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CHAPITRE III: Les réponses cellulaires au stress réplicatif

D. L’ADN polymérase Eta

L’ADN polymérase Eta (pol Eta) est une protéine de 78kDa, codée par le gène POLH positionné sur le chromosome 6p21.1. Elle a été identifiée comme étant l’homologue de Rad30 chez la levure (Masutani et al., 1999). Pol Eta, comme les autres membres de la famille Y, est infidèle et présente un taux d’erreur compris entre 10⁻² et 10⁻³ (Johnson et al., 2000).

1. Les domaines fonctionnels de pol Eta

Pol Eta possèdent des domaines biologiques importants pour sa fonction :

 Un domaine catalytique en N-terminal (Kannouche et al., 2001)

 Deux domaines d’interaction à Rev1 (Ohashi et al., 2004 ; Tissier et al., 2004)  Un domaine de liaison à l’ubiquitine (UBZ Ubiquitine Binding Zinc Finger) en

N-terminal. Ce domaine est requis pour l’interaction avec PCNA-monoUb et, pour la relocalisation de pol Eta en foyer (Bienko et al., 2005).

 Deux sites de liaison à PCNA (PIP). Un domaine PIP est situé en C-terminal et l’autre se trouve en amont du domaine UBZ. Les deux domaines sont requis pour la relocalisation de pol Eta en foyers (Haracska et al., 2001 ; Acharya et al., 2008).

 Un domaine de localisation nucléaire NLS.

2. Rôle de pol Eta dans le franchissement des dommages induits par les UV

Pol Eta est la polymérase majeure pour le franchissement fidèle des adduits causés par les UV, le CPD (Cyclobutane Pyrimidin Dimer). Il a été montré, in vitro, que pol Eta était capable d’insérer deux déoxyadénosines en face de deux thymines liées des adduits CPD. Il est à noter que pol Eta réalise seule l’étape d’insertion et d’extension (McDonald et al., 1999 ; Johnson, Washington, Haracska, et al., 2000). Cette capacité est possible grâce à une structure particulière, dite « attèle » qui en plus de son site actif élargi, lui permet de

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prendre en charge les dimères de thymines. En effet une fois, le dimère répliqué, il est toujours présent et induit une déformation de l’ADN, ce qui peut induire des décalages de lecture sur le brin d’ADN néo-synthétisé. Pol Eta, grâce à son brin β, va permettre à l’ADN néo-synthétisé de garder une conformation stable (Biertümpfel et al., 2010). Par contre, pol Eta n’est pas capable de franchir les photoproduits [6,4], autres adduits produits par les UV. Il est proposé que la tolérance de cette lésion repose sur l’action de pol Zeta (Szüts et al., 2008).

Cette capacité à franchir les CPD de façon fidèle rend la déficience en pol Eta particulièrement délétère chez l’homme et provoque le syndrome Xeroderma Pigmentosum

Variant (XP-V) (Masutani et al., 1999 ; Broughton et al., 2002 ; Yamada et al., 2000). Ce

syndrome est classé parmi les autres syndromes Xeroderma Pigmentosum (XP). Les patients atteints de ces maladies ont des mutations dans des gènes codant pour des protéines responsables de la gestion des dommages induits par les UV. Ils sont hypersensibles aux rayonnements UV et ont une prédisposition aux cancers de la peau. Le syndrome XP-V concerne 20% des syndromes XP. Il est montré que les extraits cellulaires des cellules dérivant de patients XP-V présentent des défauts de réplication, après traitement aux UV, résultants d’un défaut de synthèse translésionnelle (Broughton et al., 2002).

Récemment, il a été mis en évidence dans des cellules de patienst présentant un phénotype XPV, un nouveau mutant de pol Eta nommé polη721. Ce mutant porte une mutation faux sens dans son NLS, mais aussi dans le codant stop, allongeant la protéine de 8 acides aminés en C-terminal. Ce mutant est capable de franchir les lésions CPD, d’être recruté à la chromatine après traitement par les UVs. Il interagit avec PCNA mono- ubiquitinylé, et se relocalise au niveau des lésions de l’ADN lorsqu’on le stabilise avec un inhibiteur du protéasome. Il est sujet, cependant, à une dégradation excessive, cause du phénotype XPV chez les patients. Sa dégradation par le protéasome est dépendante de sa poly-ubiquitination. Les ubiquitines ligases CRL4-CDT2 et Pirh2 connues pour ubiquitinyler Pol Eta ne sont pas requises pour cette poly-ubiquitination. Les 8 acides aminés supplémentaires en C-terminal changent la conformation de la protéine, ce qui rend libre d’accès la partie C-terminal pour l’ubiquitination (Ahmed-Seghir et al., 2015).

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Les souris pol Eta -/- présentent un profil identique aux patients atteints XP-V, elles sont viables et fertiles, montrant que pol Eta n’est pas une protéine essentielle. Néanmoins, leurs fibroblastes sont hypersensibles aux irradiations par les UV.

3. Rôle de pol Eta au niveau des sites fragiles communs

Mon équipe d’accueil a mis en évidence un nouveau rôle de pol Eta en dehors de sa fonction de TLS. Par des expériences d’hybridation in situ, il a été observé que l’absence de pol Eta dans les cellules entraînait une augmentation de l’instabilité d’un site fragile commun en particulier, FRA7H des U2OS. Cette instabilité est augmentée lorsque les cellules sont traitées par des faibles doses d’aphidicoline, qui induit, via l’inhibition des ADN polymérases réplicatives, des blocages des fourches de réplication. Ils ont montré qu’en l’absence de pol Eta, il y a une augmentation des aberrations chromosomiques, et que ce phénotype est amplifié dans les cellules XP-V (Rey et al., 2009). Par des expériences d’immunoprécipitation de chromatine, ils ont mis en évidence le recrutement de pol Eta au niveau des sites fragiles communs. Les sites fragiles communs sont capables de former des ADN structurés (Voir chapitre II), qui bloquent l’avancée des ADN polymérases réplicatives, mais pas des hélicases. Pol Eta serait alors recrutée à la fourche pour répliquer au travers de ces structures et permettre ainsi la reprise de la réplication. L’absence de pol Eta entraîne la présence de zones d’ADN non répliquées qui sont transmises aux cellules filles et retrouvées dans des foyers 53BP1 en G1 (Bergoglio et al., 2013).