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Pourquoi l’affaire Dreyfus,

Dans le document Histoire Géographie. Géographie (Page 59-63)

du thème

1. Pourquoi l’affaire Dreyfus,

p. 100-101

corbeille à papier de l’ambassade d’Allemagne par une femme de ménage, agent du contre-espionnage français.

Destiné à l’attaché militaire de l’ambassade d’Allemagne à Paris, Von Schwartzkoppen, il émane, manifestement d’un officier d’état-major. On apprendra beaucoup plus tard que c’est le commandant Esterhazy qui en est l’auteur. Pour l’instant, après comparaison sommaire d’écritures par Du Paty de Clam, la lettre est attribuée au capitaine Dreyfus, stagiaire à l’état-major. Le « bordereau » fournit un certain nombre de renseignements sur le secteur décisif qu’est l’artillerie (le « 120 » est un obusier de 120 mm de calibre qu’il s’agit de moderniser ; « les troupes de couverture » sont destinées à protéger les régiments d’artillerie lors des engagements). La fuite est particulièrement grave au moment où la France cherche à rattraper son retard en armement sur son puissant voisin d’outre-Rhin.

Doc. 5 : Une photographie de la salle du deuxième conseil de guerre tenu à Rennes, le jour de l’ouverture des débats, le 7 août 1899. À droite, l’accusé, Dreyfus assisté de ses deux avocats, MeDemange et MeLabori. À gauche, les juges du tribunal militaire. Au premier plan, une assistance fournie. Ce procès, très médiatisé, est suivi dans le monde entier. Il montre l’embarras de l’état-major et du général Mercier (à la barre). Le verdict condamnant Dreyfus à dix ans de détention avec circonstances atténuantes, ne donne satisfaction à personne. En fait, son innocence est reconnue de manière implicite. L’armée n’a pas voulu se déjuger. Ce verdict ouvre la voie à la grâce présidentielle de septembre. Cette photographie peut amener à une réflexion sur la nature d’une justice militaire dépendante d’une hiérarchie. Les ministres de la Guerre étant alors choisis dans les rangs du haut commandement, les responsabilités sont partagées.

– Réponses aux questions

1.Le Petit Journalpropose dans son supplément une illus-tration de la dégradation du capitaine Dreyfus, en janvier 1895 à la suite de la condamnation de décembre 1894.

Dans la cour des Invalides, le condamné se tient debout devant un sous-officier qui, au nom de l’institution militaire, brise la lame de son épée. Par cette mise en scène spec-taculaire, symbolique et exemplaire à laquelle participe la troupe, il s’agit de signifier que Dreyfus n’appartient plus à l’armée. La légende « Le traître » montre que cette publi-cation prend parti contre Dreyfus comme le fait alors l’im-mense majorité des Français.

2.Le « bordereau » montre que des renseignements mili-taires de première importance (quatre «notes » et un « projet de manuel ») ont été transmis secrètement par un officier à l’ambassade d’Allemagne, le temps de les exploi-ter. Le fait que ce soit l’Allemagne, vainqueur de la France dans la guerre de 1870-1871 et adversaire potentiel, qui bénéficie de ces renseignements aggrave la responsabi-lité de l’officier espion. La lettre révèle, en outre, les enjeux technologiques de la rivalité militaire franco-allemande dans un domaine qui se révèlera essentiel : l’artillerie.

3.Zola, auteur à succès, prend parti de manière fracassante pour la révision durant l’affaire Dreyfus en interpellant

direc-© Éditions Magnard,2006

tement le président de la République dans une lettre publiée à la une du journal L’Aurore, le 13 janvier 1895. Il accuse nommément le ministre de la Guerre de 1896 et les plus hauts responsables de l’état-major, d’avoir monté ou couvert un complot pour prouver la culpabilité de Dreyfus.

La justice militaire est aussi directement mise en cause.

Zola a choisi de rouvrir le dossier en s’exposant volontai-rement à des poursuites. Il doit comparaître en justice par deux fois en 1898. Condamné, il est contraint à l’exil. Zola défend le devoir de justice et les droits de l’homme : pour lui, le droit doit passer avant l’honneur de l’armée.

4.Le second conseil de guerre de Rennes d’août 1899 condamne de nouveau, sans preuves, le capitaine Dreyfus, ici debout devant ses juges, mais lui reconnaît des circonstances atténuantes. Avec la remise de la peine commence le lent processus de révision.

5.En 1894, un « bordereau » destiné à l’ambassade d’Allemagne est saisi par le contre-espionnage français.

Cette pièce prouve que des secrets militaires sont transmis régulièrement à un pays considéré alors comme ennemi. Accusé, le capitaine Dreyfus est condamné à la déportation et dégradé de manière solennelle et infâmante en janvier 1895. Bien peu de Français doutent alors de la culpabilité du « traître ». Cependant, un petit noyau, autour de sa famille, du colonel Picquart et de Clemenceau, lutte pour démontrer son innocence. Mais c’est Zola qui fait campagne de manière spectaculaire pour la révision du procès, grâce à la publication de sa lettre

« J’accuse » dans L’Aurore, le 13 janvier 1898. Si Zola est à son tour condamné, l’Affaire est relancée. Le débat est ouvert entre dreyfusards et antidreyfusards. Le suicide de l’officier faussaire, le colonel Henry, rend la révision inéluc-table malgré l’opposition de l’armée.

– Présentation des documents

Doc. 6 :Ces affiches de propagande mettent en scène les principaux accusateurs et défenseurs de Dreyfus. L’affiche favorable aux thèses de l’état-major rassemble les piliers du ministère de la Guerre. Le général Mercier, ministre de la Guerre à l’origine de l’Affaire (1894), est persuadé de la culpa-bilité de l’accusé. Au centre de l’affiche, Joseph Cavaignac, nommé ministre de la Guerre en pleine tourmente (1898), à la place du général Billot. Il est à l’origine de l’internement de Picquart. Cependant, il fait arrêter Henry, le faussaire, dont le suicide provoque sa chute. Emile Zurlinden le remplace.

Il refuse, à son tour, toute révision comme son successeur Jules Chanoine, le troisième ministre de la Guerre de l’année 1898 ! Le message est clair : l’armée, qui fait bloc derrière ses chefs, s’oppose à toute remise en cause du verdict du premier conseil de guerre.

L’affiche favorable à Dreyfus rassemble la petite poignée d’hommes qui ont lutté seuls contre tous : ce sont les premiers dreyfusards dont ne fait pas partie Jaurès, d’abord hostile puis réticent, enfin actif. Manque Mathieu

2. Pour ou contre Dreyfus : la France divisée,

p. 102-103

Dreyfus, à l’origine du sursaut. On peut éclairer le rôle joué par Georges Picquart qui a été limogé pour avoir démonté l’accusation, par Joseph Reinach, le premier historien de l’affaire, par Bernard Lazare, le premier intellectuel à s’en-gager, par Auguste Scheurer-Kestner, vice-président du sénat qui a mis son poids politique au service de la cause dreyfusarde. Ludovic Trarieux, avocat bordelais et sénateur, est le fondateur, en 1898, de la Ligue des droits de l’homme dont il devient le premier président. Francis de Pressensé, journaliste au Temps, a publié Un héros, le colonel Picquart. Fernand Labori est l’avocat de Zola. La forte personnalité de Clemenceau, journaliste et orateur incisif, permet de saisir l’importance du courant radical dans le combat dreyfusard.

Les deux affiches se répondent dans leur composition comme dans les valeurs invoquées. Seulement, derrière les formules parfois semblables, se cachent des concep-tions différentes du pouvoir et de la société à mettre en parallèle avec les doc. 7 et 8.

Doc. 7 : Barrès, considéré comme un des plus importants écrivains de son époque, fait figure de premier intellec-tuel antidreyfusard. Il s’était déjà fortement engagé derrière Boulanger. Ce petit texte a le mérite de donner un aperçu de son argumentation. Pour lui, la nation prime l’individu.

L’intérêt supérieur du pays dont l’armée est un des fonde-ments essentiels peut nécessiter de sacrifier une personne, même éventuellement innocente. Influencé par Drumont, Barrès exploite l’antisémitisme qui transcende les clivages. La force du nationaliste Barrès, qui tente de retourner les arguments dreyfusards, réside dans la conci-sion de son style.

Doc. 8 : La Petite Républiqueest un quotidien dirigé par Alexandre Millerand, député radical puis socialiste dont l’objectif est de défendre la République menacée par l’Affaire. Jaurès entre en campagne de manière très active à l’été 1898, au moment de la mise à l’écart de Zola exilé en Angleterre. Il apporte, dans cet extrait, ses conceptions rassemblées dans l’opuscule Les Preuves qui sont celles de l’innocence de Dreyfus. Il montre la faillite des grandes institutions, l’armée, les services de l’État comme la justice civile. Dans sa quête de la vérité, il prend le relais du colonel Picquart et de Zola. Pourtant, au lende-main de « J’accuse », Jaurès avait signé l’appel du groupe parlementaire socialiste qui renvoie dos à dos les deux parties. La prise de conscience tardive de Jaurès permet de faire comprendre combien les avis ont pu évoluer sur plus d’une décennie.

Doc. 9 : La légende commune aux deux dessins de presse est directement exploitable. Le Psst…!, au titre accrocheur, hebdomadaire sans texte surgit quinze jours après

« J’accuse ». Ses auteurs, Forain et Caran d’Ache, passent pour les deux meilleurs caricaturistes du moment. Ils défendent la thèse de l’état-major. On voit ici la une croquée par Forain (signature en bas à droite).

Cedant arma togae est le début d’une période oratoire de Cicéron « Que les armes le cèdent à la toge », c’est-à-dire ici au magistrat. Le képi d’officier représente le commandement mis en cause par Zola. Il s’agit d’une © Éditions Magnard,2006

réaction à chaud au procès de l’écrivain (« Impressions d’audience »), soulignée par l’exclamation « Et on supporte çà ! ». Le fond mis à part, toute la force de la caricature politique transparaît ici : économie de moyens, passion.

Le Siffletest lancé par le dessinateur Ibels, ami de Zola, pour contrebalancer Psst… !Permutant les acteurs, ce dessin montre un officier ventripotent qui projette la balance de la justice : il s’agit de retourner l’effet du dessin de Forain. Les deux journaux s’affrontent ainsi pendant un an et demi, en 1898-1899, puis cessent de paraître.

Doc. 10 : Le diptyque de Caran d’Ache est entré dans l’imaginaire collectif. Il montre combien, en plein procès Zola, les passions sont exacerbées et les avis partagés jusque dans les familles. Malgré la mise en garde de l’aïeul, les passions sont les plus fortes. Un commentaire libre peut s’avérer très savoureux.

Doc. 11 : Dans ce court extrait d’un article paru dans La Revue blanche en 1899,Charles Péguy s’insurge contre l’injustice faite à un homme au nom d’une mystique déve-loppée autour de l’honneur de l’armée. En dénonçant ce mécanisme pervers, l’écrivain se place au dessus des partis pour rappeler les fondements de l’humanisme.

Péguy est alors dans sa phase socialiste dont il attend bonheur et fraternité. Il voit dans l’épreuve imposée à la France le moyen de retrouver les chemins de justice et de vérité. Dreyfusiste activiste, il quitte La Revue socia-liste, à ses yeux trop timorée, pourLa Revue blanche. Cette dernière (1889-1913) s’engage résolument derrière Zola au lendemain de « J’accuse ». Toute l’équipe de rédaction, qui rallie de grands noms (Blum, Gide, Proust, Toulouse-Lautrec) devient le cœur du dreyfusisme. Elle se réclame, à l’instar de Péguy, des principes universels.

– Réponses aux questions

1. Les slogans antidreyfusards et dreyfusards se répondent en reprenant les mêmes formules. Chacun se réclame de la France, de la République et de l’armée. Malgré les appa-rences, les messages sont antagonistes. Dans un cas, les

« traîtres » sont les dreyfusards qui déstabilisent l’ordre établi, dans l’autre, ce sont les antidreyfusards qui, préfé-rant l’injustice à la vérité, bafouent les valeurs démocra-tiques. La première affiche veut imposer l’idée de la culpabilité de Dreyfus au nom de la patrie dont l’armée est le soutien principal. La seconde, place au-dessus de tout, les droits de l’être humain et les valeurs universelles.

2. Ainsi que l’exprime Caran d’Ache dans Le Figaro,les Français sont prêts à en venir aux mains pour défendre leur point de vue. L’opinion est fortement sollicitée par de grandes campagnes de presse qui utilisent des méthodes modernes dont l’impact est considérable.

Chacun choisit son camp. Les antidreyfusards, très soudés autour de l’état-major, martèlent des slogans natio-nalistes qui trouvent un large écho. La défense de la terre de France intègre souvent des réflexes antisémites. Un point de vue inverse se développe chez ceux qui donnent priorité aux droits fondamentaux de la personne humaine.

3. Les institutions les plus souvent mises en cause par les dreyfusards sont l’armée et la justice. C’est d’abord

l’armée où les conseils de guerre ont rendu des verdicts injustes sur ordre d’un état-major qui a réagi par réflexe de caste. Les officiers d’état-major se sont cru au-dessus des lois. La justice civile qui aurait dû servir de contre-pouvoir, n’a pas joué son rôle. L’armée est au cœur de la polémique parce qu’elle a commis une erreur judiciaire qu’elle a ensuite voulu imposer par tous les moyens, même les plus iniques.

4. Les Français sont déchirés par l’affaire Dreyfus. Les passions politiques sont à leur comble, aiguisées par l’en-gagement militant des journalistes, des caricaturistes et des écrivains. Les antidreyfusards, persuadés que Dreyfus est l’espion traître à sa patrie, pensent défendre l’honneur de l’armée. La hantise de la revanche contre l’ennemi allemand est bien présente. À l’inverse, les drey-fusards, défenseurs des droits de l’homme et du citoyen, cherchent à imposer la révision du procès. Les points de vue sont inconciliables. La République vit alors une crise majeure tant la fracture est large. Ce sont deux concep-tions de l’État qui s’affrontent. Les instituconcep-tions sont mises en cause de part et d’autre. La tension est maximale en 1898-1899, lors du procès Zola et du procès de Rennes.

– Présentation des documents

Doc. 12 :La Libre Parole a joué un rôle décisif dans le développement de l’affaire. Fondée par Drumont en 1892 à la suite de l’énorme succès de la France juive (1886), elle bénéficie d’une large audience. En pleine enquête sur l’origine du « bordereau », c’est elle qui, le 1ernovembre 1894, annonce la culpabilité de « l’espion » Dreyfus. Un coupable idéal puisqu’il est juif. Le dessin nous montre des affairistes organisant un complot. Comme « Judas », Dreyfus reçoit, en sous-main, une bourse pour sa trahison. Le dessin fixe également les traits stéréotypés des visages afin de stigmatiser le bouc émissaire aux yeux du public. La répétition systématique de ces thèmes vise à mettre la communauté juive ou d’origine juive à l’écart de la nation. Drumont s’appuie sur un fond xénophobe et construit une idéologie antidémocratique dont l’objectif est de ruiner les valeurs libérales forgées pendant la Révolution. Son antisémitisme radical a fortement influencé de grands auteurs comme Barrès, Bernanos et Céline.

Doc. 13 :On retrouve les idées de Drumont dans ce premier extrait. En attaquant sans retenue « la Juiverie » – expression très péjorative – l’auteur prétend restaurer la puissance de la France en Europe. Il brandit le thème récurrent du complot sans l’assortir d’aucune preuve puisque, à ses yeux, le Juif est forcément le mal absolu.

La violence de cet écrit peut amener à faire comprendre jusqu’où peut conduire la logique antisémite qui annonce des lendemains funestes.

Ce texte de Barrès, tiré de Ce que j’ai vu à Rennes, le second procès Dreyfus, peut être étudié en parallèle

puis-3. L’affaire Dreyfus, un révélateur pour la République,

p. 104-105

© Éditions Magnard,2006

qu’il repose sur le même postulat : le Juif est néfaste a priori,donc coupable. Étranger par essence à la commu-nauté nationale, il doit être combattu et banni. Comme dans le doc. 7 où il emploie déjà le terme de « race », Barrès forge une idéologie ouvertement raciste. Là encore, on peut faire mesurer quel danger de discrimi-nation se profile dans cette logique de l’exclusion.

Rappelons que c’est de l’affaire Dreyfus que naît l’idée du sionisme de Theodor Herzl.

Doc. 14 : Paul Déroulède, ici au centre de l’image, ceint de son écharpe tricolore – il est député – a fondé la Ligue des patriotes en 1882. D’abord modéré, il se lance dans l’agitation boulangiste antiparlementaire, ce qui vaut la dissolution de son organisation. Il prépare, dans une impro-visation manifeste, un coup d’État à l’occasion des funé-railles du président Félix Faure, le 23 février 1899. La scène est relatée dans Le Petit Journal.Les personnages du premier plan sont des ligueurs qui cherchent à entraîner les soldats vers l’Élysée. Le comportement léga-liste du régiment est relevé positivement. Déroulède sera acquitté, puis après une nouvelle tentative de sédition, condamné au bannissement pour dix ans en 1900.

L’incident, malgré l’échec patent, montre bien jusqu’où certains antidreyfusards ultranationalistes étaient prêts à aller, c’est-à-dire jusqu’à la disparition de la démocra-tie parlementaire. Cette scène tout comme celle de la réha-bilitation de Dreyfus montre que l’armée est loin de faire bloc avec les ligues antidreyfusardes et qu’elle restera loyale vis-à-vis du régime.

Doc. 15 : Jean-Denis Bredin livre ici un bilan somme toute positif de l’affaire Dreyfus. Il y voit le triomphe de

« l’ordre républicain » et des idéaux démocratiques. Pour lui, les excès antidreyfusards, dans leurs méthodes et leurs discours, ont décrédibilisé pour longtemps leurs auteurs. Le soutien d’une large fraction des catho-liques, au camp antidreyfusard, a sans doute permis aux radicaux d’imposer la séparation des Églises et de l’État.

De son côté, l’armée a dû accepter le jeu démocratique : la démocratie et la justice ont fini par triompher. D’autres lectures peuvent être avancées. La démocratie a été sauvée par les contre-pouvoirs et par une minorité agis-sante. Ses institutions et ses dirigeants se sont compro-mis ou ont longtemps hésité. De plus, la cassure idéologique est durable. Malgré sa défaite, le camp natio-naliste garde ses convictions et ses méthodes. Elles ressurgiront dans les années 1930 avec les mêmes carac-tères et les mêmes slogans. L’antisémitisme n’a pas disparu loin s’en faut. La République a montré ses fragilités.

Doc. 16 : La réhabilitation de Dreyfus est obtenue par étapes. Le 12 juillet 1906, la Cour de Cassation, après une longue étude du dossier, reconnaît « que de l’accu-sation portée contre Dreyfus rien ne reste debout »,

« annule le jugement du Conseil de guerre de Rennes » et, surtout « dit que c’est par une erreur et à tort que cette condamnation a été prononcée ». Ce jugement est décisif parce qu’il rend à l’homme sa liberté et son honneur. C’est au tour de l’armée de faire son mea culpa

comme l’indique la légende de la photographie. La céré-monie a lieu à l’École militaire, à quelques pas du lieu de l’humiliation. De capitaine dégradé, il est promu chef de bataillon, c’est-à-dire commandant. Il deviendra lieutenant-colonel pendant la Grande Guerre.

Doc. 17 : La statue se trouve dans le 6earrondissement, square Pierre-Lafue, à l’intersection du boulevard Raspail et de la rue Notre-Dame-des-Champs. L’inauguration, le 16 octobre 1994, a été présidée par le maire de Paris, Jacques Chirac. L’intention de l’auteur donnée en légende rejoint l’appréciation de Charles Péguy (doc. 11). On peut citer également la reconnaissance officielle, le 7 septem-bre 1995, par l’armée de sa responsabilité dans « une conspiration militaire ». Enfin, en 2006, le centenaire de l’arrêt de la Cour de cassation est inscrit au calendrier des célébrations nationales.

– Réponses aux questions

1.Les antidreyfusards, comme Barrès et Drumont, utili-sent deux types d’arguments. Tout d’abord des arguments nationalistes : la campagne menée en faveur de Dreyfus aurait pour but de « déshonorer l’armée » et d’affaiblir la France. En second lieu des arguments racistes : les Juifs sont dangereux et traîtres parce que Juifs. Ils personni-fient le mal. Grâce à la violence répétée des paroles, des images et des actes, il s’agit, pour les antisémites, de transformer cette communauté en bouc émissaire.

2. La République est gravement mise en cause dans ses fondements. D’abord, au niveau du droit de chacun à béné-ficier d’une justice honnête, équitable et impartiale.

Ensuite, à celui de l’égalité : parce que Juif, Dreyfus ne bénéficie pas de la présomption d’innocence. Pour les anti-dreyfusards, il est forcément coupable. Cette volonté de discrimination s’oppose à la fraternité. En définitive, ce sont des principes majeurs de la République qui sont direc-tement rejetés.

3.Paul Déroulède, un ardent nationaliste, tente de renverser le gouvernement à l’aide de l’armée en profi-tant des obsèques du président Félix Faure. Avec ses amis ligueurs, il veut entraîner les troupes dans un coup d’État.

Il menace directement la démocratie mais il échoue devant l’attitude de l’armée qui reste disciplinée et attachée à la République, à l’image du général Roget.

4.Malgré la violence des attaques antisémites, la campagne pour la réhabilitation de Dreyfus progresse. En 1899, après le procès de Rennes, le président Loubet le gracie. Enfin, en juillet 1906, il est définitivement réha-bilité par la justice. L’armée le réintègre : il reçoit la Légion d’honneur. Le capitaine Dreyfus est lavé de tout soupçon : il retrouve tout à la fois sa dignité d’homme et son honneur d’officier.

5. Lors de l’affaire, la République a montré sa fragilité.

Mais le droit a fini par triompher. La démocratie a d’abord été sauvée par les contre-pouvoirs. La classe politique a été longue à prendre ses responsabilités. Une recom-position profonde favorise la gauche en portant au pouvoir les dreyfusards. La République devient radicale.

Les institutions civiles ont fonctionné si bien que l’armée © Éditions Magnard,2006

Dans le document Histoire Géographie. Géographie (Page 59-63)