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Le matériel d’étude : les macro-restes végétaux

1.2 L’anthracologie et la xylologie

1.2.1 Définition et historique

Le bois est le xylème secondaire, un tissu ligneux qui assure la conduction de la sève brute chez les plantes ligneuses, Gymnospermes (conifères) et Angiospermes di-cotylédones. On peut rencontrer des tissus ligneux chez les monocotylédones*, dont l’exemple typique est le palmier. Ces essences font partie de l’étude des « bois » au sens large pour les archéobotanistes, bien qu’il s’agisse dans ce cas de xylème primaire et non de bois au sens botanique du terme.

L’étude du bois archéologique regroupe plusieurs disciplines, dont l’anthracolo-gie et la xylolol’anthracolo-gie, qui se définissent chacune par des objets, des méthodolol’anthracolo-gies et des problématiques différentes élaborées au cours du XXe siècle. Alors que la xy-lologie désigne l’étude des éléments de bois trouvés sous forme imbibée, desséchée, minéralisée ou congelée, l’anthracologie s’intéresse plus spécifiquement aux restes de bois carbonisés. De par ces différents modes de conservation, les outils permettant l’identification taxonomique diffèrent. La xylologie nécessite l’utilisation d’un micro-scope optique à transmission, permettant le passage de la lumière. Cet outil fait partie des plus anciens modèles de microscopes et a permis les premières identifications de bois effectuées au XIXe siècle (Chabal 1997). À partir des années 1960, l’utilisation du microscope optique à réflexion se généralise et permet l’essor de l’anthracologie. Cette nouvelle technique d’observation mise au point par C. Western (Western 1963) permet d’observer le fragment de charbon de bois par simple fracture manuelle se-lon trois plans anatomiques. Les premières applications portant sur des charbons de bois en contexte archéologique sont menées dans le sud de la France et au Moyen-Orient dans la première moitié des années 1970 (Vernet 1973; Western 1971; Willcox 1974). Face aux deux disciplines prépondérantes et aux problématiques associées que sont d’une part, la carpologie et les débuts de l’agriculture, et d’autre part, la

paly-23. Les recherches archéobotaniques en cours à Tayma (par R. Neef), un site au nord de Madâ’in Sâlih, vont fournir des données intéressantes pour le 1ermillénaire av. J.-C. D’autre part, la prochaine analyse carpologique du site de Kilwa (par L. Herveux), un monastère byzantin au sud de la frontière jordano-saoudienne, fournira également des données de comparaison enrichissantes.

1.2. L’anthracologie et la xylologie

nologie et l’évolution paléoenvironnementale et paléoclimatique, l’anthracologie doit trouver sa place (Pessin 2004). Les nombreux travaux méthodologiques et théoriques menés en Europe dans les années 1980 et 1990 marquent l’essor de la discipline (Ba-dal Garcia 1992; Chabal 1992, 1994, 1997) tant dans sa dimension ethnobotanique que paléo-environnementale. Actuellement, la xylologie et l’anthracologie sont toutes deux considérées comme des disciplines à part entière s’intéressant à « l’histoire de l’environnement végétal et de son exploitation par l’homme ainsi que celle des usages des bois » (Pernaud et al. 2002). Alors que la carbonisation des bois résulte la plupart du temps de leur utilisation comme combustible24, les bois étudiés par la xylologie correspondent généralement à des bois travaillés, souvent mieux conservés, permet-tant d’aborder également des questions d’ordre technique (par exemple la reconnais-sance de modes de débitage).

1.2.2 État de la recherche aux périodes antique et islamique

Les études portant sur les bois conservés sur les sites archéologiques sont rares pour le sud du Proche-Orient (Figure 13 et Tableau 2). Six sites ont fait l’objet d’une analyse des bois carbonisés : Bosra, Sia (Willcox 1999), Pella (Willcox 1992a), Pétra (Martinoli 1997), Deir‘Ain‘Abata (Politis 1989), Khirbet Faynan (Engel 1993; Hunt et al. 2007) ; huit sites présentent une étude de bois desséchés dans le sud jordanien et surtout en Israël, : Khirbet Faynan (Findlater 1998), Pétra (Warnock 2001), Nessana (Colt et al. 1962), Beer-Sheba (Liphschitz et Waisel 1973), En Boqeq (Liphschitz et Waisel 1993), Masada (Liphschitz et al. 1981), Horvat Karkur ’Illit (Liphschitz 2004), Tel Michal (Liphschitz et Waisel 1989)25.

Malgré leur faible nombre, les deux principales problématiques de recherche liées à l’analyse des bois archéologiques sont abordées : l’histoire des paysages et l’exploita-tion des ressources ligneuses. Les analyses de bois carbonisés, souvent couplées aux analyses carpologiques, suivent principalement le premier objectif, celui d’obtenir une reconstitution paléoenvironnementale sur de longues séquences stratigraphiques. C’est par exemple le cas des études en Syrie du Sud (Willcox 1999) et à Pella (Willcox 1992a). Cet objectif est également suivi grâce aux nombreux bois desséchés retrou-vés dans le Néguev (Liphschitz 1996). Deux études importantes suivent un raisonne-ment paléoethnobotanique. Il s’agit d’une part des recherches menées sur les combus-tibles ligneux utilisés pour la fonte des minerais de cuivre depuis l’âge du Fer jusqu’à l’époque mamelouke (Engel 1993; Hunt et al. 2007) et d’autre part de l’étude des bois

24. Il existe bien sûr des bois d’œuvre conservés par carbonisation suite à un incendie.

25. Les chercheurs israéliens étudiant les bois desséchés préfèrent utiliser le terme anglais « dendro-logy » pour désigner leur discipline, qui suit les mêmes objectifs que la « xylologie » francophone. La dendrologie est en français une notion plus générique que la xylologie, concernant l’étude scientifique des arbres : identification botanique, taxonomie, caractère autoécologique de chaque essence (Da Lage et Métailié 2000).

desséchés et en partie carbonisés du site de Masada durant l’époque romaine (Liph-schitz et al. 1981; Liph(Liph-schitz et Lev-Yadun 1989; Lev-Yadun et al. 2010). Ces données sont également mises à profit pour argumenter un discours paléo-environnemental. La période byzantine est représentée par plusieurs études ponctuelles menées sur des bois desséchés, permettant d’aborder le thème du choix des bois d’oeuvre (Colt et al. 1962; Findlater 1998; Liphschitz 2004; Liphschitz et Waisel 1993; Warnock 2001)26. Enfin quelques études se prêtent à un raisonnement paléoclimatique, que ce soit par l’vation des essences présentes, comme à Beer-Sheba (Liphschitz et Waisel 1973), obser-vation couplée à des analyses sédimentaires en contexte non-archéologique (Frumkin et al. 1991) ou par des analyses dendrochronologiques et isotopiques déjà mentionnées (voir point 3.2.1 page 40; Issar et Yakir 1997; Lev-Yadun 1987; Waisel et Liphschitz 1968).

Les lacunes scientifiques sont encore plus prégnantes qu’en carpologie. Alors que les hypothèses sur l’histoire de l’évolution du paysage aux périodes antique et isla-mique sont fréquentes (voir point 4 page 47), aucune donnée directe fiable ne vient argumenter ce discours pour les régions semi-arides et arides du sud du Proche-Orient (Neef 1997). Les seules études jusqu’alors réalisées concernent en effet les régions les plus à l’ouest, soumises à l’influence méditerranéenne (Willcox 1992a) ou sub-tropicale (Engel 1993), tandis que les régions semi-montagneuses jordaniennes et le nord-ouest de l’Arabie sont presque vides d’informations27. Le volet ethnobotanique reste égale-ment à développer au regard des nombreuses installations archéologiques existantes pour ces périodes utilisant des ressources ligneuses, comme combustible (fours do-mestiques, artisanaux, hypocaustes, etc.) ou comme matériaux de construction.

26. Nous pouvons également mentionner l’étude des bois d’œuvre du monastère de Sainte-Catherine menée dans le sud du Sinaï (Liphschitz et Waisel 1976).

27. La seule étude menée à ce jour est celle d’Ez Zantur à Pétra. Il s’agit d’un travail universitaire non publié (Martinoli 1997), repris dans notre étude.

Chapitre 2

Les méthodes : du terrain au