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Echelle « pratique art lyrique »

Dans le document Les publics de l'art lyrique (Page 64-70)

Passons à maintenant à des enquêtes prenant une échelle de mesure plus réduite : la pratique culturelle.

I.

Sources ministérielles

Toujours du côté du ministère de la culture, d’autres chiffres nous donnent des indications de fréquentation, non plus en termes de pourcentages, mais en termes de volumes. L’occasion de continuer notre comparaison avec les autres pratiques du spectacle vivant.

Tableau 5. Opéras, théâtres nationaux et compagnies chorégraphiques labellisées : nombre de spectacles, nombre de représentations, nombre de spectateurs

2000/2001 levers de rideau : opéras et ballets nombre de spectacles nombre de spectateurs Maisons d’opéras (20) 1225 / 1.501.416

Paris : Garnier et Bastille 340 34 710.910

18 autres membres de la RTLF 885 / 790.506 Théâtres nationaux (5) 2073 122 794.500 Centres chorégraphiques nationaux (18) 6630 103 1.415.0 source : DEP

Ajoutons tout de suite que sont comptabilisés ici presque tous les équipements lyriques, tandis que pour le théâtre et la danse, seuls les équipements « nationaux » sont repris.

Ces données nous donnent des indications de grandeurs. Ainsi, presque autant de spectateurs pour les maisons d’opéras que pour les centres chorégraphiques, avec une demande lyrique qui se divise en deux belles parts égales : Paris, avec ses deux salles regroupées sous l’établissement « Opéra de Paris », et les salles de province.

En ajoutant une donnée, le nombre de levers de rideaux, on voit que les salles lyriques accueillent plus de publics par représentation : 4 fois plus que pour le théâtre, 5,4 fois plus que pour la danse. Cela s’explique certes par les capacités d’accueil (jauges) très importantes des Opéras (Bastille : 2700, Marseille : 1836, Strasbourg : 1143, Nice, 1005), mais avant tout par les taux de remplissage très élevés pour l’art lyrique : 98% à Paris, 82% en province (chiffres de 2000).

Il est par ailleurs intéressant de constater que le nombre de représentations par spectacle diverge, de 10 pour l’art lyrique, 17 pour le théâtre, 64 pour la danse. Il faut savoir que dans le spectacle vivant, chaque représentation est déficitaire, d’où des contraintes en termes de multiplication des levers de rideaux. C’est là une grande différence avec les produits de consommation issus des industries culturelles, où les économies d’échelle jouent à fond pour la production en série. Dans ce contexte, les représentations d’opéras, extrêmement déficitaires, sont limitées.

II.

Données des réseaux

Deux enquêtes, récentes, vont nous permettre d’aller encore plus en profondeur dans la connaissance scientifique des publics de l’art lyrique :

1. Enquête des coûts et des retombées directes, indirectes et

qualitatives des théâtres lyriques4

Réalisée durant l’année 2000, à la demande de la Chambre professionnelle des directeurs d’opéras (CPDO), l’enquête comprend plusieurs supports d’investigations :

- un livre blanc : envoyé à tous les membres du réseau, il a pour but d’avoir une image descriptive des Opéras, théâtres d’accueil et festivals lyriques. Le taux de retour est de 78% (29 sur 37) ;

- trois guides d’entretiens semi-directifs : menés auprès des responsables d’institutions lyriques, des gestionnaires de ces mêmes institutions, des acteurs externes intervenant dans le financement (collectivités) ;

- un questionnaire de fréquentation adressé aux spectateurs de trois institutions lyriques retenues pour leur représentativité (Avignon, Toulouse, Nancy), avec un retour de 3004 questionnaires au total.

2. Enquête sur les publics des Opéras de la Réunions des théâtres

lyriques de France (RTLF)5

Autre réseau, autre enquête, aussi récente puisqu’elle a été menée en 2001. Confiée à Gérard Doublet, conseiller en communication et marketing culturel, l’enquête comprend plusieurs étapes :

- une phase qualitative auprès des publics adultes et jeunes de quatre opéras, sous la forme de huit tables rondes à Nancy, Montpellier, Caen, Bordeaux ;

- une enquête téléphonique « pilote » auprès d’un échantillon représentatif de 600 spectateurs de ces quatre Opéras, pour préparer un questionnaire national ;

- un questionnaire national diffusé auprès des publics des vingt membres du réseau RTLF, à raison de 2000 questionnaires par Opéras en moyenne. Taux de retour de 11,5%, avec 10,5% de questionnaires exploitables.

4 CPDO, Etudes des coûts et des retombées directes, indirectes et qualitatives des Théâtres lyriques : synthèse, Paris, 2000, 199 p. + annexes

Voyons ensemble le recoupement de quelques résultats choisis, issus de ces deux enquêtes centrées sur la pratique « art lyrique ». Battant en brèche l’idée d’un public de l’opéra figé, les données récentes font apparaître des évolutions dans la composition et les modalités de fréquentation des publics de l’art lyrique.

Trois phénomènes évolutifs sont présentées ici, liées à l’âge, le sexe et la situation professionnelle des publics.

A. Rajeunissement

Tableau 6. Publics d’opéras : âge moyen

ÂGE MOYEN

enquête RTLF (2001) enquête CPDO (2000)

47 47,5

En 1980, l’âge moyen était de 65 ans (source RTLF). Les deux enquêtes nous indiquent que la moyenne d'âge a fortement baissé en vingt ans.

Pour être plus précis, considérons certaines classes d’âges :

- moins de 25 ans : 12% de la fréquentation, ce qui signifie un recouvrement de 75% de la classe d’âge (source INSEE)

- 25-49 ans : 37% des spectateurs, d'où un recouvrement de 86% - plus de 55 ans : 44% des spectateurs, soit 133% de recouvrement.

Selon Gérard Doublet (enquête CPDO), un des défis majeurs à relever est de fidéliser les publics jeunes qui ont été progressivement attirés vers les maisons d’opéras grâce à des politiques efficaces de tarification et de formules flexibles. Défi crucial au moment ou ces publics entrent dans la vie active, ce qui signifie qu’ils perdent et les avantages (tarifaires et de flexibilité) et le temps à consacrer à l’opéra.

Pour Gérard Doublet, « ils ont 28 à 35 ans aujourd’hui, ils constitueront le cœur

des publics de référence dans 10 ans. Ils forment un « nouveau public tendance ». Tendance parce l’on observe et mesure chez lui des comportements nouveaux, mais dont il est difficile de prévoir l’évolution à terme et surtout si cette tendance va se stabiliser dans des comportements, des attitudes et des modes de consommation durables. Ils « consomment » l’opéra avec moins de conformisme social, plus de « décontraction » et de « légèreté » que les générations précédentes. (…) Il peut se

libérer plus facilement de la contrainte de l’abonnement car son statut social n’est pas en jeu, son mimétisme à l’égard des habitudes des publics réguliers et assidus est faible, voire inexistant. Sa spécificité est d’inventer en quelque sorte de nouvelles

pratiques de spectateurs d’opéras. »6

B. Féminisation

Tableau 7. Publics d’opéras : proportion de femmes

% DE FEMMES

enquête RTLF (2001) enquête CPDO (2000)

59% 63%

Deuxième évolution perçue : la proportion de plus en plus importante de femmes dans les publics d’opéras. Non par défection des hommes, mais par la plus forte proportion féminine dans les nouveaux spectateurs. Ce phénomène peut être analysé de deux façons complémentaires :

« Cette réalité que constitue la forte composante féminine jeune du public est avérée dans l’ensemble des maisons d’opéras. Elle s’explique d’abord par la proportion importante parmi les spectateurs des femmes exerçant des professions intellectuelles intermédiaires et d’enseignantes. On constate aussi la prépondérance des jeunes files

et des jeunes femmes parmi le jeune public de moins de 25 ans. »7

C. Appropriation par les inactifs

L’Opéra devient le lieu des « inactifs ». Reste à préciser ce que l’on entend par la catégorie « inactifs ».

Pour l’institut national de la statistique (INSEE), qui reprend une définition du Bureau international du travail, sont considérées comme « inactives » les personnes en âge de travailler (15-65 ans), mais qui ne travaillent pas et ne recherchent pas un emploi qu’elles aient ou non travaillé auparavant : étudiants, retraités, femmes au foyer… Les chômeurs ne font pas partie de cet ensemble, car ils sont censés désirer travailler, rechercher un emploi.

6 Doublet, op. cit., p.29-40

Dans notre définition de la catégorie « inactifs », nous incluons les « demandeurs d’emploi » (chômeurs). Au final, ce terme, tel que nous l’entendons, regroupe ici en réalité trois catégories principales de publics, pas encore ou plus intégrée dans la vie active, professionnellement parlant : les étudiants, les chômeurs, et les retraités.

Tableau 8. Publics d’opéras : proportion d’inactifs

% D’INACTIFS

enquête RTLF (2001) enquête CPDO (2000)

42% dont étudiants : 14% 31% dont retraités : 17% étudiants : 10% sans profession : 4%

Le temps comme principal obstacle à la fréquentation de l’art lyrique. En effet, cette pratique culturelle est exigeante -temporellement parlant- en plusieurs points :

1° l’abonnement est une formule contraignante où l’on s’engage sur toute l’année ;

2° la réservation, hors abonnement, prend du temps (au guichet) et est compliquée (par correspondance). Sur ce point, les possibilités de télé-réservation ergonomique, par l’internet, est salvatrice8 ;

3° la sortie à l’Opéra nécessite une préparation (livre, CD) et une information culturelle pas disponible immédiatement et facilement.

Dans la conclusion de l’analyse de ses résultats, Gérard Doublet relève ici un deuxième défi pour les institutions lyriques, à côté de celui évoqué plus haut de fidélisation des 28-35 ans :

« La question du renouvellement du public ne concerne pas les seules catégories des jeunes spectateurs potentiels, d’autant plus que des dispositifs ont été mis en place dans la plupart des maisons d’opéras pour leur faciliter l’accès. L’effort

8 A l’Opéra de Paris, la réservation par internet, ouverte depuis 1997, est utilisée par 78% de primo-arrivants au sein de cet établissement.

devrait donc porter prioritairement vers des catégories de spectateurs potentiels actifs des classes d’âge et sociales intermédiaires. »9

Un exemple d’action envers ces spectateurs prioritaires –on rejoint la notion de discrimination positive- des spectacles en forme courte présentés à l’heure de la sortie des bureaux, entre 18 et 19h.

On rajoutera, pour conclure nous aussi provisoirement, que pour les plus de 35 ans, le taux de découverte « naturel » de l’opéra est de 2% des spectateurs. De plus, les spectateurs en général considèrent que le frein d’accès à l’opéra est d’avantage psychologique que financier et culturel, d’où un besoin de sensibilisation, à des moments choisis.

Dans le document Les publics de l'art lyrique (Page 64-70)