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Identités locales

Dans le document Les publics de l'art lyrique (Page 95-98)

Dans le prolongement de la réflexion entamée sur les histoires culturelles des institutions, corollée à leur ancrage local, lors de notre tour de France lyrique (voir II.

Disparités), nos entretiens ont permis, sur base des indicateurs repris dans la grille

d’analyse, de mesurer les évolutions passées des publics, qui conditionnent le présent des équipements.

I.

Opéra national du Rhin

Accroissement. Dans le passé récent, l’Opéra du Rhin a été confronté à une

situation quelque peu embarrassante, à savoir la désaffection de ses spectateurs :

«

H.P. : Ecoutez, c’est pas difficile. La création de ce département « jeune public », il y a une douzaine d’années maintenant, est intervenue au moment où on s’est rendu compte que les salles se vidaient, qu’il y avait une tradition de l’opéra ici, qu’on héritait presque des sièges de ses parents. Il y avait une vraie tradition qui est, on peut le dire, une tradition assez bourgeoise. Et on s’est rendu compte que ça se vidait. Plus de jeunes. »

Le travail accompli par ce département paye aujourd’hui : on constate un accroissement « global énorme et constant » de la fréquentation, nous affirme-t-on du côté de la billetterie.

Rajeunissement. Après cet évolution quantitative, relevons un phénomène

qualitatif. Heureusement, l’Opéra du Rhin a su pallier la déficience de renouvellement naturel de ses publics. En effet, la caractéristique particulière de l’Opéra du Rhin réside dans sa proportion actuelle de moins de 26 ans. Une connaissance basée sur l’intuition n’aurait pas pu déceler avec précision cette évolution radicale. Vu de l’ extérieur, l’Opéra du Rhin est un Opéra comme un autre, sauf que…

«

H.P. : Vingt pour cent [de jeunes], ça ne s’invente pas d’un jour à l’autre. C’est tout un travail de fond, qui va être de toute manière poursuivi. »

II.

Opéra national de Lyon

Ancrage local. De la difficulté d’attirer des publics éloignés, alors que la ville de

Lyon a une situation géographique centrale, et est située au carrefour d’axes de communication -routiers et ferroviaires- importants. On se rend compte que dans le domaine du lyrique, la demande ne suit pas automatiquement l’offre. A l’opposé d’une grande loi apprise par les polytechniciens : l’offre de routes crée la demande de circulation.

«

L.V. : L’autre caractéristique majeure, c’est qu’on est un opéra national, avec des spectacles d’envergure internationale. Par contre, en termes de public, c’est presque le contraire. […] On a un public qui est avant tout originaire du Département du Rhône, globalement de la Région Rhône-Alpes, et le public de « l’étranger » (hors Département et Région) est très marginal. »

Appropriation par les inactifs. Au sein des publics, la formation d’une classe d’âge

creuse entre 35 et 50 ans, à savoir les jeunes actifs professionnellement, par ailleurs souvent jeunes parents, mais aussi les sujets en pleine maturité professionnelle, est une donnée inquiétante. Il semble que le problème en termes d’âge des publics -qui conditionne son renouvellement- ne concerne pas les seuls jeunes et étudiants (-de 26 ans).

«

L.V. : Le gros problème de l’opéra, c’est que le public est assez âgé. On sait qu’on a un grand déficit de public dans la tranche d’âge 35-50. Quand les jeunes ne bénéficient plus de tarifs spécifiques, au-delà de 28 ans, et jusqu’à 40-45 ans, ce sont des gens qui ne viennent pas beaucoup à l’opéra. C’est une classe d’âge sous-représentée par rapport à la population globale. […]

P.J. : Sur le public actuel de l’Opéra de Lyon, vous disiez qu’il est assez âgé. Mais y a-t-il d’autres caractéristiques que vous pouvez dégager ?

L.V. : En moyenne, il est à la fois dans les tranches d’âge supérieures, et quand même très présent chez les moins de 30 ans. »

III . Opéra de Marseille

Ancrage local. Ville ouverte vers la mer Méditerranée, entourée de tous côtés de

montagnes, monts et collines, Marseille vit sa vie de ville de manière indépendante. L’Opéra y subit la concurrence d’autres structures lyriques proches : Avignon, Toulon, sans parler des festivals.

«

G.S. : J’ai fait tirer quelque chose, mais il n’y a pas d’études, à ma connaissance, de faite sur le public de l’Opéra de Marseille. Par rapport à l’origine géographique : 60% de Marseille, 28% des Bouches-du-Rhône hors Marseille, 10% d’ailleurs. »

Opéra « populaire » ? Mais d’un côté, Marseille peu compter sur des spectateurs

fervents, habitués à une offre lyrique dense où la voix tient une place très importante. Pendant l’été, le festival lyrique d’Aix-en-Provence et les Chorégies d’Orange assure la continuité des saisons d’Opéras. « On dit » que l’Opéra de Marseille est « populaire », c’est une étiquette qui le suit.

«

G.S. : Marseille, c’est un public de classe moyenne, classe supérieure, de professions libérales…

G.S. : […] Marseille a toujours eu une position importante d’Opéra populaire […]

P.J. : Vous disiez que l’Opéra est populaire…

G.S. : C’est qu’à l’origine, l’opéra est populaire ; l’art lyrique est un art populaire, qui s’est embourgeoisé d’une certaine manière, et qui est devenu réservé à une élite. Ce n’est pas le cas de l’Opéra de Marseille, où est ouvert à tous. C’est vrai que quand on prend l’Opéra de Monte-Carle, c’est réservé à une élite. »

IV.

Opéra de Nice

Public âgé. Ville des retraités, Nice concentre une proportion importante de

personnes « d’un certain âge », attirées le climat particulier, notamment la douceur de l’hiver. Au sein de l’Opéra de Nice, situé à plus de 1000 km de celui de Strasbourg, cette même proportion se distingue nettement dans la structure d’âge des publics, contrastant avec la situation observée à l’Opéra du Rhin :

«

P.J. : Pour parler du public actuel de l’Opéra de Nice, le connaît-on ? A-t-on des données ? De grandes tendances ?

A.J.-P. : Assez âgé, relativement âgé, nanti, abonné sur l’année. »

Public attaché. Abonné sur l’année, fidèle, attaché au lieu et à la sortie, comme cela

se faisait « avant ».

« P.J. : L’Opéra de Nice, c’est une situation un peu particulière en France ?

A.J.-P. : A Nice, le public est assez âgé et il a ses habitudes. Faut pas changer de fauteuil ! Je me souviens d’une fois où quelqu’un m’a dit que son fauteuil était plat, et que étant tapissier : « Est-ce que je peux venir le rembourrer ? » Voilà. Abonné sur le même fauteuil depuis je ne sais pas combien d’années, et que comme c’est son fauteuil, il y mettrait un peu de crin, et qu’il ne ferais pas payer le crin. Bien sûr, mais on ne peut pas accepter ce genre de choses quand même. »

V. Une caractéristique commune : où sont les actifs ?

Ce constat, de l’émergence d’une classe d’âge creuse entre 35 et 50 ans, constaté à l’Opéra de Lyon, était également une des préoccupations de l’Opéra national du Rhin, où la responsable de la billetterie nous l’a confirmé. Etait...car entre-temps, ces « actifs », souvent (jeunes) parents sont revenus, par le biais de leurs enfants. D'où le résultat que l'on connaît à Strasbourg (20% de moins de 26 ans fréquentent l’Opéra).

A Lyon, d’autres stratégies sont à l’œuvre, pour ce qui constitue un défi à relever dans les années à venir.

Même écho du côté de Nice. Cette situation constitue un défi à relever pour l’avenir.

Dans le document Les publics de l'art lyrique (Page 95-98)