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Résumé du chapitre 1

CHAPITRE 2. L’ AGRICULTURE URBAINE ET PERIURBAINE EN

2.1. L’agriculture urbaine et périurbaine : définition, histoire, contexte

2.1.1. Définition de l’agriculture urbaine et périurbaine

Toutes les définitions de l’agriculture urbaine et périurbaine intègrent un critère spatial mais ce critère varie. La plupart évoquent un « espace urbain ou périurbain », une zone, une aire, ou encore la ville et ses alentours. Il est alors nécessaire de définir l’espace urbain et même l’espace périurbain dont la frontière extérieure reste floue. D’autres définitions [Moustier 2004] s’appuient sur les frontières administratives de la ville. Ainsi, l’agriculture urbaine est celle sur laquelle s’appliquent les réglementations urbaines, municipales, ou qui prend place juste à l’extérieur du périmètre réglementaire. On peut aussi prendre en compte, non l’espace cultivé, mais le lieu d’habitation du producteur : si celui-ci est urbain, on parle alors d’agriculture urbaine. Ces définitions qui font appel aux limites administratives de la ville sont plus faciles à utiliser mais elles sont plus restrictives et ne prennent pas en compte la réalité d’un espace en expansion continue et rapide, tel que l’est la ville africaine.

L’intégration de l’agriculture urbaine dans des filières urbaines est également un critère que l’on retrouve souvent, que ce soit l’écoulement des produits, destinés aux urbains, ou l’utilisation d’intrants provenant de la ville. Ce critère renvoie à une définition économique de l’agriculture urbaine. Elle n’est pas pertinente dans le cas d’une agriculture non marchande or, sur une grande partie des espaces agricoles en périphérie urbaine ou sur les jardins urbains, la production agricole est destinée à l’autoconsommation. Dans ce cas, le producteur n’a pas intérêt à acheter des intrants, qui sont chers, mais à utiliser ses propres ressources, comme les fientes de poules ou de porc issues d’un élevage domestique, ou les déchets ménagers. Toutes

les agricultures urbaines ne sont pas intégrées dans des filières, que ce soit pour les intrants ou les productions.

Une autre définition de l’agriculture urbaine vient du concept de services : elle rend des services aux urbains. On retrouve l’idée de la multifonctionnalité de l’agriculture. Ainsi, l’agriculture urbaine a des fonctions économiques, sociales et environnementales pour les urbains. Elle sert l’approvisionnement des marchés urbains (fonction économique), elle s’adresse aux urbains en tant que producteurs ainsi que consommateurs directs ou d’externalités (fonction sociale) et elle modifie l’écosystème et l’habitat urbain et périurbain (fonction environnementale). Cette réflexion sur la multifonctionnalité de l’agriculture urbaine et périurbaine utilise une approche par les acteurs et par les modes de gouvernance. L’évolution de l’agriculture urbaine dépend étroitement des politiques urbaines et de la forme que prend le processus d’urbanisation.

Certaines définitions mettent en avant les particularités techniques de l’agriculture urbaine. Ces définitions sont probablement liées à la prépondérance du maraîchage, qui est la forme d’agriculture urbaine la plus rentable et la plus intégrée au marché. Encore une fois, ce critère est assez restrictif car il ne considère qu’une partie des diverses formes d’agriculture urbaine et périurbaine. Le maraîchage urbain et périurbain a été particulièrement étudié, parce qu’il est innovant et parce qu’il exerce des fonctions économiques. Mais il ne concerne ni la majorité des producteurs (ou de ceux qui se considèrent comme producteurs agricoles), ni la majorité des espaces agricoles.

L’agriculture urbaine et périurbaine se place dans un contexte de compétition pour les ressources (foncier et eau) avec les usages urbains. L’agriculture urbaine est celle qui fait concurrence aux usages urbains pour les ressources. Ces définition est riche car elle englobe les différentes formes d’agriculture urbaine et périurbaine, et dépasse le problème de la limite spatiale. Elle pose directement la problématique qui est inhérente à la question de l’agriculture urbaine et périurbaine : comment gérer l’apparente contradiction entre la ville et l’activité agricole ? Cette façon d’envisager les choses met l’accent sur l’importance du politique et de la gouvernance pour arbitrer les intérêts des différents acteurs et des différentes activités.

Enfin, la façon la plus simple de faire une différence entre l’agriculture urbaine et la périurbaine est le critère spatial. Le problème est de tracer la limite entre l’urbain et le périurbain (les frontières administratives sont rarement pertinentes, surtout dans les villes africaines en extension), et entre le périurbain et le rural. L’agriculture périurbaine est dans un

rapport de mitoyenneté avec la ville, elle est « à côté », alors que l’agriculture urbaine a des rapports fonctionnelles avec la ville : elle participe activement au processus d’urbanisation. Selon cette définition, l’agriculture urbaine s’étend jusqu’aux périphéries des villes africaines, sur lesquelles domine un mouvement d’urbanisation particulier à ces villes.

Nous retenons donc que l’agriculture urbaine et périurbaine concerne les pratiques agricoles dans la ville ou autour de la ville, sur les espaces sous influence urbaine, que ce soit par les réglementations spécifiques au milieu urbain ou par les concurrences et complémentarités entre usages, agricoles et urbains, des ressources. L’agriculture urbaine se pratique au milieu du tissu urbain, sur des très petites surfaces, avec très peu d’investissement alors que l’agriculture périurbaine concerne des surfaces moyennes, autour de 3 ha et des exploitations agricoles implantées dans leur territoire qui investissent afin de profiter des opportunités du marché urbain.

2.1.2. Histoire de l’agriculture urbaine et périurbaine

L’agriculture urbaine et périurbaine est un phénomène important aussi bien dans les pays du Nord que du Sud. Les premières recherches à fin des années 1980 portent sur les jardins familiaux dans les villes d’Europe de l’Ouest dans les périodes de crise (Révolution Industrielle, guerres) [Cemagref 2005 ; Mougeot 2006]. On peut faire un parallèle entre ce qui s’est passé pendant la Révolution Industrielle et ce qui se passe aujourd’hui dans les villes africaines : les ouvriers qui cultivaient ces jardins venaient directement du milieu rural et possédaient encore un savoir-faire agricole. De plus leurs conditions de vie étaient précaires et leur sécurité alimentaire non assurée. De nos jours, dans les villes du Nord, l’agriculture urbaine et périurbaine est maintenue pour sa multifonctionnalité : elle participe au recyclage des déchets, à la conservation des ressources et du paysage, aux loisirs, à l’amélioration du bien-être [Mougeot 2006]. Elle est souvent une production de qualité, profitant d’un marché urbain proche. Ainsi on voit fleurir les Associations pour le Maintien d’un Agriculture Paysanne (AMAP) et les exploitations en agriculture biologique qui utilisent des circuits courts [Delfosse 2010].

En Afrique, les premières formes d’agriculture périurbaine avaient pour vocation de nourrir les colons urbains et les missionnaires. Les cultures étaient alors orientées vers les besoins alimentaires des occidentaux. Depuis, les villes se sont transformées sous l'effet d'un important exode rural de populations pauvres à la recherche d'une meilleure vie. Elles se sont structurées dans l'urgence avec le plus souvent un centre urbain colonial bien organisé et une

périphérie où l'installation et la construction de logements se sont effectués plus ou moins spontanément, les essais de planification urbaines étant dépassés par le phénomène. L’agriculture urbaine a émergé alors également comme une réponse à une crise : crise urbaine avec l’expansion urbaine non maîtrisée par les pouvoir publics et crise économique, surtout à la suite des ajustements structurels des années 1980 qui ont laissé nombre d’urbains appauvris.

2.1.3. Importance et enjeu de l’agriculture urbaine et périurbaine

En Afrique, les caractéristiques de l’agriculture urbaine et périurbaine sont la proximité du marché, la forte compétition sur les ressources, notamment le foncier, l’utilisation des déchets et des eaux urbaines, un faible degré d’organisation des producteurs, et des cultures de produits périssables, hautement spécialisées [van Veenhuizen 2006]. Son évolution est rapide : elle résulte d’une part des changements dans l’utilisation de l’espace urbain, et d’autre part du dynamisme des acteurs. Les analyses historiques permettent de relativiser les discours tendant à présenter l’agriculture urbaine comme une agriculture d’avenir ou au contraire vouée au déclin. L’importance de l’agriculture urbaine dans l’approvisionnement dépend de la densité urbaine : elle occupe une place beaucoup plus grande dans les villes à faible densité de population, comme Bangui, que dans les villes à forte pression foncière, comme Antananarivo. Cependant, la précarité de l’emploi en ville peut entraîner le développement de l’agriculture périurbaine malgré une pression foncière forte, comme c’est le cas à Yaoundé [Moustier 2004].

Contrairement à une perception fort répandue, l’agriculture urbaine et périurbaine n’est ni le vestige transitoire d’une culture rurale en voie d’extinction, ni le symptôme malheureux d’un développement urbain stagnant. Le paradoxe est que l’agriculture urbaine est beaucoup plus présente dans les politiques publiques des pays du Nord qu’elle ne l’est dans celles des pays du Sud, alors qu’elle y est plus déterminante pour le bien-être des citadins [Mougeot 2006]. En Afrique, selon les pays 10 à 80 % d’urbains sont impliqués dans l’agriculture : «Par exemple, à Luzaka, près de 45% des 648 ménages interrogés en 1992-1993 cultivaient des jardins. Dans deux quartiers de Harare, la capitale du Zimbabwe, les quatre-cinquièmes des ménages interrogés tiraient une partie de leur alimentation de leurs jardins. A Dar-es-Salaam, en 1988, 20% des citadins étaient impliqués dans l'agriculture, ce qui correspondait aux chiffres de 1967. Au Congo, 5% des Brazzavillois étaient recensés dans le secteur agricole en 1984. A Bangui, en 1988, 10% des chefs de ménage et 20% des femmes

étaient agriculteurs d'après une enquête portant sur 2000 ménages. » [Moustier 1997]. Et globalement, selon le PNUD, environ 800 millions d’agriculteurs urbains et périurbains produisaient approximativement 15 % des denrées alimentaires mondiales en 1996 [Mougeot 2006].

On note qu’au cours des 10 à 15 dernières années, les attitudes et comportements des organismes officiels concernant l’agriculture urbaine et périurbaine ont évolué dans les pays du Sud. Les gouvernements des pays et des villes du Sud sont de plus en plus nombreux à porter un regard nouveau sur cette agriculture [Mougeot 2006].