;

- national, pratique « art lyrique » : enquête CPDO3 (2000), enquête RTLF4 (2001) ;

- national, ensemble des pratiques culturelles : Donnat/DEP (1973, 1981, 1989, 1997)

Ces enquêtes mettent au jour des évolutions qui ont traversé ces dernières années les publics de l’art lyrique. Publics ? Au pluriel ? Assurément. Loin de se cantonner à une certaine catégorie de public (ou Public ?) –les plus fidèles, les abonnés…- ces enquêtes prennent en compte l’ensemble des personnes qui passent par la billetterie des équipements lyriques. Ce qui recouvre des catégories différenciées de spectateurs. Plus, au sein d’un même « pratiquant », les habitudes de sorties lyriques évoluent dans le temps (voir première partie, chapitre 2. Pratiquants : du Public au

publics).

Reste à détailler ce que recouvre ce constat d’évolution(s) dans les publics de l’art lyrique.

3 Chambre professionnelle des Directeurs d’Opéras 4 Réunion des Théâtres lyriques de France

B. Si oui, comment ?

Pour livrer des résultats relevant des réseaux lyriques (RTLF, CPDO), trois

phénomènes évolutifs sont à retenir (voir deuxième partie, chapitre premier. Au cœur de la matière) :

- le rajeunissement des publics (de 18 ans en l’espace de 20 ans); - sa féminisation (près de 60% de femmes) ;

- l’appropriation par les inactifs (entre 30 et 40%, dont 1/3 d’étudiants).

Ensuite, à une échelle d’analyse plus réduite –celle d’un équipement lyrique- des

phénomènes évolutifs locaux apparaissent, qu’ils aient été constatés dans le passé,

qu’ils soient en cours, ou qu’ils soient espérés par les établissements lyriques :

- accroissement de la fréquentation ;

- présence de primo-arrivants ; - fidélisation ;

- retour des actifs ;

- élargissement géographique ou a contrario ancrage local (comme à Paris).

La différence d’apparition dans le temps de ces évolutions –certaines sont espérées- permettent de dresser des situations différenciées entre les établissements lyriques (voir tableau 12. La fréquentation des équipements lyriques : à une niveau local

d’analyse, des situations et préoccupations différenciées).

C. Peut-on parler, au regard de ces évolutions, de démocratisation ? Nous le proposons. Au sens que notre construction théorique le défend, et telle

qu’elle a été vérifiée par les affirmations recueillies au cours de nos entretiens (voir

supra, chapitre 2. Evolutions ou démocratisation ?).

Notre « tentative de réinvestissement » propose, dans l’analyse de résultats d’enquête de fréquentation menées auprès d’équipements culturels (ici lyriques), de constater une « démocratisation » dès lors que, parallèlement à une hausse de la fréquentation, une plus grande pratique de l’opéra par des primo-arrivants d’une catégorie homogène de publics, c’est-à-dire caractérisée par une ou plusieurs caractéristique(s) sociale(s) identique(s), est constatée.

La liste des caractéristiques sociales entrant en ligne de compte n’est pas a priori limitée, du moins pas uniquement au critère « CSP de référence ». Ce qui constitue une motivation essentielle de notre démarche, face au constat répété de l’absence de démocratisation de l’art lyrique, alors que de profondes évolutions traversent la composition des publics de cette pratique culturelle.

Dans l’ensemble de cette démarche, c’est le terrain qui a parlé, celui des équipements lyriques fréquentés, et des données recueillies. Et c’est notamment vers une raison pratique -une meilleure analyse des résultats d’enquêtes de fréquentation- que notre proposition est orientée. Pour de nouveaux développements, pour explorer de nouvelles pistes de réflexion, pour aller plus loin dans la logique d’une connaissance efficace et crédible, nous sommes persuadé que c’est encore et toujours le terrain que nous devrons écouter.

Dans le document Les publics de l'art lyrique (Page 139-143)