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L’ANRU : une opportunité pour le territoire

B. L’ANRU, une source de financement pour monter des projets

1. L’ANRU : une opportunité pour le territoire

Sur le territoire réunionnais, les opérations ANRU se présentent comme une opportunité de financement afin de porter des projets d’aménagement urbain qui n’avaient pas pu être menés jusqu’alors dans les quartiers politique de la ville. En outre, ces projets impliquent une action sur le patrimoine des bailleurs sociaux. À La Réunion, les collectivités disposent de peu de potentiel fiscal en raison du taux de pauvreté sur le territoire, et les bailleurs possèdent très peu de fonds propres. L’ANRU permet alors de financer des projets immobiliers et d’aménagement.

a. Une opportunité de financement

Le territoire réunionnais dispose de peu de potentiel fiscal : 40 % de la population vit en dessous du seuil de pauvreté français en 2014, et ce chiffre est de 50 % dans les zones urbanisées de l’Île (Insee, 2020). Les collectivités locales sont alors peu dotées et peuvent plus difficilement investir dans des projets d’aménagement sur leurs territoires.

« Il n’y a pas de potentiel fiscal : ça s’est arrangé mais y a pas de potentiel fiscal. Parce que la population est pauvre, de par un manque d’emploi, on a 38 % de taux de chômage. Elle n’est pas propriétaire, donc elle ne paye pas forcément de taxe foncière, et elle ne paye pas d’impôt sur le

revenu. On est dans une situation d’extrême pauvreté par rapport à des collectivités hexagonales. La difficulté c‘est qu’on a plus de besoins sociaux, avec un potentiel fiscal qui est bien moindre ». «n.e député.e de La Réunion.

Ainsi, l’ANRU est une source de financement intéressante pour les acteurs locaux : PRUNEL mobilise 145 millions d’euros. Ces financements sont déployés à 15 % par l’ANRU, soit un peu plus de 20 millions d’euros. L’État subventionne, via la LBU, 14 millions d’euros sur le projet. La plus grosse part est assurée par les bailleurs sociaux, qui financent 42 % du projet soit 58 millions d’euros, qui s’apparentent à des financements d’investissement pour les bailleurs. Ces fonds sont en majeure partie financés par des prêts attribués par la Caisse des Dépôts. La ville subventionne quant à elle 11 % du projet, soit 15 millions d’euros (ANRU, Mairie de Saint-Denis, 2019b).

Selon un.e cadre d’un bailleur social Réunionnais, l’ANRU se présente comme une « logique d’opportunité : il y a du fric, on y va ». Le terme d’opportunité, utilisé ici, a été rencontré dans de nombreux discours d’enquêtés vis-à-vis de PRUNEL. Cela rend compte de la capacité des acteurs réunionnais à se saisir des financements pour leur territoire, dans un contexte de ressources limitées. Nous remarquons alors que les politiques d’aménagement à La Réunion se font plutôt par « opportunités financières » que dans le cadre de stratégies globales d’aménagement du territoire ou de gestion raisonnée du patrimoine.

« Ils viennent parce qu’ils savent que c’est une opportunité. C’est une manne financière, un levier potentiel de mobilisation de financement qui n’existe nulle part ailleurs » - Entretien avec un.e technicien.ne de la Mairie de Saint-Denis.

Les financements de l’ANRU représentent une opportunité importante pour le territoire réunionnais. Cependant, il est nécessaire d’établir un projet cohérent qui soit conforme à la réglementation de l’Agence. Ainsi, les acteurs locaux s’inscrivent dans une logique de coopération afin de construire et mettre en œuvre des projets qui leur permettent de bénéficier des financements de l’ANRU.

b. Une opportunité d’amélioration du bâti et de projet urbain

Le logement social est au cœur des projets de rénovation urbaine. Sur le cas de PRUNEL, dont le périmètre comporte 70 % de logements sociaux, de nombreuses interventions sur le patrimoine - réhabilitations, résidentialisations et démolitions - sont prévues. Les projets de l’ANRU sont alors l’occasion pour les bailleurs sociaux d’investir dans l’amélioration et la valorisation de leur patrimoine. Celles-ci visent à renforcer l’attractivité des territoires du projet dans le but de favoriser la mixité sociale. Ainsi, les bailleurs sociaux sont les premiers financeurs des projets ANRU, à plus de 40 % des opérations totales (ANRU, Mairie de Saint-Denis, 2019b). Si le logement social est au cœur des projets de rénovation urbaine, c’est également un moyen pour la commune de proposer un projet urbain d’envergure :

« C’est pour ça que j’évite de parler de rénovation… L’ANRU est utilisé en premier lieu pour faire de l’aménagement urbain, qui n’a pas pu être fait avant [...] » - Entretien avec un.e collaborateur. rice parlementaire d’un.e Député.e réunionnais.e

« S’il n’y avait pas l’ANRU, on ne pourrait jamais faire des rénovations urbaines », - Entretien avec un.e membre de la CINOR

Comme nous le montrent ces extraits d’entretien, les financements de l’ANRU sont présentés par certains enquêtés comme une opportunité pour monter des projets urbains. Ces financements permettent à la fois d’améliorer le bâti existant, mais aussi de renforcer l’accès aux services publics dans des quartiers défavorisés.

Cet objectif est parallèle à celui de création et d’amélioration d’espaces publics ombragés, pouvant favoriser l’utilisation de l’espace et les mobilités douces. La création d’équipements publics est également préconisée dans la convention du projet, ainsi que la diversification des activités à travers le développement des offres commerciales et tertiaires. L’amélioration de l’accès aux équipements publics fait également partie des prérogatives de l’ANRU : sur PRUNEL, cela concerne notamment deux écoles, Bouvet et Vauban, et une piscine située dans le quartier du Butor, dont l’amélioration vise à rendre le quartier plus attractif.

De plus, l’ANRU permet de repenser la morphologie urbaine des quartiers : le quartier Vauban par exemple, faisant partie de PRUNEL, propose des habitations de grands ensembles à côté

Un des immeubles du quartier du Butor concerné par une démolition (Sources personnelles, 2020).

PRUNEL prévoit la démolition de ces habitations pour les remplacer par des immeubles de bureaux, considérés comme moins sensibles à ces nuisances sonores. La convention du projet souligne l’importance des enjeux sanitaires dans la mise en œuvre du projet.

Un exemple de discontinuités souligné sur le projet de Camélias porte sur le partage des infrastructures urbaines : une rue située au pied d’un immeuble de logement social appartenait au bailleur, tandis que l’éclairage public appartenait à la ville. Cela entraînait des conflits notamment en termes d’entretien. Le projet ANRU des Camélias a permis à la ville de racheter les voies qui appartenaient aux bailleurs, rendant la gestion de ces espaces plus cohérente en termes d’aménagement et recentrant l’action des bailleurs sur les logements.

Enfin, les projets ANRU visent à repenser les territoires à travers la mixité : depuis 2003, l’objectif principal des projets ANRU est d’attirer une population moins défavorisée dans des quartiers concentrant de très forts taux de pauvreté. Ainsi, ils permettent de rééquilibrer la population dans un souci de mixité dans certains quartiers. Cependant, comme nous le verrons, les problématiques auxquelles l’ANRU cherche à répondre ne sont pas nécessairement présentes sur le territoire réunionnais, notamment celle de la mixité sociale.

Ces différentes actions visent à changer l’image des quartiers et à renforcer leur attractivité, ce qui justifie la part d’investissement de la ville au sein du projet : en attirant une population plus aisée au sein des quartiers prioritaires, la commune peut ainsi mobiliser un nouveau potentiel fiscal.

Ainsi, l’ANRU se présente comme un levier de financement pour les bailleurs sociaux et pour la commune, permettant d’améliorer le bâti et de monter des projets urbains. Ce mode projet incite les acteurs à se mobiliser afin de bénéficier de ces financements. Ainsi, les différents acteurs doivent alors se concerter et s’entendre autour d’un projet commun en élaborant une gouvernance horizontale, ce qui n’avait pas toujours été le cas sur le territoire. Les acteurs locaux et notamment les habitants apparaissent comme des ressources locales pour conduire les projets (Pinson, 2005).