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L’argumentation entre consensus et conflit

Pour les tenants de la démocratie délibérative, la place du débat et de la discussion dans les exercices de la planification offre un contexte délibératif où l’ouverture au dialogue privilégie une logique dialectique. Selon cette perspective, la formation du consensus ne relève pas des intérêts antinomiques, mais d’une relation intersubjective entre les individus ou les groupes sociaux61. Pour les tenants de la démocratie agonistique, le contexte délibératif est marqué par une logique stratégique et une recherche de la réfutation où les rapports de pouvoirs, les conflits et l’influence viennent façonner l’argumentation et le discours persuasif62.

Le débat sur les conceptions de la démocratie concerne la question du rapport entre les notions de conflit et de consensus63. La participation publique renvoie à une forme de démocratie dont « l’idéal de gouvernement dans lequel la légitimité d’une décision repose, au-delà de l’élection, sur l’existence d’une discussion préalable, à laquelle devraient pouvoir participer tous ceux que la décision concerne64. » Dans ce qui suit, la présentation du débat sur les théories de la planification autour de la conception délibérative de la démocratie s’appuie sur l’idéal délibératif et l’atteinte du consensus ainsi que les arguments mis de l’avant par les critiques d’un tel idéalisme présenté sous la conception agonistique de la démocratie.

61 Healey, Patsy, (1992), art. cit.

62 Hillier, Jean (2003), « 'Agon'izing Over Consensus: Why Habermasian Ideals Cannot be 'Real' », Planning Theory, vol. 2, no 1, p. 37-59. ; Mouffe, Chantal (1999), « Deliberative Democracy or Agonistic Pluralism? », Social Research, vol. 66, no 3, p. 745-757. ; Sanders, Lynn M. (1997), « Againt Deliberation », Political Theory, vol. 25, no 3, p. 347-376. ; Walzer, Michael (1981), « Philosophy and Democracy », ibid., vol. 9, p. 379-399. ; Young, Iris Marion (2002), Inclusion and Democracy, New York, Oxford University Press.

63 Blondiaux, Loïc (2008), Le nouvel esprit de la démocratie. Actualité de la démocratie participative, Paris, Seuil.

Voir également Touraine, Alain (1994), Qu'est-ce que la démocratie?, Paris, Fayard.

64 Blondiaux, Loïc (2007), « La démocratie participative, sous conditions et malgré tout. Un plaidoyer paradoxal en faveur de l'innovation démocratique », Mouvements, no 50, p. 118-129. p. 120.

Dans ce chapitre sur le débat théorique de la planification, nous présentons d’abord une conception communicationnelle de la démocratie afin de voir comment certains auteurs qui s’appuie sur celle-ci y apporte des contributions originales afin d’atténuer les critiques auxquelles elle fait l’objet. Nous verrons comment les critiques qui s’adressent à cette conception communicationnelle ne proposent pas seulement une autre vision du monde, de la planification et de l’urbanisme, mais elles remettent en question la possibilité même de la capacité des acteurs à faire abstraction de leurs intérêts particuliers et de leurs valeurs politiques. Nous terminons notre chapitre théorique sur notre proposition de définition de l’urbanisme comme pensée de la mésentente avec les hypothèses qui structurent notre cadre opérationnel de recherche.

2.1 La communication comme jonction du dialogue et de la compréhension

Les nouvelles pratiques d’urbanisme s’inspirent de l’agir communicationnel de Jürgen Habermas. Celui-ci soutient entre autres que le principe de communication est universellement inhérent à la compréhension mutuelle des individus65. Elles appliquent à la planification territoriale et à l’urbanisme, le concept d’espace public qui permet à l’ensemble des acteurs de la multitude d’entamer une discussion sur les préoccupations et les problématiques de la société afin de médiatiser l’opinion publique auprès de l’État66. C’est dans une volonté intersubjective de rationaliser la discussion dans l’espace public et de contrôler le processus délibératif en imposant une série de règles dans laquelle la société civile interagit avec l’État que se concrétise ce modèle de démocratie

65 Habermas, Jürgen (1987), Théorie de l'agir communicationel. v.1. Rationalité de l'agir et rationalisation de la société, Paris, Fayard. ; --- (1987), Théorie de l'agir communicationnel. v.2. Critique de la raison fonctionnaliste, Paris, Fayard.

66 --- (1974), « The Public Sphere: An Encyclopedia Article », New German Critique, no 3, p. 49-55.

délibérative67. Habermas souligne que l’espace public où s’exprime la rationalité communicationnelle est menacé par les institutions de la démocratie représentative moderne qui ne garantissent pas la pleine expression publique des préoccupations sociales de la société civile68. L’atteinte pacifique d’un consensus par l’ouverture au dialogue constitue l’élément central d’une telle vision du monde. La délibération devient un espace de formation des opinions des habitants à l’abri des stratégies d’influence des groupes d’intérêt et une manière de médiatiser ces opinions auprès des représentants politiques élus au suffrage universel.

Dans un tel contexte, l’influence de l’opinion publique auprès des représentants élus prend une grande importance dans leurs prises de décisions politiques. C’est ainsi que « la légitimité démocratique repose sur l’accord intersubjectif auquel les citoyens sont susceptibles de parvenir dans leurs discussions dans l’espace public et grâce aux procédures de l’État de droit démocratique69. » La recherche de la validité et de la vérité d’un discours s’effectue de manière coopérative entre les participants à la discussion dans l’espace public avec comme seul facteur coercitif la qualité de l’argumentation et l’avantage du meilleur argument. La validité et la vérité du discours sont assurées en respectant les cinq principes procéduraux de l’éthique de la communication d’Habermas, soit la généralité des discours qui garantit l’inclusion de tous les participants concernés par la discussion, l’autonomie qui assure à chaque participant la liberté de critiquer la validité de l’énoncé d’un autre participant, la prise de position idéale qui permet à chacun de sympathiser les revendications des autres en jouant le jeu de l’ouverture au dialogue, la neutralité qui sous-entend que les participants n’exercent pas un rapport de pouvoir auprès des autres dans l’atteinte du consensus et

67 Blondiaux, Loïc (2008), « Démocratie délibérative vs. démocratie agonistique? Le statut du conflit dans les théories et les pratiques de participation contmeporaines », Raisons politiques, no 30, p. 131-147.

68 Flyvbjerg, Bent (1998), « Habermas and Foucault: thinkers for civil society? », The British Journal of Sociology, vol.

49, no 2, p. 210-233.

69 Blondiaux, Loïc, et Yves Sintomer (2002), « L'impératif délibératif », Politix, vol. 15, no 57, p. 17-35. p. 23.

la transparence qui offre un aperçu des intentions et des objectifs poursuivis par chaque participant dans la conduite du débat et de la discussion70.

Ces principes concernent la reconnaissance de la position de l’autre afin d’arriver à une forme d’accord sur le contenu des orientations et des objectifs pour planifier la ville. Dans une telle prise de position, la vérité et la validité d’un parti d’aménagement seront le résultat d’un consensus obtenu par la discussion non coercitive, libre et ouverte entre les acteurs du développement. Les conceptions communicationnelles de la planification conçoivent le débat public comme une situation où les participants prennent part à la construction des connaissances qui auront une influence significative sur la prise de décision ultérieure. La constitution d’une communauté délibérante pour un processus de planification territoriale procure une légitimité aux informations contenues dans les orientations à donner aux interventions effectuées par les autorités publiques. Innes souligne que :

« the most important overall conclusion was that information that influences is information that is socially constructed in the community where it is used71. »

Cependant, le contenu particulier d’une planification issu d’un milieu aura également des procédures et des processus singuliers adaptés à un contexte spécifique, ce qui implique des principes délibératifs n’ayant pas de valeur universelle reconnue telle que préconisée par Habermas avec l’action communicationnelle. Pour sa part, Healey propose que la construction des stratégies s’inscrive dans un travail consensuel respectant les logiques et les connaissances locales :

« Consensus-building work thus involves a reflective interaction between the local knowledges to which the participants have access through their social

70 Flyvbjerg, Bent (1998), art. cit. p. 213.

71 Innes, Judith E. (1995), art. cit. p. 185.

networks and the development of understandings and valuings within the consensus-building arena72. »

Dans un contexte de recherche du consensus par l’ouverture au dialogue, les tenants des conceptions communicationnelles proposent de respecter les différentes compréhensions locales ou régionales des problématiques sociales au sein de l’espace public tout en proposant des principes procéduraux et normatifs universels qui viennent restreindre la possibilité d’une adaptation circonstancielle des processus de planification.

2.1.1 Reconnaissance des émotions et approches thérapeutiques

Dans sa version collaborative, les différentes représentations émotives des participants au débat public sont prises en considération de manière secondaire par rapport à la rationalité et restent des éléments qui adviennent dans un contexte particulier de la délibération et de la recherche consensuelle. Sans nier leurs fondements théoriques et épistémologiques, plusieurs auteurs, dont Leonie Sandercock, soutiennent que les considérations émotionnelles sont négligées par les conceptions communicationnelles qui tendent à séparer la raison des sentiments73. La prise de position objective et la neutralité deviennent impossibles dans une perspective théorique qui postule la primauté et la reconnaissance des subjectivités des participants au débat sur la planification. Sandercock maintient que la planification implique des relations conflictuelles émotives qui ne peuvent pas être soustraites de la situation délibérative comme le propose l’action communicationnelle :

« Conflictual relationships involve feelings and emotions like fear, anger, hope, betrayal, abandonment, loss, unrecognized memories, lack of recognition, and histories of disempowerment and exclusion. When planning disputes are

72 Healey, Patsy (1997), Collaborative Planning. Shaping Places in Fragmented Societies, Vancouver, University of British Colombia Press. p. 264-265.

73 Sandercock, Leonie (2004), « Towards a Planning Imagination of the 21s Century », Journal of American Planning Association, vol. 70, no 2, p. 133-141.

entangled in such emotional and symbolic, as well as material, battles, there is a need for a language and process of emotional involvement and resolution74. »

Sandercock propose une version thérapeutique de la planification où les conflits seraient saisis de manière à respecter les sentiments ou désirs de chacun. La logique dialectique des conceptions communicationnelles reproduit la séparation entre la raison et l’émotion qui s’appuie sur les deux dimensions de l’action que sont le contenu et le contexte, le fond et la forme. La première sous-entend des revendications subjectives et expressives tandis que la seconde porte sur des faits objectifs dont la légitimité est définie par des relations historiques, sociales et politiques données dans un contexte délibératif75. Cette distinction perpétue les prémisses théoriques qui soutiennent qu’il existe une distorsion et une déformation de l’information communiquée par les acteurs du développement. Selon cette logique dialectique, il existe un écart entre les faits vérifiables conçus comme la réalité des choses et les discours soutenus par les protagonistes. L’ouverture du dialogue par la recherche du consensus permettrait donc de réduire et de corriger cet écart causé par les problèmes de représentations et de compréhensions mutuelles qui subsistent dans l’espace public.

Les faits reconnus comme légitimes proviennent d’un processus délibératif qui permet d’obtenir un accord collectif et une représentation qui satisfait l’ensemble des acteurs.

La position légitime et dominante revient au discours ayant reçu le plus grand nombre d’adhérents, et donc, ayant constitué le consensus.

2.1.2 Les rationalités de la planification collaborative

Cependant, selon plusieurs auteurs, cette position consensuelle reste un idéal à atteindre qui risque de restreindre la liberté de certains acteurs dans le sens où ils devront respecter les principes procéduraux et ainsi convenir de renoncer à certaines

74 Ibid. p. 139.

75 Forester, John (1989), op. cit. p. 145-146.

ressources leur permettant d’obtenir une position dominante par rapport à d’autres acteurs76. Healey réitère l’importance du respect des différentes rationalités pour vaincre les distorsions du discours provoquées par les notables et les élites :

« If the distortions of the powerful are to be avoided, all these potential forms of reasoning have to be learned about and given respect in the collaborative exercise77. »

Dans le même ordre d’idée, la place des rapports de force dans les processus délibératifs est au cœur du débat qui concerne le tournant communicationnel dans le sens où Fainstein l’entend :

« scrutiny of efforts to base planning on dialogue reveals serious problems of implementation and the continued dominance of the already powerful78. »

C’est dans cette perspective que nous souhaitons poursuivre la réflexion sur la critique de l’idéal délibératif où les principes procéduraux et normatifs soutenus par les conceptions communicationnelles risquent de profiter aux individus et aux groupes dont les ressources disponibles sont supérieures aux groupes moins nantis.

Fainstein mentionne que :

« City building for the benefit of nonelite groups requires empowering those who are excluded not just from discussions but from structural positions that allow them genuine influence. Ability to participate is one resource in the struggle for power, but it must be bolstered by other resources, including money, access to expertise, effective organization, and media coverage79. »

Contrairement à l’idéal délibératif de l’action communicationnelle où la pratique de la planification s’effectue dans un contexte désintéressé et apolitique, les conceptions agonistiques soutiennent que l’atteinte du consensus est un produit des rapports de

76 Sanders, Lynn M. 1997. art. cit. p. 353.

77 Healey, Patsy. 1997. op. cit. p. 264.

78 Fainstein, Susan S. 2000. art. cit. p. 458.

79 Ibid. p. 461.

pouvoir entre les individus et les groupes, et donc, issu d’un compromis politique conflictuel subséquent à la recherche de la réfutation80. À partir des conceptions communicationnelles qui offrent une version normative de la délibération, les conceptions agonistiques apportent une approche descriptive et persuasive de la rhétorique et de l’argumentation. Pour poursuivre dans cette voie, les critiques élitistes remettent en question l’idéalisme démocratique au profit d’une expérience politique pluraliste et stratégique dont les rapports d’application favorisent l’expression des marginalités, des différences et des identités.

2.2 La négociation comme stratégie de pouvoir et de conflit

Pour faire appel à une autre conception des relations sociales, politiques et historiques dans la pratique de l’urbanisme, les rapports de pouvoirs sous-entendent une forme de liberté où le pouvoir garantit la pleine expression des libertés.

Flyvbjerg souligne que :

« freedom is a practice, and its ideal is not a utopian absence of power81. »

Il s’appuie sur les analyses de Michel Foucault pour soutenir une autre conception du pouvoir et de la résistance des acteurs à ce pouvoir :

« 1) Power is seen as productive/positive and not simply as restrictive/negative.

2) Power is viewed as a dense net of omnipresent relations and not simply as localized in “centers” or as entity one can “possess”. 3) The concept of power is seen as ultradynamic; power is not something one appropriates, but something one reappropriates and exercises in a constant back-in-forth movement in relations of strength, tactics and strategies. 4) Knowledge and power, truth and power, rationality and power are analytically inseparable from each other; power produces knowledge and knowledge produces power. 5) The central question is how power is exercised and not primarily who has power and why they have it;

80 Allmendinger, Phil. 2002. art. cit. p. 88.

81 Flyvbjerg, Bent. 1998. art. cit. p. 223.

the focus is on process rather than on structure. 6) Power is studied with a point of departure in small questions, “flat and empirical”, instead of with a point of departure in “big question”82. »

L’analyse des rapports de pouvoir dans un contexte agonistique de démocratie constitue l’avenue entreprise pour remettre en question les propositions normatives de l’approche de l’agir communicationnel. L’influence de la décision s’inscrit dans une recherche de la réfutation de l’argumentation de l’adversaire et la persuasion rhétorique83. Les discours n’ont de légitimité que s’ils arrivent à s’imposer comme représentation valable. Le recours aux ressources stratégiques comme l’expertise, l’utilisation des médias et les réseaux sociaux confère aux individus et aux groupes les capacités et les compétences pour faire advenir une position dominante et pour influencer la prise de décision. L’appui à un mode de planification territoriale qui offre l’occasion d’éviter l’expression des antagonismes et des conflits semble contrevenir à une forme de vivre-ensemble libre des contraintes coercitives et de contrôle social. La signification de la ville provient d’un espace délibératif où peuvent s’exprimer librement les tensions et les controverses entre les différents groupes d’acteurs sous le signe d’une transaction sociale84. Celles-ci montrent que « les conflits de pouvoir émergent très vite et ils se cristallisent sur la coordination du projet : tout le monde veut devenir le coordinateur, mais personne ne veut être coordonné85! »

82 Flyvbjerg, Bent (1998), « Empowerring Civil Society: Habermas, Foucault and the Question of Conflict », dans Cities for Citizens: Planning and the Rise of Civil Society in a Global Age, Douglass, Mike et John Friedmann, London, John Wiley & Sons. p. 207.

83 MacRae, Jr., Duncan (1993), « Guidelines for Policy Discourse : Consensual versus Adversarial », dans The Argumentative Turn in Policy Analysis and Planning, Fischer, Frank et John Forester (dir.), Durham, Duke University Press. p. 291.

84 Blanc, Maurice (1994), Vie quotidienne et démocratie. Pour un sociologie de la transaction sociale, Paris, L'Harmattan. Voir également Blanc, Maurice. 2009. op. cit.

85 Ibid. p. 34.

2.2.1 Respect des conflits et approche agonistique

Pour Chantal Mouffe, les situations idéales de délibération préconisées par les conceptions communicationnelles sont impossibles dans la mesure où les empêchements ou les conditions requises pour atteindre une telle situation doivent contraindre les libertés individuelles et collectives en établissant des normes de contrôle du dialogue et de la discussion. Par le fait même, Mouffe souligne que l’idéal de la démocratie délibérative nie le caractère conflictuel de la politique :

« this model of democratic politics denies the central role in politics of the conflictual dimension and its crucial role in the formation of collective identities86. »

En commentant la conception des rapports de pouvoir chez Foucault, Lawrence Olivier souligne pour sa part que :

« les rapports de pouvoir ne se limitent pas à la lutte de classes… il faut les penser selon leur caractère stratégique plutôt que dialectique… les rapports de forces sont partout déjà là, ils sont la matière première à partir de laquelle se fabrique ce qui vaut pour nous comme réel87. »

La conception communicationnelle de la démocratie s’articule à une logique dialectique qui pose comme préalable une opposition entre les protagonistes de l’espace public. Le rapport entre légitimité et pouvoir est évacué afin d’introduire, dans un espace délibératif donné, une homogénéité entre les acteurs, soit une prise de position idéale qui contraint l’individu à se soumettre à l’intérêt du groupe88.

L’identité des acteurs dans un contexte de démocratie agonistique est à définir au cours du processus délibératif selon les stratégies de résistance et les positions que

86 Mouffe, Chantal. 1996. art. cit. p. 752.

87 Olivier, Lawrence (1996), « Michel Foucault, éthique et politique », Politique et Sociétés, no 29, p. 42-69. p. 51

88 Blondiaux, Loïc. 2004. « Prendre au sérieux l’idéal délibératif : un programme de recherche ». dans Papadopoulos, Yannis (dir.) (2004), « Délibération et action publique », Swiss Political Science Review, vol. 10, no 4, p. 147-210. p.

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chacun prend pour faire valoir sa représentation et son discours. La légitimité d’une représentation se mesure à partir de la capacité d’un acteur à mobiliser les ressources nécessaires afin d’influencer et de convaincre son interlocuteur par des stratégies et tactiques persuasives du bien-fondé de son projet. L’écart entre la légitimité et la force ou la portée d’une représentation ou d’un savoir, et donc de l’acteur qui le soutient, se dissout lorsque nous considérons les rapports de pouvoir comme des relations omniprésentes et dynamiques. Ceux-ci, compris dans son acception stratégique, façonnent la vérité et la validité des représentations qui sont le résultat d’un processus relationnel par lequel les différents protagonistes s’affrontent pour s’approprier plus de légitimité afin d’exercer le pouvoir. La position dominante d’une représentation par rapport à une autre s’acquiert au cours d’une longue démarche d’appropriation et de désappropriation où s’entrechoquent les intérêts des individus et des groupes sociaux par des tactiques de l’évitement de la controverse et de la mésentente sociopolitique.

2.2.2 Les positions stratégiques et la planification des multiplicités

2.2.2 Les positions stratégiques et la planification des multiplicités