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L’ARBRE D’EGGERS ET L’ARBRE D’EGGERS R´ EDUIT

Dans cette section nous commen¸cons par donner du vocabulaire g´en´eral sur les graphes, puis nous d´efinissons l’arbre d’Eggers T (C) et l’arbre d’Eggers r´eduit

ˇ

T (C) de la courbe C, apr`es avoir rappel´e les notions d’exposants caract´eristiques et de semi-groupe associ´es `a une branche, puis celles d’ordre de co¨ıncidence et de coefficient de contact d’Hironaka associ´es `a une paire de branches.

Un graphe G est compos´e d’un ensemble de sommets VG et d’un ensemble d’arˆetesAG. Chaque arˆete poss`ede deux sommets, ´eventuellement confondus. Si certains sommets sont noirs et d’autres blancs, on notera les ensembles respectifs de sommets par NG et BG. Dans ce cas, nous notons par A

G l’ensemble des arˆetes entre sommets noirs.

Si Q∈ VG, la valence v(Q) de Q est le nombre d’arˆetes partant de Q, chaque arˆete qui joint Q a lui-mˆeme ´etant compt´ee deux fois. Un sommet de G est dit de rupture, s’il est de valence≥ 3. Il est dit terminal, s’il est de valence 1.

Un chemin dans un graphe est une suite d’arˆetes, telles que deux cons´ecutives aient un sommet commun. Une g´eod´esique est un chemin ne passant pas deux fois par la mˆeme arˆete. Un cycle est un chemin dont les sommets extrˆemes co¨ıncident. Un arbre est un graphe dont aucune g´eod´esique n’est un cycle.

On peut aussi regarder G comme 1-complexe simplicial particulier. Ceci permet de d´efinir topologiquement la connexit´e de G. Si G est un arbre connexe et H une g´eod´esique de G, les adh´erences dans G des composantes connexes de G− H sont appel´ees branches mortes par rapport `a H. Ce sont des sous-graphes de G. On appelle bambou (notation due `a H.Hironaka et D.T.Lˆe) une g´eod´esique dont aucun sommet int´erieur n’est de rupture. Remarquons que l’on a modifi´e les notations de [36], o`u une branche morte ´etait forc´ement un bambou.

Lorsque on consid`ere deux g´eod´esiques partant du mˆeme sommet d’un arbre, leur dernier sommet commun est appell´e le sommet de bifurcation des g´eod´e-siques.

Rappelons `a pr´esent quelques notions sur les germes de courbes planes. Si C1 est une branche plane, c’est-`a-dire un germe irr´eductible de courbe analytique complexe plane, on choisit pour l’´etudier des coordonn´ees (x, y) g´en´eriques (telles que les cˆones tangents des courbes x = 0 et C1 soient dis-joints). Soit fC1 une fonction de d´efinition de C1, polynomiale en y. On peut toujours choisir une telle fonction, par le th´eor`eme de pr´eparation de Weiers-trass. Les coordonn´ees ´etant g´en´eriques, le degr´e de fC1 est ´egal `a la mul-tiplicit´e m0(C1) de la branche C1 `a l’origine. L’´equation fC1(x, y) = 0 ad-met m0(C1) racines y = ηk(x), les ηk ´etant des s´eries fractionnaires en x, ηk ∈ C{xm0(C1)1 }, ∀k ∈ {1, ..., m0(C1)}. On dit que ce sont les s´eries de Newton-Puiseux de la branche C1.

L’ensemble des exposants caract´eristiques de la branche C1est par d´efinition : EC :={vxk− ηl), k6= l}.

4.2 L’ARBRE D’EGGERS ET L’ARBRE D’EGGERS R ´EDUIT 145

On note par a1, ..., agles ´el´ements de EC, avec g≥ 0 et a1< ... < ag(si EC =∅, on pose g = 0). On note aussi a0 := 1, ag+1 = +∞, bi := m0(C1)ai, ei := pgcd(b0, b1, ..., bi), ∀i ∈ {0, 1, ..., g} et ni := ei−1

ei , ∀i ∈ {1, ..., g}. Si g ≥ 1, on a l’in´egalit´e a1> a0.

On d´efinit les entiers bi, pour i ∈ {0, 1, ..., g} par la relation de r´ecurrence suivante : bi+1:= nibi+bi+1−bi, pour i∈ {0, ..., g −1}, avec b0= b0. Ils forment le syst`eme minimal de g´en´erateurs du semi-groupe de la branche C1 (voir [73]). Si C1 et C2 sont deux branches, on consid`ere un syst`eme de coordonn´ees locales qui soit g´en´erique pour chacune d’entre elles, dans le sens expliqu´e pr´ec´edemment. Soient ηkpour k∈ {1, ..., m0(C1)} et ζlpour l∈ {1, ..., m0(C2)} les racines correspondant `a des ´equations de d´efinition de C1, respectivement C2. L’ ordre de co¨ıncidence K(C1, C2) de C1 et C2 est d´efini de la mani`ere suivante :

K(C1, C2) := maxk,l{vxk(x)− ζl(x))}.

On a K(C1, C2) ≥ 1. Ce nombre ne d´epend pas du syst`eme de coordonn´ees g´en´eriques choisi.

D´efinissons aussi le coefficient de contact d’Hironaka H(C1, C2) de C1 avec C2 par la formule :

H(C1, C2) := (C1, C2)0 m0(C2) .

o`u (C1, C2)0d´esigne le nombre d’intersection des deux branches `a l’origine. Remarquons que ce coefficient de contact n’est pas sym´etrique en C1 et C2. Soit tC1 : R+→ R

+ l’application d´efinie par :

tC1(a) := bk

n1· · · nk−1 +m0(C1)a− bk n1· · · nk

, si ak≤ a < ak+1, k∈ {0, ..., g}.

On a la proposition suivante, d´emontr´ee dans [72] et [41] : Proposition 4.2.1 1) tC1 est strictement croissante et continue.

2) (Formule d’intersection) H(C1, C2) = tC1(K(C1, C2)).

Soit `a pr´esent C֒→C2 un germe r´eduit de courbe analytique plane compos´e de r branches, r≥ 1. Soient Ci, pour i∈ {1, ..., r} ses composantes irr´eductibles et ECi :={ai

0, ..., ai

g(i)} l’ensemble des exposants caract´eristiques de Ci. Pour chaque i∈ {1, ..., r}, soit :

OCi:= ECi

∪ {K(Ci, Cj), j6= i}. Si fi

∈ C{X}[Y ] est un polynˆome de d´efinition de Ci, OCi est l’ensemble des ordres de co¨ıncidence finis d’une racine quelconque de fiavec toutes les racines de f = f1

· · · fr.

D´efinissons `a pr´esent l’arbre d’Eggers T (C) de la courbe C, en suivant [69]. Cette construction est ´etendue dans [51] aux polynˆomes quasi-ordinaires sous la d´enomination d’arbre d’Eggers-Wall du polynˆome.

146 CHAPITRE 4. ENTRELACS DANS LES VARI ´ET ´ES IRR ´EDUCTIBLES

Pour chaque i∈ {1, ..., r}, soit Ti un segment muni d’un hom´eomorphisme νi : Ti→ [1, ∞]. Ce segment correspond `a la composante Ci. Notons :

Pi(l) := (νi)−1(l),∀l ∈ [1, ∞], Pi

k := Pi(ai

k),∀k ∈ {0, 1, ..., g(i) + 1}.

Consid´erons une relation d’´equivalence ′′′′ sur l’union disjointe⊔r i=1Ti : Q∼ Q⇔ si Q∈ Ti, Q∈ Tj, alors

νi(Q) = νj(Q)≤ K(Ci, Cj), et soit T (C) le quotient de ⊔r

i=1Ti par cette relation d’´equivalence. Soit Ω l’op´eration de passage au quotient :

Ω :⊔ri=1Ti→ T (C).

En restriction `a chaque composante Ti, l’application Ω est un hom´eomorphisme sur son image. Ceci nous permet de voir Ti comme ´etant une g´eod´esique maxi-male de T (C). Soit P (1) l’image par Ω des diff´erents points Pi(1), on l’appelle la racine de T (C). C’est un sommet terminal de T (C). Pour chaque branche Ci, nous notons encore par Pi

k les points Ω(Pi

k). Le point Pi(∞) est le sommet terminal infini de T (C) par rapport `a la composante Ci.

Pour chaque couple de branches Ci, Cj, on a l’´egalit´e : Ω(Pi(K(Ci, Cj))) = Ω(Pj(K(Ci, Cj))).

Ce point est le point de bifurcation des g´eod´esiques Ti, Tj, on le note Pi,j. Les diverses fonctions νi se recollent en une application :

νC : T (C)→ [1, ∞]. Si Q∈ T (C), on dit que νC(Q) est la valeur du point Q.

L’ensemble des points de T (C) peut ˆetre muni d’une relation  d’ordre partiel :

P  Q ⇔ ∃i ∈ {1, ..., r}, P, Q ∈ Ti et νC(P )≤ νC(Q).

Pour le moment T (C) est vu comme un espace topologique. Consid´erons aussi le complexe simplicial de dimension 1, support´e par T (C), dont l’ensemble des sommets est :

r [ i=1 (∪g(i)+1k=0 {Pki}) ∪[ i6=j {Pi,j}.

Ce complexe simplicial est un arbre au sens de la th´eorie des graphes, nous le notons encore T (C). Les sommets Pi(∞) sont colori´es en blanc, les autres en noir. Le contexte indiquera si l’on con¸coit T (C) comme espace topologique ou comme complexe simplicial.

Dans la d´efinition initiale de [12] reprise dans [21], les arˆetes de T (C) ´etaient en plus partag´ees en deux types, les pleines et les pointill´ees, afin de coder compl`etement le type d’´equisingularit´e de C. Ici nous n’aurons pas besoin de cette information suppl´ementaire.

Soit maintenant D un deuxi`eme germe de courbe plane, suppos´e irr´eductible. L’arbre T (C) se plonge naturellement dans T (C∪ D). Soit PC(D) le point de bifurcation de T (D) avec T (C), consid´er´e comme point de T (C). C’est aussi le maximum des points Pi,D de bifurcation de T (D) et Ti, pour 1≤ i ≤ r.

4.2 L’ARBRE D’EGGERS ET L’ARBRE D’EGGERS R ´EDUIT 147

D´efinition 4.2.2 On appelle T (C) l’arbre d’Eggers de la courbe C et PC(D) le point d’attache de D dans l’arbre d’Eggers de C.

Exemple : Consid´erons la courbe C = C1∪ C2∪ C3, les branches Ci´etant d´efinies par les ´equations :

C1: y2− x3= 0, C2: y2− 4x3= 0,

C3: (y2− x3)2− 4x5y− x7= 0.

Nous avons les s´eries de Newton-Puiseux suivantes pour ces branches : C1: y = x32,

C2: y = 2x32, C3: y = x32 + x74.

L’arbre d’Eggers T (C), dont chaque sommet noir est marqu´e de la valeur νC, est alors : 4 2

C

C

1

C

3 2 7 3 ✂✁✂ ✂✁✂ ✂✁✂ ✄✁✄ ✄✁✄ ✄✁✄ ☎✁☎ ☎✁☎ ☎✁☎ ✆✁✆ ✆✁✆ ✆✁✆ ✝✁✝ ✝✁✝ ✝✁✝ 1

Consid´erons aussi la courbe D = D1 ∪D2

∪D3, les branches Di´etant d´efinies par les s´eries de Newton-Puiseux suivantes :

D1: y = 2x32 + x2, D2: y = x32 + 2x74, D3: y = x32 + x94.

L’arbre d’Eggers de T (C∪ D) est :

4 2

C

1

C

2

C

3 4 7 3

D

3

D

1

D

2 ✞✟✞ ✞✟✞ ✞✟✞ ✠✟✠ ✠✟✠ ✠✟✠ ✡✟✡ ✡✟✡ ✡✟✡ ☛✟☛ ☛✟☛ ☛✟☛ ☞✟☞ ☞✟☞ ☞✟☞ ✌✟✌ ✌✟✌ ✌✟✌ ✍✟✍ ✍✟✍ ✍✟✍ ✎✟✎ ✎✟✎ ✎✟✎ ✏✟✏ ✏✟✏ ✏✟✏ ✑✟✑ ✑✟✑ ✑✟✑ 1 2 9

Donc les points d’attache des branches D1, D2, D3 dans l’arbre d’Eggers T (C) sont :

148 CHAPITRE 4. ENTRELACS DANS LES VARI ´ET ´ES IRR ´EDUCTIBLES 2

C

1

C

3

C

2 4 4 3

P

C

(D )

7

P

C

(D )

P

C

(D )

✂✁✂ ✂✁✂ ✂✁✂ ✄✁✄ ✄✁✄ ✄✁✄ ☎✁☎ ☎✁☎ ☎✁☎ ✆✁✆ ✆✁✆ ✆✁✆ ✝✁✝ ✝✁✝ ✝✁✝ ✞✁✞✁✞ ✞✁✞✁✞ ✞✁✞✁✞ ✟✁✟✁✟ ✟✁✟✁✟ ✟✁✟✁✟ ✠✁✠✁✠ ✠✁✠✁✠ ✠✁✠✁✠ ✡✁✡ ✡✁✡ ✡✁✡ 1 9 2 1 2 3

Si Q∈ T (C) et i ∈ {1, ..., r}, d´efinissons le coefficient de co¨ıncidence partiel d’indice i de Q, not´e τi(Q), par la formule :

τi(Q) := tCi(inf{Q, Pi(∞)}).

L’infimum est pris pour la relation d’ordre partiel  introduite pr´ec´edemment, le point consid´er´e est le point de bifurcation de Ti et de la g´eod´esique joignant la racine P (1) `a Q.

Par la proposition 4.2.1, τi(Q) = H(C, D) pour toute branche D telle que Q = PC(D).

Introduisons un deuxi`eme arbre ˇT (C), vu comme complexe simplicial, ap-pel´e l’arbre d’Eggers r´eduit de la courbe C. Il est obtenu `a partir du complexe simplicial T (C) de la mani`ere suivante :

1) Si la valence de P (1) est ´egale `a 1 (ce qui signifie que le cˆone tangent r´eduit de C est compos´e d’une unique droite), alors on enl`eve de T (C) le sommet P (1) et l’arˆete qui le joint au sommet suivant.

2) Si la valence de P (1) est ´egale `a 2 (ce qui signifie que le cˆone tangent r´eduit de C est compos´e d’exactement deux droites), alors on enl`eve de T (C) le sommet P (1) et on joint directement ses deux voisins.

3) Dans tous les autres cas on laisse T (C) inchang´e.

On conserve les couleurs des sommets de T (C). Si un sommet de T (C) subsiste dans ˇT (C), on utilisera la mˆeme lettre pour le noter comme sommet des deux arbres. On a encore des fonctions νCet τi d´efinies surNT (C)ˇ , obtenues en restreignant les fonctions d´efinies sur l’espace topologique T (C).

D´efinissons une application S, qui associe `a chaque point de l’espace topo-logique T (C) un simplexe de ˇT (C) :

S : T (C)→ VT (C)ˇ ∪ AT (C)ˇ de la mani`ere suivante :

• Si Q ∈ VT (C) et Q subsiste dans ˇT (C), on pose S(Q) := Q.

• Si Q se trouve `a l’int´erieur d’une arˆete a ∈ AT (C) qui subsiste dans ˇT (C), on pose S(Q) := a.

• Dans le cas 1), si Q se trouve sur l’arˆete joignant la racine P (1) `a un point P (2), on pose S(Q) := P (2).

• Dans le cas 2), si Q se trouve sur l’une des deux arˆetes partant de P (1) qui joignent ce point `a P (2) et P (3), avec Q /∈ {P (2), P (3)} et que a est l’arˆete de ˇT (C) qui joint P (2) `a P (3), on pose S(Q) := a.