• Aucun résultat trouvé

Une faible articulation entre les politiques sectorielles révélatrice d’une

C. Un manque de stratégie territoriale en dehors du cadre de financement imposé par

1. Une faible articulation entre les politiques sectorielles révélatrice d’une

Les projets de rénovation urbaine dépassent la seule question de l’habitat, ils supposent un ensemble d’autres stratégies coordonnées. L’interaction entre la politique du logement social et le volet social de la politique de la ville ou encore les politiques de transports, mais aussi l’interaction entre les acteurs conduisant ces politiques : collectivités territoriales, bailleurs sociaux... est généralement un gage de réussite. Dans notre cas d’étude, les acteurs locaux peinent à faire converger leurs actions et leurs projets. Au cours des entretiens effectués, les différents acteurs locaux mettent en avant un manque de « stratégie globale », c’est à dire des actions de long terme considérant un diagnostic territorial bien établi et nécessitant un travail coordonné. Ce constat questionne l’autonomie du territoire vis-à-vis de l’État et de ses instruments de financements.

a. Un manque de stratégie transversale pour le territoire

Dans un article intitulé « Pas d’action publique autonome sans instruments propres », Charlotte Halpern et Patrick Le Galès (2011) mettent en exergue les effets des politiques environnementales et urbaines à l’échelle de l’Union Européenne. Ils montrent plus particulièrement que les outils déployés par l’Union Européenne ne constituent pas des « nouveaux instruments » car ils s’appuient sur une combinaison de dispositifs classiques des États membres. De ce procédé résulte une faible capacité de pilotage de ces politiques par les institutions européennes. Ainsi, en définissant l’instrumentation comme « l’ensemble des problèmes posés par le choix et l’usage des outils (des techniques, des moyens d’opérer, des dispositifs) qui permettent de matérialiser et mettre en œuvre l’action gouvernementale », les deux auteurs concluent que « l’absence de capacité autonome d’instrumentation constitue pour le moins un facteur qui rend moins probable le développement des politiques ».

À La Réunion, plusieurs entretiens mettent en avant l’absence d’une stratégie de développement à long-terme pour le territoire. Nous avons constaté dans les précédentes parties que les acteurs réunionnais sont très mobilisés pour capter les financements de l’État, dans une logique redistributive. En se concentrant sur la captation de ces dispositifs hétéronomes, les acteurs réunionnais mobiliseraient moins leurs propres ressources, au détriment d’une stratégie cohérente et intégrée.

« On [les bailleurs sociaux] est un outil au service d’une politique. Et donc la question c’est : quelle politique ? Sur l’île, où est ce qu’il est prévu de construire des logements ? Est ce qu’il y a une politique globale ? [...] Comment on construit la ville ? Avec des équipements publics, des transports en commun, quels transports ? [...] on a des candidats qui disent ‘il faut une vision pour la ville’. Ah bah oui ça serait bien ! Et quand on nous dit ‘vous ne construisez pas assez’ ou ‘qu’est-ce que vous pensez de PRUNEL ?’, je dis ‘mais c’est quoi le projet politique ? Le projet urbain ?’ » - Entretien avec un. e membre de la direction de la SIDR

Le.a membre de la direction de la SIDR fait ici le constat d’un manque de réflexion, à long terme, des politiques et des projets sur le territoire, mais également de la faible coordination entre les différentes politiques. En outre, le discours du.de la directeur.ice général.e de la SIDR révèle un agacement, une tension entre les collectivités territoriales et le bailleur social qui éprouve des

difficultés à comprendre les logiques inhérentes aux programmes dans lesquels il s’inscrit. Il existe également une tension entre les collectivités territoriales, mais également au sein même de leurs services. Un.e chargé.e de mission à la mairie de Saint-Denis fait notamment part de nombreux obstacles quant à la mise en place des actions portées par son service « Dynamiques des territoires ». En effet, travaillant sur des questions transversales, le travail de son équipe nécessite une validation politique des projets de la part de plusieurs élus. Cependant, « il n’y a jamais eu de schéma de gouvernance bien établi qui sécurise les équipes » comme le souligne le.a chargé.e de mission.

b. Un difficile aboutissement des politiques de transport

Au niveau des politiques de transports et de déplacement, la multiplication des projets portés par des administrations différentes, qui n’aboutissent pas systématiquement, montre également l’absence de stratégie concertée. C’est le cas par exemple, du projet de tramway TAO, dont une partie du secteur de PRUNEL est concerné.

Au sein du secteur PRUNEL, le bas de la rue Maréchal Leclerc, desservi par le réseau de bus TCSP, est marqué par de forts enjeux de congestion routière. En outre, près de la moitié des riverains ne dispose pas de véhicules personnels (CINOR, 2013). La reconfiguration de la voirie, ainsi que la constitution d’une offre de transport en commun satisfaisante, constituent deux objectifs majeurs pour le développement de ce quartier. Projet dévoilé en septembre 2019, à l’approche des élections de 2020, le TAO (Tramway Aéroport Entrée Ouest), porté par l’intercommunalité de la CINOR, doit relier l’Aéroport à l’Hôtel de Ville, en vingt-cinq minutes. Un des tronçons prévus dans le tracé du tramway concerne la rue Maréchal Leclerc. Si ce projet répond aux enjeux de transports, les acteurs locaux ne s’accordent pas tous quant à sa faisabilité. D’une part, au niveau technique, d’autre part, en termes de temporalité, comme le souligne un.e chargé.e de mission à la mairie de Saint-Denis :

« On avait deux grands projets qui devaient avancer et à un moment donné, on ne pouvait pas attendre, l’un ne pouvait pas attendre l’autre, et l’autre ne pouvait pas se mettre en comptabilité, même en conformité avec l’autre, il a fallu faire des choix et le choix de la Ville de Saint Denis était de faire avancer le PRU en attendant qu’il y ait un projet qui soit plus partagé et qui ait plus de maturité sur cette partie du centre-ville ».- Entretien avec un.e chargé.e de mission à la mairie de Saint-Denis

En effet, en s’engageant auprès de l’ANRU, les porteurs de projets doivent respecter les délais attendus par l’agence. Nous pouvons voir qu’en concentrant leurs efforts sur l’utilisation des outils et des projets centralisés, les acteurs réunionnais n’apparaissent pas en capacité de s’investir dans un projet territorial. En outre, un autre projet de tramway est en cours : le Run- Rail, porté par la Région, dont le tracé est le même que TAO entre la station « Technor » (au niveau de la ZAC Triangle) jusqu’au pôle d’échange multimodal de Duparc. La concordance d’action, entre PRUNEL, le projet de l’intercommunalité et celui de la région est alors nécessaire, mais est loin d’être évident.

« Cela demande de l’anticipation, chose pour laquelle on n’est pas toujours très bons » admet le.a chargé.e de mission

L’exemple des politiques de transports est révélateur d’un manque relatif d’autonomie pour le territoire réunionnais.

Une interprétation possible des difficultés de mise en œuvre de ces politiques à La Réunion serait alors que le recours aux instruments centralisés place les acteurs réunionnais en situation d’hétéronomie. En concentrant leurs efforts sur l’utilisation de ces outils, ils ne disposent pas de moyens pour s’organiser en dehors de ce cadre.

« On a des élus locaux qui vont pas être enclin à utiliser des leviers qui existent, notamment l’EPFR ou des outils d’aménagement du territoire pour pouvoir développer le territoire et les logements. [...] Aujourd’hui, les projets sont uniquement sur des opportunités foncières, comme par exemple l’achat en VEFA, ou encore les opérations financées par l’ANRU. On est de moins en moins sur un territoire aménagé par les collectivités» - Entretien avec un.e délégué.e de l’ARMOS, association inter-bailleurs.

En outre, la décentralisation à La Réunion, ne s’est pas accompagnée d’une « territorialisation » complète. En particulier, les intercommunalités restent faiblement dotées, ce qui constitue un frein quant à la mise en œuvre cohérente des différentes politiques sectorielles dont celle du logement social.

2. Une coordination difficile révélatrice d’un jeu d’acteurs complexe à l’échelle