• Aucun résultat trouvé

L’adsorption compétitive des molécules inhibitrices

4. Modélisation ab initio de matériaux pour la valorisation catalytique de la

4.3.4. L’adsorption compétitive des molécules inhibitrices

a) Effets inhibiteurs sur les silices cristallines

L'adsorption compétitive des molécules inhibitrices (l’eau et le CO) est l'un des principaux paramètres influant sur le procédé d'hydrodésoxygénation. La Figure 46 présente un histogramme comparatif des énergies d'adsorption d'eau, du CO et du phénol sur les surfaces de silices cristallines. L'énergie d'interaction du CO est faible (environ -20 kJ/mol) quelle que soit la surface cristalline. L'énergie d'adsorption du phénol étant d'environ -90 kJ/mol, l'effet d'inhibition du CO devrait être négligeable. Ces résultats suggèrent que les matériaux à base de silice sont particulièrement prometteurs pour le procédé HDO par rapport aux catalyseurs classiques MoS2 et CoMoS qui souffrent d'une forte adsorption compétitive du CO (l'énergie d'interaction du CO sur le bord métallique 50% promu du CoMoS est quatre fois supérieure à celle du phénol, avec une valeur de -160 kJ/mol), en plus de l'effet d'empoisonnement de H2S (Michael Badawi et al., 2011).

Nos énergies calculées d’adsorption de l’eau sont similaires à celles calculées par Yang et al. (Yang et al., 2005) pour la surface [111] β-cristobalite (-77 kJ/mol contre -74 kJ/mol) et la surface [001] β-cristobalite (-42 kJ/mol contre -43 kJ/mol). De même, une énergie d'adsorption similaire à celle rapportée par Yang et al. (Yang and Wang, 2006) (-58 kJ/mol contre -53 kJ/mol) a été trouvée pour l’adsorption de l’eau sur la surface [001] α-quartz. La compétition entre l'eau et le phénol ne peut pas être considérée comme mineure, avec une

différence d'énergie d'adsorption d'environ -10 kJ/mol, sauf sur la surface [001] β-cristobalite. L'énergie d'adsorption de l’eau sur ces surfaces est beaucoup plus élevée que la chaleur de liquéfaction de l'eau (-44 kJ/mol) habituellement utilisée pour définir le caractère hydrophobe de la surface (Bakaev and Steele, 1999; Leed and Pantano, 2003). Par conséquent, les surfaces [111] β-cristobalite, [101] β-cristobalite et [001] α-quartz peuvent être considérées comme hydrophiles, contrairement à la surface [001] de la β-cristobalite sur laquelle l’énergie d’absorption de l’eau est d’environ -42 kJ/mol.

Figure 46 : Énergies d'adsorption du phénol et des molécules inhibitrices sur les surfaces de silices cristallines.

b) Effets inhibiteurs sur les silices amorphes

Les énergies d'adsorption du phénol et des molécules inhibitrices sur divers sites des surfaces amorphes sont rassemblées dans le Tableau 9. Comme pour les surfaces cristallines, le CO est faiblement adsorbé par rapport au phénol. En effet, l’énergie d’adsorption du CO sur la surface la plus hydroxylée (SiO2-7,2) est d’environ -20 kJ/mol et elle est beaucoup plus petite sur les autres surfaces. L'effet inhibiteur de l'eau sur l'adsorption du phénol devrait être important pour les surfaces les plus hydroxylées (SiO2-7.2 et SiO2-5.9), car l'énergie d'adsorption de l'eau peut dépasser celle du phénol de 50 kJ/mol sur certains sites (silanols isolés). Cependant, l’effet de l’eau devient de plus en plus limité lorsqu’on diminue la densité de silanols, du fait que les surfaces amorphes ayant une densité de silanol supérieure à 5 OH/nm2 peuvent être considérées comme hydrophiles (Eads > chaleur de liquéfaction). Sur la surface SiO2-4.6, les énergies d'adsorption de l'eau et du phénol sont similaires pour tous les

-100 -80 -60 -40 -20 0 [111] ß-cristo [101] ß-cristo [001] ß-cristo [001] quartz Phenol Water CO E ads (kJ /m o l)

sites à l'exception du site isolé où le phénol est plus adsorbé que l'eau de 22 kJ/mol. De manière remarquable, l’adsorption du phénol ne devrait pas être affectée par la présence d’eau sur les surfaces SiO2-3.3 et SiO2-2.0, car leur site nid 1 peut fortement interagir avec le phénol (environ -120 kJ/mol), ce qui est beaucoup plus important que l’énergie d’adsorption de l’eau sur le même site (environ -50 kJ/mol) ou sur d'autres sites (entre -20 et -30 kJ/mol).

Tableau 9: Compétition des molécules inhibitrices : énergies d'adsorption (kJ/mol) d'eau, du CO et du phénol

sur différents sites de surfaces de silices amorphes.

Type de silanol Isolé Nid 1 Vicinal Nid 2 Géminal

SiO2-7.2 Phénol -34 -59 -55 -70 -51 H2O -85 -67 -26 -74 -30 CO -18 -21 -18 -21 -19 SiO2-5.9 Phénol -26 -52 -30 -51 -27 H2O -76 -55 -39 -58 -24 CO -8 -9 -14 -14 -11 SiO2-4.6 Phénol -42 -82 -33 -65 -76 H2O -20 -81 -32 -63 -67 CO -10 -13 -12 -21 -13 SiO2-3.3 Phénol -34 -117 -35 -77 -24 H2O -34 -51 -24 -70 -19 CO -11 -11 -11 -12 -7 SiO2-2.0 Phénol -30 -120 -38 * * H2O -31 -55 -24 * * CO -14 -13 -11 * * SiO2-1.1 Phénol -26 * * * * H2O -33 * * * * CO -13 * * * *

4.4. Conclusion

La réaction d’hydrodésoxygénation (HDO) est une étape clé dans la valorisation de la lignine. Elle se fait soit par une voie hydrogénante (Hyd), soit par une voie de désoxygénation directe (DOD), cette dernière étant hautement souhaitable car elle limite la consommation d’hydrogène. La sélectivité (promotion de la voie DOD) et l'efficacité (faible effet inhibiteur des sous-produits) de la réaction d’HDO dépendent fortement des propriétés de la surface du catalyseur. Sachant que l'adsorption constitue la première étape du mécanisme catalytique, nous nous sommes focalisés à étudier les propriétés d'adsorption de différentes surfaces cristallines et amorphes de la silice. Les énergies d'adsorption du phénol via trois modes d'interaction (interaction O perpendiculaire "perp O-int", interaction π à plat "flat π-int" et interaction O à plat "flat O-int") et des molécules inhibitrices (l’eau et le CO) sur les surfaces de la silice ont été déterminées et comparées à l'aide de calculs DFT corrigés par la méthode de dispersion D2. L'interaction "flat π-int", où le phénol est parallèle à la surface et interagit avec cette dernière par l'intermédiaire de son cycle aromatique, domine sur toutes les surfaces cristallines, ce qui favoriserait la voie Hyd. Sur les surfaces amorphes, l’interaction "flat O-int" domine et une interaction très spécifique et forte (environ -120 kJ/mol) a été constatée sur les surfaces SiO2-3.3 et SiO2-2.0 où la molécule de phénol perd son aromaticité, ce qui est très prometteur pour sa dégradation dans les conditions catalytiques.

En outre, l’effet compétitif des molécules inhibitrices (l’eau et le CO) est interprété. Nous avons montré que la compétition du CO est négligeable sur toutes les surfaces de la silice, ce qui les rend plus intéressantes que les catalyseurs sulfurés classiques selon ce critère. L'effet inhibiteur de l'eau sur l'adsorption du phénol devrait être important sur les surfaces amorphes ayant une densité de silanol supérieure à 5 OH/nm2. Cependant, les surfaces SiO2 -3.3 et SiO2-2.0 présentent une très faible adsorption d'eau (et du CO) par rapport au phénol. Nos résultats devraient motiver la synthèse de silices amorphes avec une densité de silanols comprise entre 2 à 4 OH/nm2 et leur évaluation catalytique en HDO car ces matériaux pourraient présenter une adsorption très sélective des molécules phénoliques vis-à-vis des sous-produits H2O et CO.

5. Modélisation ab initio pour le procédé de