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L’administration de masse de médicaments dans des situations d’urgence complexes

La période de l’intervention correspondra à celle où le risque de morbidité et de mortalité est le plus élevé, à savoir la saison de forte transmission du paludisme. Si la charge du paludisme est importante toute l’année, l’administration de masse de médicaments peut s’envisager à n’importe quel moment.

Certaines urgences de santé publique complexes, comme la flambée de maladie à virus Ebola (MVE) de 2014-2015, ont des conséquences colossales sur les systèmes de santé en place.

Au cours de cette épidémie, les structures de soins de santé ont été submergées et l’accès aux soins classiques s’est trouvé réduit car le nombre d’établissements de santé opérationnels était restreint, on manquait de personnels de santé et la population avait peur d’être contaminée par le virus Ébola en se rendant dans les structures de santé et les centres de traitement. Il était généralement impossible de faire pratiquer des tests de laboratoire et les tests sanguins pour le dépistage du paludisme ont été suspendus. Tous ces éléments ont affecté la prise en charge des cas de paludisme et entraîné une augmentation de la morbidité et de la mortalité palustres.

En outre, le tableau clinique du paludisme et de la MEV étant similaire, on suspectait les patients atteints de paludisme d’avoir contracté Ébola, augmentant la charge supportée par les unités de traitement de la MEV et exposant les patients « non Ébola » à une infection nosocomiale. Dans ce contexte, l’administration de masse de médicaments antipaludiques a été menée pour tenter de réduire rapidement la morbidité et la mortalité imputables au paludisme, et ainsi réduire le nombre de patients « non Ébola » se rendant dans les centres de traitement Ébola avec de la fièvre.

L’administration de masse de médicaments n’avait pas pour objectif de réduire de la transmission du paludisme dans cette situation d’épidémie de MEV.

2.1.9 Détermination du nombre de tournées

Il est recommandé d’effectuer plusieurs tournées d’administration de masse de médicaments à intervalles réguliers, même si les éléments dont on dispose pour l’heure ne sont pas suffisants pour définir le nombre et la chronologie qu’il faudrait mettre en place dans l’idéal (3). La plupart des campagnes d’administration de masse de médicaments contre le paludisme à falciparum ont consisté en deux ou trois tournées réalisées à un mois d’intervalle et de nouvelles recherches doivent être menées pour déterminer si pratiquer une ou deux tournée(s) pourrait s’avérer suffisant dans certaines situations (9). Les différents contextes sont indiqués dans le Tableau 3.

Lorsque l’administration de masse de médicaments est effectuée pour réduire la transmission ou éliminer le paludisme, plusieurs tournées sont nécessaires pour éliminer les parasites au sein de la population. Si certaines personnes ne sont pas traitées pendant une tournée et qu’il n’y a pas d’intervention supplémentaire, la couverture sera partielle et l’impact concernant la transmission et la charge du paludisme sera plus faible. Réaliser des tournées successives a pour objectif d’obtenir la couverture totale en touchant les personnes que l’on n’avait pas atteintes dans un premier temps et celles qui avaient été traitées au cours des précédentes tournées mais qui ont été réinfectées par la suite, ceci afin de réduire la probabilité que les moustiques soient réinfectés. Il peut être nécessaire de réaliser plusieurs tournées pour obtenir une diminution significative de la prévalence (6,8).

Lorsque l’administration de masse de médicaments est effectuée dans le cadre d’une riposte en cas d’épidémie, le nombre de tournées peut dépendre de la courbe épidémique (taux d’incidence et taux d’atteinte) et de la durée attendue de la transmission.

Lorsque l’administration de masse de médicaments est effectuée dans des situations d’urgence complexes, les tournées doivent être renouvelées de manière à couvrir toute la période durant laquelle la morbidité et la mortalité sont les plus élevées.

ALUDISME À FALCIPARUM

TABLEAU 3.

Principales différences stratégiques entre la planification d’une administration de masse de médicaments pour éliminer le paludisme et la planification d’une administration de masse de médicaments pour une intervention en cas d’urgence (épidémie ou autres situations d’urgence complexes)

CONTEXTE D’ÉLIMINATION

De préférence, comptage des personnes (recensement) ou enregistrement des ménages avant l’administration de masse de médicaments

Comptage des personnes ou enregistrement des ménages guère réalisable

Recensement récent (le cas échéant) Enquêtes menées auprès des ménages (le cas échéant)

Autres distributions de masse ou administrations de masse de médicaments antérieures Calendrier de

mise en œuvre

Laisse d’ordinaire suffisamment de temps pour la planification et la préparation

Peu de temps pour la planification et la préparation (≤1 mois)

Urgence + +++

Coordination des partenaires et des institutions

Nécessaire pour la réussite de la campagne et facile à accomplir

Plus difficile car il est possible que de nombreux protagonistes interviennent, mais indispensable pour garantir l’efficacité de la campagne en peu de temps

Sélection des

médicaments Antipaludique de première intention

à éviter Antipaludique de première intention

envisageable

Pendant la saison de faible

transmission, juste avant le début de la saison de transmission

Pendant le pic de transmission

(morbidité et mortalité les plus élevées), selon le contexte de l’urgence

Nombre de

tournées par an 3 3 (mais pourrait être moins)

Administration de l’antipaludique

Doit être synchronisée au sein de la population cible pour avoir un impact sur la transmission

Conditions préalables à l’utilisation de l’administration de masse de médicaments pour l’élimination : détection active et surveillance des cas en place, diagnostic et traitement rapides de toutes les suspicions de paludisme, et intensification de la lutte antivectorielle

Avec l’objectif de réduire la morbidité et la mortalité palustres, déploiement de l’administration de masse de médicaments en tant que riposte immédiate parallèlement à la mise en place des autres interventions de lutte antipaludique, notamment la prise en charge des cas et la lutte antivectorielle

2.1.10 Élaboration d’un chronogramme

Le chronogramme des activités (voir Annexe 4) limitera les imprévus, évitera des oublis au cours des différentes phases de la planification et contribuera à la réussite de l’intervention. Une fois que la distribution a commencé, il peut s’avérer difficile de corriger une erreur de planification. Une mauvaise planification, telle qu’une sous estimation des quantités ou des délais pour la délivrance des médicaments, peut entraîner des ruptures de stock : non seulement, cela compromettrait les résultats de la campagne mais cela porterait également préjudice à la manière dont la population la perçoit.

Le chronogramme doit montrer l’évolution de toutes les tâches à accomplir pendant les phases de conception, de préparation, de mise en œuvre et d’évaluation de la campagne. Il aide à coordonner les nombreuses activités à effectuer en parallèle et indique le rôle de chaque personne.

Le chronogramme doit contenir :

• une liste des tâches à accomplir, parmi lesquelles la quantification et la commande des médicaments et autres fournitures, la formation, la distribution du matériel, la mobilisation communautaire et le déploiement des équipes ;

• une échéance pour la réalisation de chaque activité ; et

• le nom de la personne responsable de chacune des activités.

Lorsque l’on décide des dates auxquelles la distribution aura effectivement lieu, il convient de tenir compte des activités et des horaires de travail de la population, des fêtes religieuses et des jours fériés, si l’on veut assurer une couverture élevée.

2.1.11 Élaboration du budget

Les éléments suivants doivent être inclus dans le budget prévisionnel :

• le médicament pour l’administration de masse ;

• au niveau logistique :

- les frais d’enregistrement,

- le transport international du médicament (par exemple, fret international, assurance, dédouanement, droits ou taxes d’importation, possibilités de dérogations),

- test de contrôle qualité avant ou après expédition (le cas échéant), - stockage du médicament antipaludique et des autres fournitures,

- transport : véhicules (voitures, camions, motocyclettes, bateaux, vélos), carburant ;

• l’équipement et les fournitures supplémentaires pour la distribution : cartes à grande échelle pour la planification globale et cartes détaillées pour guider les équipes pendant l’intervention, cordes, clôtures, bâches en plastique, mégaphones, craies ou autre matériau pour marquer les maisons, vêtements de pluie (si l’administration de masse de médicaments est réalisée pendant la saison des pluies), sacs à dos, récipients, autre matériel spécifique au contexte (pour la sécurité biologique, par exemple) (voir la liste complète des objets supplémentaires qui sont nécessaires pour la distribution de porte-à-porte et la distribution centralisée sur un site fixe dans la section 2.3.1) ;

• le matériel administratif : par exemple, cartes, tampon dateur, feuilles de pointage quotidiennes, fiches récapitulatives, fiches de supervision, feuilles de présence, cahiers d’enregistrement, papeterie ;

ALUDISME À FALCIPARUM

• le support d’information pour les campagnes de mobilisation sociale et de communication ;

• les salaires du personnel, les indemnités journalières de subsistance, les frais de transport ou de nourriture, les objets permettant l’identification ;

• les supports de formation et documents pour la supervision ;

• les moyens de communication : téléphone, recharge de crédit pour le personnel, radio ;

• le matériel pour le suivi et l’évaluation : par exemple, écrans, enquêtes, suivi de la résistance ; et

• le matériel pour la pharmacovigilance.

Il est important aussi bien d’estimer le coût de chaque ligne budgétaire que d’identifier les sources de financement. Tous les partenaires et les groupes spéciaux doivent avoir l’opportunité d’examiner le plan budgétaire et de faire des suggestions, et la version finale devra leur être présentée.

Ce travail doit être l’occasion d’estimer le coût total de l’activité et d’analyser le coût par personne traitée.

2.2 PLANIFICATION ET PRÉPARATION 2.2.1 Microplanification

Une fois la campagne conçue dans sa globalité au niveau national, l’étape suivante consiste à définir un microplan au niveau local (de la région, du district, de la communauté) pour les stratégies choisies, conformément aux lignes directrices nationales. Le microplan doit garantir que le bon traitement et le matériel nécessaire soient disponibles en quantités appropriées, au bon endroit et en temps opportun afin de couvrir la totalité de la population ciblée. Cela passe par la répartition des fournitures, la formation du personnel, la coopération de la communauté, une bonne coordination de la distribution et une gestion appropriée des ressources.

La microplanification permet de gérer ces aspects en calculant les impératifs d’après les besoins locaux, en identifiant ce dont on dispose et en demandant ce qui fait défaut. Les partenaires concernés doivent être associés à la microplanification, à savoir :

• le personnel de santé ;

• les agents de santé et les volontaires communautaires ;

• les conseils locaux ;

• les responsables communautaires ou les représentants des villages ;

• les chefs religieux ;

• les médias ;

• les organisations de la société civile ;

• les associations féminines ;

• les organisations de proximité ; et

• les écoles et les établissements d’enseignement supérieur.

Le microplan doit répertorier les éléments suivants :

• données démographiques :

- la population cible totale du district concerné par l’administration de masse de médicaments,

- le nombre de communautés, villages et quartiers dans le district,

- la population cible dans chaque communauté, village et quartier, avec une ventilation par tranche d’âge,

- le degré de connaissance de la population par rapport à l’administration de masse de médicaments contre les maladies tropicales négligées,

- les proportions de personnes dans les zones urbaines et les zones rurales afin d’adapter les impératifs logistiques (voir le Tableau 1 qui décrit les différences dans la mise en œuvre de l’administration de masse de médicaments en fonction du contexte urbain ou rural),

- les mouvements de population,

- selon l’effectif de la population cible et le contexte (situation d’urgence ou élimination), enregistrement des ménages ou registres de recensement de la population cible répertoriant tous les ménages au sein d’une communauté, avec un numéro d’identification, et précisant noms, âges et sexe, village, chef de famille, coordonnées (le cas échéant) et statut de résidence (permanent, temporaire ou visiteur). Par la suite, cette liste peut être utilisée pendant la distribution pour suivre la couverture et garder une trace des ménages qui ont été vus, des personnes qui étaient absentes dans un ménage et autres détails ;

• informations sur la zone :

- cartes indiquant les routes principales, les villages, les villes et les quartiers,

- infrastructures dans la zone (par exemple, électricité, eau, carburant à disposition), - emplacement des établissements de santé et zones desservies,

- zones ou populations difficiles à atteindre à cause de facteurs géographiques, climatiques, culturels ou liés à un manque de sécurité, et solutions proposées pour les atteindre,

- lieu où le médicament et le reste du matériel seront stockés, puis prépositionnés pour la distribution, et

- distances et temps de trajet de la zone centrale vers chaque communauté, village ou quartier, les structures de santé, les sites de stockage et les sites de distribution (pour la stratégie centralisée sur site fixe) et état des routes ;

• calendrier de l’administration de masse de médicaments dans le district : de préférence, en précisant les jours et les heures pour certaines rues ou quartiers, de sorte que les personnes puissent prendre leurs dispositions pour être chez elles ;

• stratégies de délivrance (centralisée sur site fixe ou de porte-à-porte) ;

• ressources humaines et formation :

- le nombre de personnes dont chaque équipe de distribution devrait s’occuper (qu’il s’agisse d’une distribution de porte-à-porte ou centralisée sur site fixe),

ALUDISME À FALCIPARUM

- le nombre d’équipes nécessaires pour couvrir l’ensemble des communautés dans le district,

- le nombre d’équipes par superviseur ou superviseuse, - le nombre de superviseurs nécessaires par district, - les ressources humaines présentes dans le district,

- le nombre d’équipes et de superviseurs pouvant être rassemblés par session de formation, et

- le nombre de jours nécessaires pour former le personnel ;

• données logistiques :

- si l’on décide d’avoir recours à une distribution centralisée sur site fixe, le nombre et l’emplacement des sites de distribution, la population desservie par site, les équipes par site, etc.,

- les endroits où le personnel peut passer la nuit,

- le nombre de véhicules nécessaires pour transporter les équipes et les superviseurs, et le nombre de véhicules disponibles localement,

- la quantité de carburant nécessaire pour le transport, - la quantité de matériel nécessaire par équipe, et - le matériel nécessaire pour les activités de formation ;

• un plan de mobilisation sociale et de communication ; et

• un plan de pharmacovigilance :

- formation des agents de santé et des volontaires communautaires,

- planification des visites de suivi actif (jours 3-7), selon le profil d’innocuité du médicament,

- nombre et emplacement des établissements de santé qui s’occuperont de traiter les personnes en cas d’effets secondaires,

- centres d’orientation recours pour la gestion des évènements indésirables graves, - distribution et remplissage de formulaires de notification des effets indésirables

médicamenteux, et explications dans les établissements de santé, et - soumission de rapports et communication avec les parties prenantes.

Le microplan qui a été utilisé en Sierra Leone en 2014-2015 pour l’administration de masse de

médicaments antipaludiques durant la flambée de MVE est présenté dans l’Annexe 5 à titre d’exemple.

2.2.2 Logistique

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