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CHAPITRE 2 : CADRE THÉORIQUE

2.1 L’enseignement-apprentissage de l’accord dans le GN

2.1.15 L’apprentissage de l’accord dans le GN

La construction de connaissances grammaticales comme l’identification des classes de mots ou encore de la fonction des mots dans une phrase est un long processus pour l’élève qui doit reconstruire par lui-même chacune des notions rencontrées (Fisher & Nadeau, 2003). Ces connaissances sont toutefois importantes dans l’apprentissage des accords dans le GN. Si, traditionnellement, l’enseignement de la grammaire se fait par une démarche déductive durant laquelle l’enseignant explique la règle à l’élève et ce dernier fait ensuite des exercices pour appliquer la règle, Fisher & Nadeau (2003) sont plutôt d’avis que la grammaire actuelle, avec ses manipulations précises qui permettent de comprendre la mécanique de base de la langue, est fortement propice à l’apprentissage par approche inductive. Alors qu’une approche déductive part de l’explication de la règle vers des exemples de la règle mise en application, une approche inductive fait plutôt le contraire, en exposant d’abord les élèves à des exemples pour qu’ensuite ils découvrent la règle (Vincent & Lefrançois, 2013). Une approche inductive demande un engagement actif de l’élève dans la construction de ses apprentissages afin de maitriser une nouvelle notion de grammaire (Fisher & Nadeau, 2003). Cette approche peut se traduire par diverses méthodes d’enseignement. La démarche active de découverte est l’une d’entre elles. Elle vise la construction du savoir par l’élève et se déroule en un certain nombre d’étapes : prise de conscience d’une difficulté, observation et manipulation d’un corpus, émission d’une hypothèse, vérification de la généralisation de celle-ci, exercisation et réinvestissement dans d’autres contextes (Vincent & Lefrançois, 2013). De plus, l’approche inductive est propice à la collaboration entre élèves et il est intéressant, dans ce contexte, d’étudier les interactions qui ont lieu entre élèves en contexte d’apprentissage d’une notion.

L’erreur principalement faite par les élèves dans le GN est l’omission d’une marque de pluriel lorsque celle-ci est requise. En effet, à de rares exceptions près, on ne retrouve pas de marque fautive dans un GN singulier (Nadeau & Fisher, 2010). La recherche menée par Nadeau & Fisher (2009) s’est intéressée à la manière dont les élèves de sixième année du primaire font l’apprentissage des accords dans le GN. Dans cette recherche, Nadeau & Fisher (2009) demandaient à 42 élèves de sixième année d’écrire deux textes en dictée traditionnelle, d’identifier les GN et la classes des

mots en faisant partie et de faire les accords lorsque nécessaire. Cette recherche a montré que « l’habileté des élèves à analyser correctement la structure d’un GN joue un rôle très positif dans la réussite des accords même si un certain nombre d’accords peuvent être réussis sans une bonne analyse » (Nadeau & Fisher, 2009, p. 68). Ainsi, les connaissances grammaticales des élèves concernant les classes de mots sont de très bons indicateurs de la capacité d’analyse des élèves et de leur habileté à faire les accords nécessaires dans le GN. Il ressort de cette recherche une grande disparité entre les résultats des élèves. Certains sont en mesure d’identifier les GN correctement et de faire les accords qui s’y rattachent, alors que d’autres font de nombreuses erreurs. Dans le premier texte proposé aux élèves, qui comprenait des GN simples (déterminant + nom), l’accord dans le GN est réussi à 91% lorsque les élèves identifient correctement le GN, alors que l’accord est seulement réussi à 59% lorsque le GN est mal identifié ou non identifié par les élèves. Pour ce qui est du deuxième texte, qui proposait des GN avec des expansions, l’accord est réussi à 88% lorsque le GN est bien identifié par les élèves, alors qu’il est réussi à 63% lorsque le GN n’est pas identifié correctement par ces derniers. Ces résultats rendent compte de l’importance pour les élèves de reconnaitre les GN pour faire correctement les accords qu’ils commandent. Le tableau 9 présente ces résultats issus de la recherche de Nadeau & Fisher (2009).

TABLEAU 9.

Pourcentage d'accords réussis dans le GN selon l'identification des GN % d’accords pluriels réussis

Parmi les élèves qui ont bien identifié

un GN Parmi les élèves qui ont mal identifié ou non identifié un GN Texte 1 GN simples : Dét. + N Texte 2 GN avec expansions Texte 1 GN simples : Dét. + N Texte 2 GN avec expansions Moyenne 91% 88% 59% 63% Écart-type 7.9 8.7 25.6 19.7

Source : Nadeau & Fisher, 2011, p. 13

La recherche de Nadeau & Fisher (2009) met aussi de l’avant une plus grande hétérogénéité dans les résultats du côté des GN mal identifiés par les élèves : leur réussite varie entre 0% et 86%

alors que la réussite des accords dans les GN bien identifiés varie entre 76% et 100%. Cette hétérogénéité dans les résultats montre que certains élèves maitrisent très bien la règle d’accord dans le GN, alors que d’autres ont beaucoup de difficulté. Cette recherche met aussi en parallèle que pour certains GN, une bonne identification n’est pas nécessaire pour la réussite de l’accord. Par exemple, les GN comme deux heures ou six jours sont presque aussi bien réussis lorsqu’ils sont analysés correctement (86% à 100%) que lorsqu’ils ne le sont pas (80% à 86%), la raison étant que l’idée de pluralité est représentée par le déterminant numéral et les élèves peuvent donc utiliser leurs connaissances implicites pour réussir l’accord (Nadeau & Fisher, 2011). Toutefois, pour d’autres GN, le fait de savoir les analyser fait toute la différence. Ainsi, pour le GN quelques minutes, qui est formé avec un déterminant peu fréquent au primaire, le taux de réussite est de 77% pour les élèves ayant bien analysé le GN, alors qu’il passe à 28,5% pour les élèves qui ne l’ont pas bien identifié. La différence entre les bons accords faits par les élèves qui sont capables d’identifier les GN et ceux qui ne le sont pas est donc fortement significative (Nadeau & Fisher, 2009). Dans le même sens, une bonne réponse comme un accord bien fait n’est pas toujours le résultat d’un raisonnement juste et le seul moyen de connaitre le raisonnement des élèves est de les faire parler (Fisher & Nadeau, 2003). C’est pourquoi Fisher & Nadeau (2003) croient que « l’enseignement de la grammaire doit donner aux élèves l’occasion de verbaliser leurs représentations, d’en prendre conscience et de les faire évoluer » (Fisher & Nadeau, 2003, p. 55). Ainsi, ces chercheures montrent que « des interventions qui développent la compétence des élèves à analyser consciemment les phrases qu’ils écrivent (donc des connaissances explicites en grammaire) semblent une formule plus sûre que la voie des apprentissages implicites pour leur permettre de maitriser les accords du français écrit » (Nadeau & Fisher, 2011, p. 14).

Dans le cadre de la recherche de Nadeau & Fisher (2009), les élèves corrigeaient individuellement leurs dictées. L’hétérogénéité des résultats des élèves dans ce contexte nous pousse à nous demander ce qui se produirait si des élèves de niveaux différents (certains doués et d’autres avec de la difficulté) devaient collaborer pour identifier les GN et faire les accords qui s’y rattachent. Ce questionnement nous amène à un autre concept important dans notre recherche, soit l’interaction en contexte d’apprentissage.