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3.4 Hypothèse H1B : La génération d’idées en groupe pour contourner l’inertie

3.5.2 L’AMDEC

Bien que relevant typiquement d’une logique technique, l’AMDEC présente plusieurs caractéristiques qui font d’elle un outil intéressant pour répondre au besoin de faire converger une production créative vers les usages futurs de produits nouveaux définis à partir d’un brief design (Mortureux, 2005).

Notre propos n’est pas ici d’anticiper des défaillances de systèmes techniques ou organisationnels, mais de générer des propositions relatives aux attributs du produit dans l’usage. Il s’agit donc d’entretenir une discussion, non pas sur les composantes élémentaires du système, mais directement sur les scénarios prospectifs d’usage.

Notre outil idéal pour organiser la production créative concernant des scénarios prospectifs d’usage doit présenter les caractéristiques suivantes :

(1) permettre, à partir de scénarios prospectifs d’usage, d’analyser un concept de produit pour formuler des revendications d’usage et faire évoluer le concept. En présentant le courant du Scenario-Based Design (cf. partie 2.4.2.2), on a noté que ces revendications pouvaient concerner non seulement les risques liés à l’usage, mais aussi les sources possibles de valeur d’usage du produit (Rosson et Carroll, 2002) ;

(2) permettre de structurer ces propositions comme première étape à la constitution de

portefeuilles de projet. Il s’agit d’un outil permettant d’engager au sein de l’entreprise un

pilotage de l’innovation par la valeur52

, où « chaque projet est identifié par son risque, son attractivité, sa maturité technologique, son coût, sa probabilité de succès… » (Le Masson et coll., 2006, pp. 441-442).

Un avantage majeur de l’AMDEC pour répondre à ces exigences est l’indice de criticité, qui constituerait un critère d’évaluation numérique simple des revendications. Notre état de l’art sur la conception par scénarios montre que le raisonnement du concepteur se fait en double sens :

 les revendications positives sont celles qui doivent être préservées car elles constituent une source de valeur d’usage possible. Si l’on raisonne, comme nous le proposons, à partir d’un concept de produit ouvert, ces revendications positives permettront d’identifier les projets à développer en priorité ;

 les revendications négatives sont celles qui doivent être corrigées car elles constituent un risque en termes d’usage. Elles peuvent aussi aboutir, à ce stade du processus, à l’abandon du concept dont les problématiques d’usage seraient jugées trop importantes.

La méthode devra être adaptée en conséquence.

52 En particulier, par la valeur d’usage.

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Un autre bénéfice majeur de l’AMDEC est qu’elle peut être utilisée collectivement pour appuyer la formulation de propositions sur le produit à partir de points de vue et d’une base de connaissances variés. L’AMDEC joue un double rôle :

pour affiner l’analyse prospective des usages, il est important de pouvoir générer un

nombre important de propositions positives et négatives53 sur les concepts illustrés

par les scénarios.

 toutes ces possibilités ne seront pas explorées dans un cadre projet, et il est important de faire converger la production créative pour orienter la prise de décisions.

Dans la démarche que nous proposons, il est essentiel de noter que les personnes évaluant les scénarios d’usage prospectifs se positionnent, comme le proposent Brangier et Robert, en assistance à la maîtrise d’ouvrage : elles doivent évaluer la pertinence de pistes d’innovation données, mais n’ont pas à elles seules le pouvoir décisionnel nécessaire pour lancer et mener des projets.

Ces constats nous amènent à formuler l’hypothèse suivante :

H2. La prise de décision en aval de la génération de scénarios prospectifs d’usage peut être guidée par les outils de la fiabilité industrielle, adaptés pour répondre aux

caractéristiques de l’analyse prospective des usages.

Nous avons en particulier examiné les apports de l’AMDEC. Si cette méthode nous paraît à même de remplir cette fonction pour l’analyse prospective des usages, nous devons faire évoluer la méthode de base de deux manières importantes :

 en prenant comme données d’entrée, non pas les fonctions du produit, mais les scénarios prospectifs imaginés par l’équipe ;

 en ciblant l’analyse autour de deux classes d’usages :

o les usages « intéressants » : cette analyse vise à générer des propositions à valence positive ;

o les usages « risqués » : cette analyse vise à générer des propositions à valence négative.

Les chapitres suivants proposent de présenter l’ensemble du travail expérimental réalisé pour répondre aux trois hypothèses qui sous-tendent notre contribution méthodologique.

Avant de présenter les expérimentations proprement dites, il nous a cependant paru nécessaire de décrire les deux projets industriels qui ont servi de matériel expérimental : le premier visait la conception d’un dispositif innovant pour la prévention de la noyade infantile (PETITE SIRENE). Le second, quant à lui, visait la conception d’une table interactive multi-touch et multi-utilisateurs, en vue d’outiller des activités collaboratives (DIGITABLE).

Le Chapitre 4 présente les deux projets et souligne, en s’appuyant sur l’état de l’art présenté dans la partie 2, les défis qu’ils présentent aux méthodes et outils de l’analyse rétrospective et prospective des usages.

Les chapitres suivants (chapitres 5-7) présentent successivement les trois expérimentations réalisées :

53

Il est important de noter que ce caractère positif/négatif ne correspond pas à la valeur de vérité de ces propositions, mais bien à une valence que leur donne le concepteur

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 l’adaptation de la méthode de l’analyse multi-écrans de TRIZ à l’analyse prospective des usages (EXP. 1) ;

 l’évaluation des effets de l’association du brainwriting et de la matrice de découvertes sur la génération de scénarios prospectifs d’usage (EXP. 2) ;

 l’évaluation des effets de la méthode AMDEC modifiée en vue d’organiser la production créative issue de l’expérimentation 2 (EXP. 3).

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4 DEUX ILLUSTRATIONS DES LIMITES DES MÉTHODES

ACTELLES D’ANALYSE DES USAGES : LES PROJETS

PETITE SIRÈNE ET DIGITABLE

4.1 Introduction

Notre participation à plusieurs projets industriels au sein du LCPI, a alimenté notre réflexion sur les limites des méthodes actuelles de l’analyse des usages, présentées dans le chapitre 2. Pour vérifier les hypothèses présentées dans le chapitre 3, nous avons opté pour une démarche expérimentale. Celle-ci est fondée sur une analyse de l’activité de concepteurs, participant à des réunions de conception dont l’objectif est d’anticiper les usages des produits décrits dans un brief. Les équipes de participants ont travaillé sur les deux projets suivants :

 Le projet PETITE SIRENE, dont l’objectif était la conception d’un dispositif innovant pour la prévention de la noyade infantile ;

 Le projet DIGITABLE, qui visait quant à lui à concevoir un dispositif de type « table interactive » avec des fonctionnalités multi-touch et multi-utilisateurs.

Ce chapitre vise à montrer en quoi le travail effectué au LCPI sur ces deux projets, avant ces deux expérimentations, interroge les limites actuelles de l’analyse des usages. Dans un premier temps, nous présentons successivement le travail réalisé sur chacun des deux projets avant de montrer en quoi les difficultés rencontrées par les concepteurs peuvent être considérées comme des manifestations des limites de l’analyse des usages mentionnées à la fin de notre état de l’art.