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L’analyse pragmatique de l’usage des termes vague/vage

Chapitre 3 – Construction d’une méthodologie

3.3 Trois niveaux d’analyse autour de l’usage du terme vague

3.3.3 L’analyse pragmatique de l’usage des termes vague/vage

Dans les deux premiers volets d’analyse, nous nous sommes rendue compte que certaines SLRs ont été jugées « vagues » par le Le sans que nous puissions réellement

comprendre ce jugement. Nous avons alors émis comme hypothèse que certains Le

n’utilisent pas uniquement les termes vague/vage lorsqu’ils perçoivent la SLR en question comme étant « vague ». Il semblerait que d’autres motivations entrent en jeu dans l’emploi de ce terme. Il ne s’agit cette fois-ci pas de l’intention que Le attribue à

l’AuteurR, mais de celle que nous, en tant que chercheur, supposons derrière l’emploi

des termes vague/vage de la part du Le. Afin de justifier notre hypothèse, une prise en

compte du contexte s’avère nécessaire. Cela implique de se poser la question de savoir : qui est le Locuteur évaluant ? (homme politique, journaliste, syndicaliste, etc.). Qui est jugé « vague » ? (un adversaire politique ?). À qui s’adresse le Locuteur évaluant? (type de lecteurs auxquels s’adresse le journal dont est extrait l’exemple). Ces informations ne peuvent fournir que de minces indices qui ne suffiront certainement pas à affirmer définitivement que tel ou tel Le a utilisé le terme « vague » pour… On ne peut alors

qu’émettre des hypothèses sur ses motifs. Parmi ces hypothèses sera évoquée, selon les informations contextuelles207, par exemple celle que le Le tente de disqualifier l’AuteurR

avec lequel il est en désaccord sur le propos avancé ou bien qu’il ne connaît pas ou peu le concept dont il est question, ce qui le conduit à juger que « c’est un concept vague » dans le but de garder la face, etc.

Une autre hypothèse sera également avancée, celle de la répétition d’un discours circulant. Certains jugements visant toujours la même personne (Ségolène Royal par exemple) dans le même contexte (la présidentielle 2007) soulèvent la question de la véritable valeur des termes vague/vage dans ce contexte précis et nous incitent à creuser du côté de la notion de l’interdiscours et d’un « déjà-dit » qui est peut-être tout

207 Dans la mesure où celles-ci peuvent être dégagées. Un grand nombre d’extraits ne permet pas

simplement reproduit par le Locuteur évaluant en question. On pourrait ainsi supposer que celui-ci se contente de reprendre les critiques circulant dans les médias.

La véritable motivation de l’emploi des termes vague/vage ne pourra pas être décelée, mais il nous a néanmoins paru pertinent d’émettre quelques hypothèses, également dans l’objectif de déjouer la critique selon laquelle les jugements des locuteurs ne seraient pas « fiables » puisque les raisons pour lesquelles un Le utilise ce terme sont

nombreuses. C’est en partie vrai, et c’est pourquoi nous souhaitons consacrer un bref chapitre à cette question difficile.

Une mise au point terminologique s’impose là encore : le choix que nous avons fait de parler « d’analyse pragmatique » dans ce volet tient au fait que c’est la seule partie où nous prenons en compte les facteurs externes au texte, à savoir le contexte dans lequel ont été produites les configurations respectives. Dans les autres parties de l’analyse, nous nous basons essentiellement sur les indices textuels, à savoir sur ce que nous dit le Le. Quand, dans le deuxième volet, nous relevons les fonctions qu’associe le Le à

l’emploi des séquences vagues et les intentions qu’il attribue à l’AuteurR, il est certain

que cela touche aussi à des questionnements pragmatiques (puisqu’il s’agit de fonctions, de stratégies et d’intentions). Mais l’analyse se fonde dans ce cas-là sur les énoncés métalinguistiques du Le (= des indices relevables dans le texte) et non sur les facteurs

externes de la production du texte, comme nous le faisons dans le troisième volet. On considéra pour cette raison que ce dernier volet est le seul qui relève véritablement de l’analyse pragmatique.

Figure 13 : Analyse pragmatique

o À travers ces trois volets d’analyse, nous souhaitons contribuer à l’étude du VAGUE en complétant les approches déjà existantes par la prise en compte du point de vue du locuteur ordinaire sur ce phénomène, et cela essentiellement à travers l’étude de l’emploi que fait le locuteur des termes vague/vage. En prenant appui sur les énoncés méta-linguistiques du Locuteur évaluant, nous fournissons alors un travail majoritairement descriptif208 de l’usage des termes vague/vage pour :

 dégager les séquences langagières que le Le désigne avec ce mot et relever ainsi

les sens qu’il lui attribue ;

 connaître les associations que fait le Le avec le phénomène du VAGUE ;

 émettre des hypothèses sur les objectifs qui conduisent le locuteur à utiliser le jugement de valeur « vague ».

Au cours de l’analyse, nous signalerons à l’aide des renvois que ces trois volets s’enrichissent mutuellement, car le deuxième confirme et complète le premier et le troisième tente de fournir des éléments d’explication aux questions qu’ont soulevées certains extraits étudiés dans les deux premiers volets.

À partir d’une entrée lexicale, nous essayons donc de fournir une description poussée de la polysémie des termes vague/vage dans le langage courant et de saisir ses implications au niveau interactionnel (intention et objectifs des différents locuteurs).

208 Une étude interprétative se fait surtout dans le troisième volet de l’analyse qui prend en compte les

facteurs contextuels en vue d’émettre des hypothèses sur les objectifs poursuivis par les locuteurs évaluants. « vague » + contexte Auto-défense Disqualification de l’adversaire Répétition d’un discours circulant Autres intérêts spécifiques…

Le cadre théorique ainsi que la méthodologie exposées, la deuxième partie de cette thèse sera consacrée à l’analyse du corpus et suivra les trois étapes présentées ci-dessus (chapitres 4, 5, 6). Le dernier chapitre 7 de cette thèse poursuit un double objectif : on y abordera d’abord la question de la comparabilité interlangues des données. Dans un deuxième temps, on présentera une vue d’ensemble des résultats obtenus dans les trois volets d’analyse tout en évoquant l’interdépendance des trois parties.

Figure 14 : Questions de recherche et objectifs des chapitres suivants

Chapitre Question de recherche Objectifs

4. Analyse sémasiologie • Quelles séquences langagières

sont qualifiées de « vague » ? • Que signifie « vague » pour le

locuteur ordinaire ? → quelles sont les catégories du VAGUE

dans le langage courant ?

⇒ Cerner les sens du terme

vague/vage dans le discours

quotidien

5. Analyse des associations • Quelles valeurs le locuteur

ordinaire associe-t-il au

VAGUE ?

• Quel est le champ associatif autour des termes vague/vage ? • Quelles fonctions le locuteur

ordinaire attribue-t-il à l’usage d’une SLR qualifiée de « vague » ?

⇒ Relever les associations que fait le locuteur ordinaire avec le concept du VAGUE

6. Analyse pragmatique • Le locuteur ordinaire poursuit-il

un certain objectif (personnel) lorsqu’il qualifie une personne ou une SLR de « vague » ? • Y a-t-il en partie reproduction

d’un discours circulant ?

⇒ Emettre des hypothèses sur les fonctions que revêt l’emploi des termes

vague/vage

7. Discussion des résultats

et aspects comparatifs ⇒ Quelques considérations d’ordre comparatif

⇒ Vue d’ensemble des sens et fonctions avec lesquels le locuteur ordinaire emploie les termes vague/vage dans le discours quotidien et des

associations faites avec le

concept du VAGUE

P

ARTIE

2 – T

ROIS VOLETS DE L

ANALYSE

Dans la deuxième partie de cette thèse, on examinera successivement les sens que peuvent revêtir les termes vague/vage, les associations que les locuteurs font avec le concept du VAGUE et les fonctions que les termes vague/vage remplissent dans le discours quotidien. La partie se clôture sur une synthèse des résultats obtenus.

Le chapitre 4, intitulé Analyse sémasiologique : les sens des termes ‘vague’ en français et ‘vage’ en allemand, est consacré à l’établissement des catégories qui constituent les différents sens avec lesquels les locuteurs ordinaires emploient les termes vague/vage. On présentera des extraits significatifs comportant des énoncés révélateurs permettant d’inférer ce que le locuteur évaluant a « voulu dire » lorsqu’il émet son jugement sur le VAGUE d’une séquence langagière.

Chaque fois qu’un locuteur émet un jugement, il laisse des traces dans l’entourage textuel des termes vague/vage qui sont révélatrices des associations que les usagers de la langue font avec le concept du VAGUE. Le chapitre 5, rend compte de l’analyse des associations que l’on peut dégager à partir des cotextes des termes vague/vage.

Les expressions vague/vage peuvent également être utilisées pour poursuivre un certain objectif personnel, ce qui confère à ces termes une valeur fonctionnelle. Celle-ci sera mise au jour dans le chapitre 6, que l’on peut qualifier de pragmatique (davantage que les précédents) parce qu’il prend en considération les facteurs contextuels tels que l’identité du locuteur ou le domaine dans lequel se situe l’évaluation.

Le dernier chapitre de cette thèse – 7 –, développe une réflexion sur les aspects comparatifs209 et présente une synthèse qui réunit enfin les résultats des trois volets de l’analyse.

209 Les chapitres 4, 5 et 6 présentent à la fois les exemples français et allemands sans prendre en

Chapitre 4 – Analyse sémasiologique : les sens des mots vague en