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L’approche des sciences sociales et médicales

Dans le document Capital humain au Bangladesh (Page 41-45)

Section 3 : Les déterminants de la santé : cadre d’analyse théorique

3.3 L’approche des sciences sociales et médicales

Durant les deux dernières décennies, on a assisté au développement de deux approches qui étudient les déterminants de la santé. La première approche est celle des sciences sociales qui intègre également une approche médicale et a été développé par Mosley et Chen (1984). La deuxième approche, économique, est représentée par le modèle microéconomique de base de la famille (Becker 1981 ; Singh, Squire et Strauss 1986).

Il existe plusieurs modèles explicatifs de la mortalité, parmi lesquels, ceux de Meegama (1980), de Garenne et Vimard (1984) ou encore de Palloni (1985). Ils s’attachent

Chapitre 1 : Santé, éducation : deux facteurs au cœurs du processus

généralement à expliquer la mortalité dans un cadre de cohérence où des variables épidémiologiques, socioéconomiques, environnementales et parfois même politiques interagissent. La formulation proposée par Mosley et Chen (1984), qui sera considéré ici, reste cependant la plus largement citée.

Mosley et Chen (1984) identifient cinq catégories de déterminants intermédiaires de l’état de santé et de survie de l’enfant. Ce modèle a également été appelé modèle des déterminants proximaux. Les auteurs constatent que l’explication du phénomène de la mortalité infantile proposée par les sciences sociales et médicales présentait certaines lacunes. En effet, d’un côté, les sciences sociales se contentaient de déterminer le rapport qui existe entre les variables socioéconomiques et la mortalité d’une population, laissant toutefois largement inexpliqué, comme dans une sorte de boite noire, les mécanismes qui décrivent ces rapports. D’un autre côté, les sciences médicales se concentrent sur les variables biologiques et alimentaires qui sont susceptibles de provoquer la maladie et même la mort chez l’enfant, tout en ignorant les déterminants socio-économiques à partir desquels tout le processus se développe. Une nouvelle approche analytique qui regroupe simultanément les méthodologies des sciences sociales et médicales, apparaît alors impérative.

Figure 1.3 : Modèles conceptuels d’approche des sciences sociales et médicales explicatifs de la mortalité

Approche des Sciences Sociales (Démographie)

Approche des Sciences médicales (Médecine, épidémiologie, nutrition)

Déterminants sociaux et économiques ? Mortalité ? Contamination du milieu, nourriture Maladies infectieuses, malnutrition Mortalité

L’idée de base du modèle de Mosley et Chen (1984), qui constitue également son originalité, part de la thèse selon laquelle la maladie n’est pas la cause immédiate de la mort de l’enfant, mais elle est simplement la conséquence de nombreux mécanismes qui dérivent de plusieurs variables intermédiaires. Le décès apparaît alors comme la dernière étape d’un processus et/ou d’un système qui incorpore des variables appelées proximales, qui ont une influence directe sur la mortalité de l’enfant, interagissent et sont elles même influencés par des déterminants sociaux, économiques et politiques ; et non comme le seul effet de l’aggravation d’une maladie. Le point crucial du modèle consiste alors dans l’identification et la définition de ces variables proximales réparties selon ces auteurs en cinq catégories :

1. Facteurs liés à la fécondité de la mère (Age, intervalle de naissances, etc.).

2. Contamination de l’environnement de l’enfant par des agents infectieux (contamination de l’air, des doigts, de la peau, de l’eau, du sol, piqûres d’insectes, etc.).

3. Déficiences nutritionnelles (consommation de calories, protéines, vitamines, minéraux, etc.)

4. Blessures (accidentelles ou fortuites, volontaires ou intentionnelles).

5. Variables de contrôle sur les maladies personnelles (mesures préventives personnelles : immunisation, soin prénatal ; traitements curatifs)

La figure 1.4 ci-dessous montre les interactions entre ces cinq groupes sur la dynamique de la santé d’une population.

Chapitre 1 : Santé, éducation : deux facteurs au cœurs du processus

Figure 1.4 : Diagramme de flux des déterminants socioéconomiques

Source : Mosley et Chen, 1984

Les quatre premiers facteurs sont responsables du passage d’un bon état de santé à un état de morbidité. En ce qui concerne la catégorie « contrôle sur les maladies personnelles », les auteurs décrivent une double relation : la première à travers la réalisation des mesures de prévention personnelles et la seconde, est responsable du passage d’un état de maladie à un état de bonne santé grâce à un processus curatif efficace. Si ce processus échoue, alors se déclenche irrévocablement la maladie entraînant des retards de croissance, et conduisant, dans la pire des hypothèses à la mort de l’enfant.

Les mécanismes d’interaction des variables proximales se développent à travers des synergies réelles à double sens, comme par exemple en cas de malnutrition et d’infections. Si d’un côté, la variable intermédiaire concernant la disponibilité d’aliments dépend aussi des

Déterminants socioéconomiques et culturels

Facteurs maternels Contamination du milieu Carences alimentaires Blessures Bonne santé Morbidité Contrôle sur maladies personnelles Retard de croissance Mortalité Traitement Prévention

l’autre côté, les infections qui altèrent l’appétit en provoquant une mauvaise nutrition, affaiblissant l’organisme et amorce un cercle vicieux pathologique.

Si le modèle a l’incontestable mérite de définir des facteurs qui déterminent des rapports causals, et d’identifier les mécanismes d’interaction entre les facteurs conduisant à la mortalité de l’enfant, il tend néanmoins à surestimer la mortalité infantile en omettant l’analyse de la mortalité néonatale et post néonatale. En outre, certaines relations et mécanismes d’actions de certaines variables proximales qui interagissent avec les différentes variables socioéconomiques, comme par exemple les facteurs de contrôle sur les maladies personnelles et l’appétit, le métabolisme et l’absorption des aliments, sont encore inexplorés et restent encore largement inexpliquées. Cette représentation permet, cependant, d’introduire une distinction explicite entre morbidité et mortalité et de désigner la place exacte de l’analyse économique dans l’étude de la demande de santé.

Enfin, l’application de cette approche, parce qu’elle est relativement complexe et parce qu’elle comprend un ensemble de facteurs assez larges (sociales et médicales), nous parait difficilement appréhendable et nécessite la collecte de bases de données spécifiques, qui comprennent les variables qui rendent comptent de l’ensemble des facteurs mis en jeu par cette conception et dont certaines sont d’ailleurs difficiles à mesurer. Les auteurs eux même admettent qu’il n’est pas possible d’adapter leur approche à un modèle aisément quantifiable. Une approche plus transparente et plus simplificatrice est donc nécessaire même si le cadre théorique de Mosley et Chen (1984) demeure pertinent quant à la suggestion des variables de contrôle.

Dans le document Capital humain au Bangladesh (Page 41-45)