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4. Discussion

4.2. Prescription d’antibiothérapie

4.2.1 L’analyse univariée

En analyse univariée, les facteurs influençant le fait de recevoir une antibiothérapie à l’entrée du service de post urgences sont

- le délai d’hospitalisation dans le service augmenté, p=0,0083 - le fait d’avoir été hospitalisé en réanimation avant p<0,0001

- le fait d’avoir reçu des antibiotiques avant l’entrée dans le service, p<0,0001 - la présence d’une fièvre, p<0,0001

- la présence de troubles hémodynamiques, p<0,0001

- la présence d’une fréquence respiratoire > 60 mvts par min, p=0,015 - la présence d’une saturation <94%, p= 0,003

Critères démographiques et de l’anamnèse :

La prescription d’antibiothérapie n’est pas influencée par le sexe des enfants. Il y a plus de garçons hospitalisés ce qui correspond au tropisme de la maladie, cependant il n’a pas été démontré que ces derniers sont plus à risque d’infection grave.

Ni l’âge ni l’existence de vaccins à jour n’apparaissent comme un facteur décisionnel de prescription. Nous aurions pu penser que l’absence de vaccination augmente la prescription d’antibiothérapie, du fait de l’absence de protection contre le pneumocoque.

Pour l’âge, la donnée est plus surprenante, car dans la littérature, il est mis en avant comme une donnée qui influence la prise en charge plus invasive. (53). Il est possible que le fait d’être systématiquement hospitalisé en dessous de 6 semaines réduise le taux de prescription car l’enfant bénéficie d’une surveillance accrue. Par contre, chez les nourrissons de moins de deux mois avec de la fièvre, la conduite à tenir est plus hiérarchisée et systématisée (42). En dessous d’un mois, le risque d’infection materno-fœtale existe. C’est pourquoi nous trouvons notable que l’âge n’apparaisse pas comme facteur de risque. Une autre hypothèse avancée est que la présence de signes cliniques typiques permet d’identifier une cause virale à la fièvre. Cela permet probablement

55 de limiter les prescriptions d’antibiothérapies probabilistes dans le cadre de suspicion d’infection materno-fœtale.

D’autres facteurs influencent la prescription en analyse univariée :

- le délai d’hospitalisation dans le service augmenté, p=0,0083 et le fait d’avoir été hospitalisé en réanimation avant d’être hospitalisé dans le service de post urgences, p<0,0001.

Ces facteurs apparaissent nettement en univarié et des biais de confusion existent. Le fait d’aller en réanimation, ou bien d’être hospitalisé plus tardivement peut être le reflet d’une nécessité de soutien ventilatoire. Il est intéressant de voir que ce critère disparait en analyse multivariée, une fois pondéré sur les critères de gravité clinique hémodynamique.

Etre hospitalisé en réanimation ou suivi en soins continu implique une bronchiolite plus sévère d’emblée. Il est probable que le fait d’avoir une surveillance en continu peut réduire la prescription d’antibiothérapie car l’adaptation des prescriptions est plus rapide. En cela notre étude diffère de la littérature où le taux de prescription a l’air plus important en réanimation. (55)

Le fait de séjourner en unité de soins continus ou en réanimation est plus fréquemment associé à une prescription accrue d’antibiotiques dans la littérature. (51)

Cette donnée semble avoir une logique clinique puisque l’arrivée en réanimation est source de bronchiolite plus grave d’emblée. En cas de surinfection, une pneumopathie est possible. Dans notre étude, les nourrissons ont moins de 6 mois, le risque de pneumopathie plus grave est plus important. (64) (65,66)

- le fait d’avoir reçu des antibiotiques avant l’entrée dans le service, p<0,0001

Il est très intéressant de voir que l’avis d’un premier évaluateur influence les prescripteurs. Nous pouvons supposer que les médecins du service de post-urgences ont des réticences à arrêter une antibiothérapie initiée par un confrère. Plusieurs raisons sont imaginables : il peut exister une peur de méconnaître des signes de surinfection qui aurait pu être constaté initialement, ou une peur de modifier une prescription vis-à-vis des familles. Cela semble être un facteur d’ajustement primordial qui pourrait pourtant permettre de limiter la prescription d’antibiotiques.

Il est intéressant de voir que les prescripteurs s’appuient sur des critères cliniques en plus de l’anamnèse.

56 Critères cliniques

La fièvre est un des facteurs qui majorent la prescription d’antibiotiques (p inf. 0.0001). Dans le consensus de 2000, la présence de fièvre est un des éléments qui amènent à discuter la prescription d’antibiotiques. Nous nous attendions à trouver une prescription significativement plus importante d’antibiotiques lorsqu’il y avait de la fièvre. Notre évaluation des pratiques confirme qu’il s’agit d’un critère décisionnel majeur.

Cette analyse est nuancée par la difficulté à connaître la durée de la fièvre dans ce recueil. En effet la bronchiolite s’accompagne fréquemment de fièvre. Ce seul critère ne peut donc pas être décisif dans la prescription.

Dans les critères HAS,(1) il est préconisé de démarrer une antibiothérapie lorsque la fièvre dure plus de 48 heures. En pratique clinique, aux urgences, c’est un critère difficile à établir à l’interrogatoire. Il existe des biais d’information et de mémorisation de cette donnée. Certains parents ne mesurent pas la température mais soutiennent l’existence d’une fièvre, d’autres ne la mesurent qu’une fois, d’autres enfants arrivent à la première constatation objective de fièvre. L’enfant a pu avoir de la fièvre avant sans manifestation évidente reconnue par le parent.

Nous avons donc choisi d’étudier la fièvre sans préciser la durée. Nous pensions initialement qu’il pouvait exister une réduction de la significativité de ce critère dû à ce choix mais en réalité il apparaît très significatif. Le fait d’avoir de la fièvre apparaît comme un critère majeur de choix de prescription d’antibiotiques.

Les critères de gravité clinique comme la présence de troubles hémodynamiques, p<0,0001, la présence d’une fréquence respiratoire > 60 mvts par min, p=0,015, la présence d’une saturation <94%, p= 0,003 augmentent significativement le nombre de prescriptions d’une antibiothérapie en étude univariée.

En comparaison dans les recommandations (1,22,39) ces facteurs de gravité clinique n’apparaissent pas comme des facteurs décisifs de la prescription d’antibiotiques. Ces critères de gravité clinique sont communs entre une bronchiolite grave et une pneumopathie hypoxémiante. Ce ne sont pas des éléments qui permettent de faire la différence entre ces deux pathologies, et à fortiori avec une infection pulmonaire d’origine bactérienne.

57 Les recommandations françaises sont faites pour les enfants de 0 à 2 ans,(1). Il pourrait être intéressant de réévaluer la pertinence clinique des éléments cliniques chez les moins de 6 mois. Les sécrétions bronchiques muco-purulentes ne sont pas non plus recherchées. En pratique, chez un nourrisson, à moins de faire appel au kinésithérapeute ou d’avoir à aspirer l’enfant, c’est un critère difficile à noter pendant la consultation ou l’examen en chambre. La présence de sécrétions muco purulentes chez un enfant fébrile n’est pas un critère de prescription d’antibiothérapie s’il est seul, mais de réévaluation clinique. Elle est considérée comme un marqueur possible de surinfection bactérienne (1). Cette notion n’est pas retrouvée dans les recommandations internationales plus récentes. (22,39)

Cet élément peut apparaitre comme simple car relevant de l’inspection, mais chez un nourrisson de moins de 6 mois, sa pertinence est moins évidente. En tout cas, dans notre étude, ce critère n’a été relevé qu’une seule fois sur toutes les observations pendant la période étudiée. Sans pouvoir tirer une conclusion statistique à cause du manque de données, nous pouvons dire que cet enfant n’a pas reçu d’antibiotiques.

La présence de sécrétions purulentes n’a pas été un critère décisionnel de prescription d’antibiotiques chez cet enfant.

L’absence de cette information peut s’expliquer par l’absence de surveillance de l’évolution. Nous pensons que cette donnée pourrait être recueillie pendant l’évolution, cependant nous n’avons pas observé l’enfant sur toute son hospitalisation, et n’avons pas noté s’il recevait par la suite une antibiothérapie. Il s’agit là d’une des limites de notre étude.

Nous pensons également qu’il s’agit d’un élément clinique plus difficile à identifier sans la surveillance par un kinésithérapeute pendant l’examen initial de l’enfant. A moins de 6 mois, les capacités d’expectorations sont faibles.

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Critères paracliniques

En univariée les facteurs augmentant le fait d’avoir une antibiothérapie à l’entrée dans le service de post urgences sont ;

- le fait d’avoir une CRP supérieure à 50mg/L, p<0,0001 - avoir des PNN > 10G/L p<0,0001

- avoir une hypercapnie > 6kPa, p= 0,0004

- avoir une PCR virale ou multiplex positive, p=0,0064

- avoir une anomalie radiologique type opacité alvéolaire systématisée, ou atélectasie. p<0 ,0001

La prescription d’une antibiothérapie est associée à la présence d’une CRP supérieure à 50, p<0.0001. Il n’a pas été retrouvé de seuil validant le risque de surinfection dans la bronchiolite. Toutes les valeurs de CRP ont d’ailleurs été retrouvées. (25,26). La CRP est un marqueur d’infection bactérienne lorsqu’une fièvre est présente, mais il n’y a pas eu de seuil déterminant la certitude d’une infection bactérienne. (57). Elle a une bonne valeur prédictive négative, mais sa sensibilité et sa spécificité sont uniquement de 70%. Dans la bronchiolite, il peut être noté une augmentation de la CRP. Nous n’avons pas mis en évidence de seuil dans la littérature témoignant d’une infection bactérienne, c’est pourquoi nous avons choisi un seuil qui nous paraissait pertinent en clinique. En pratique, ce marqueur est utilisé pour déterminer la possibilité d’une surinfection bactérienne. Tous les enfants atteints de bronchiolite n’ont pas eu de bilan.

Le taux de PNN apparait comme un facteur déterminant la prescription d’antibiothérapie.

Ces bilans donnent des justifications à la prescription d’une antibiothérapie comme dans les recommandations (1,22). Cependant ces recommandations mettent également en avant l’importance de ne pas réaliser de bilans systématiques. Dans la population, tous les enfants n’ont pas bénéficié d’un bilan.

La présence d’une PCR virale à VRS positive, p inférieur à 0.01, dans notre étude, augmente la prescription d’antibiotiques.

Les tests de diagnostiques moléculaires sont réalisés chez les enfants ayant été hospitalisés en réanimation pour la plupart. Il est facile d’imaginer que des biais de confusion ont pu rendre ce

59 résultat statistiquement significatif. La PCR a probablement été réalisée lorsqu’un diagnostic différentiel était évoqué devant la sévérité d’un tableau clinique. En effet sur un motif de détresse respiratoire aiguë avec une hospitalisation en réanimation, chez un nouveau né, il convient d’éliminer un diagnostic différentiel, la PCR peut alors se révéler utile.

Dans la littérature, le fait de réaliser une PCR ne diminue pas le taux de prescription d’antibiotiques. Une PCR positive montrant une association de plusieurs virus n’est pas prédictive d’une pathologie plus grave chez le moins de 3 mois. (67–69) Le fait de réaliser un examen complémentaire est finalement pourvoyeur de prescription (27,29,70). L’intérêt de la PCR est de classer les groupes de cohortes pour éviter les surinfections mais cette indication est critiquée. (71)

La radiographie thoracique est l’examen paraclinique le plus prescrit. Peu d’enfants n’ont pas eu de radiographie avant leur hospitalisation dans le service de post urgences. L’identification d’une anomalie radiographique évoquant une surinfection au prescripteur (foyer pulmonaire ou atélectasie ou trouble ventilatoire) entraine une plus grande prescription d’antibiotiques, p inférieur à 0.01.

Il nous apparait très intéressant de travailler sur ce critère, car sur le plan radiologique, la bronchiolite est fréquemment associée à des anomalies comme des atélectasies ou des condensations, sans réelle surinfection.

Les comptes rendus radiologiques, sont toujours à évaluer en fonction de la clinique et de l’interprétation du prescripteur. (24,54–56,72)

La réalisation d’une radiographie en prise en charge initiale hospitalière est sans doute l’examen paraclinique à discuter le plus. La bronchiolite s’accompagne très fréquemment de modifications et d’anomalies radiologiques. Il s’agit d’un critère qui détermine la prescription d’antibiothérapie. Nous soulignons l’importance de mettre en relation la réalisation de cet examen avec les faisceaux d’arguments témoins d’une infection.

Les recommandations demandent de limiter voire de ne pas faire d’examens complémentaires. Pourtant dans la population, très peu d’enfants n’ont pas eu de radiographie. Cet examen est associé à une augmentation du risque de prescription d’antibiotiques.(19,24) Il s’agit d’un élément majeur à discuter pour essayer de diminuer les prescriptions. (1).

Par ailleurs la majorité des enfants n’a pas de bilan biologique, ce qui est plus conforme aux recommandations et études menées. (31,57)

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