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CHAPITRE 2 : L’AVENEMENT DES LOGIQUES COLLABORATIVES

1.3. L’adhocratie, anti-thèse de la bureaucratie

Pour présenter l’adhocratie, nous nous appuierons sur les travaux de Mintzberg (1982) pour décrire ce modèle organisationnel, lui-même reprenant pour partie les travaux de Toffler (1970). C’est ce dernier qui le premier proposa l’expression « adhocratie » pour désigner à la fois une organisation souple capable de s’adapter et une organisation capable de répondre positivement aux craintes éprouvées par les personnes vis-à-vis des dérives – réelles ou supposées – des systèmes bureaucratiques :

Nous sommes en fait les témoins de l’apparition d’un nouveau système d’organisation qui va peu à peu contester le pouvoir de la bureaucratie avant de la supplanter définitivement. Ce régime du futur, je l’appellerai l’ « ad-hocratie ». L’homme rencontrera bien des difficultés pour s’adapter à ce type d’organisation d’un style nouveau. Mais au lieu d’être prisonnier d’une niche qui broierait sa personnalité, il sera libéré et entrera dans un monde inconnu, sans forme fixe, d’organisations mouvantes. Sa position dans ce paysage étrange sera sans cesse changeante, fluide et mobile. Et ses liens avec les institutions, tout comme ses liens avec les choses, les lieux et les gens, se renouvelleront à une allure frénétique et toujours plus rapide. (Toffler, 1970, p. 129)

Ainsi, l’ad-hocratie – qui deviendra par la suite un mot unique et non composé – désigne une organisation générale, fluide, mouvante, qui apparaît en réponse à une attente sociale en tout premier lieu. Ses caractéristiques premières sont à la fois le mouvement et la liberté, en opposition avec les caractères statiques et aliénants des bureaucraties. Une définition plus actuelle de Poulingue (2007) complète en insistant sur l’importance de l’activité :

Organisation temporaire dotée de différentes expertises métiers et capable de se coordonner par un consensus émergent. Cette structure flexible se manage par objectifs négociés en s’appuyant sur des équipes multifonctionnelles. Ces dernières permettent d’adapter l’organisation à un environnement changeant et complexe. (p. 92)

Cette définition est très proche de celle proposée par Durand concernant le travail collaboratif, qu’il définit comme « une mise en convergence contrôlée des activités individuelles » (2009, p. 16). Dans ces perspectives, le noyau de l’adhocratie, c’est l’activité et non la façon dont elle est organisée. Cette activité pouvant varier, il est alors nécessaire de pouvoir s’organiser et se réorganiser continuellement de façon à pouvoir assurer l’activité. Cette capacité fait d’elle une organisation complexe, car c’est à la fois une organisation capable de se structurer et se restructurer régulièrement et rapidement, et en même temps la structure organisationnelle la moins structurée (Mintzberg, 1982). Sa complexité prend sa source dans sa capacité à tolérer un degré d’organisation initiale très faible tout en conservant une faculté à s’auto-organiser et se transformer régulièrement et par elle-même.

Ainsi ce n’est pas l’organisation qui dicte l’activité, mais l’activité qui dicte l’organisation. Pour qu’une telle organisation soit si adaptable et souple, il faut que ses caractéristiques particulières de fonctionnement accordent une grande importance à l’ajustement mutuel et à la souplesse. A l’origine de ce modèle

organisationnel d’un point de vue économique12, la volonté de pouvoir répondre de la façon la plus efficace et personnalisée aux demandes et sollicitations des clients et mener à bien les projets qui lui sont confiées. Le cabinet conseil constitue l’exemple type de cette façon de fonctionner, mais elle sera plus tard reprise par d’autres secteurs (la santé notamment, qui parle de « travail en réseau ») également soucieux de proposer un cadre souple et adaptable susceptible de permettre une prise en charge personnalisée des clients / bénéficiaires / patients, etc.

La capacité à s’auto-organiser

Un fonctionnement peu structuré ne signifie pas pour autant un fonctionnement désorganisé ou anarchique : il y a une intelligence et une logique derrière le mouvement permanent et peu lisible pour l’observateur extérieur. Le contraire de l’organisation n’est pas la désorganisation, il existe bien des principes qui régissent l’existence des structures adhocratiques, mais ils sont très différents de ceux jusqu’ici employés. Les travaux présentés précédemment insistaient tous sur la nécessaire rationalisation de l’activité. Cette rationalisation était plus ou moins compliquée, faisait intervenir un nombre plus ou moins important de variables, accordait plus ou moins de latitude à ses travailleurs, mais dans tous les cas la séparation entre les décideurs/concepteurs et les opérateurs étaient toujours stricts, et elle s’opérait toujours en amont. Dans l’adhocratie, il n’est pas possible de rationaliser l’organisation d’avance, puisque chaque projet sera différent. L’organisation doit donc passer par la capacité des équipes à s’auto-organiser autour du projet, et au responsable du projet à canaliser et coordonner les actions des équipiers.

Si ce type de fonctionnement trouve bien une légitimité économique, c’est surtout son soubassement théorique qui va nous intéresser ici : en effet, pour qu’une équipe s’auto-organise, il faut disposer du cadre de pensée théorique comme méthodologique permettant de croire en cette possibilité, de la penser. Comme le résume Mucchielli (1984, p. 73) :

Celui qui s’imagine qu’en disant à des ateliers « vous devez vous auto-organiser » ou en disant à des groupes « vous êtes en auto-gestion », il va voir se réaliser des équipes fonctionnant de façon harmonieuse, coopérative, efficace et capables de s’auto-structurer… celui-là a une vision utopique de la réalité humaine. Utopie généreuse, mais utopie quand même.

Cette organisation nécessite une « transformation des structures de l’organisation sociale concernée » (p. 74) : pour qu’un tel mode de fonctionnement soit envisageable, il faut avant tout que l’environnement, la structure accueillant cette organisation soit propice, qu’elle accepte de ne pas chercher à rationaliser en amont le

12 Rappelons que les années 70 seront le théâtre de deux chocs pétroliers qui dégraderont la situation et les perspectives économiques et amèneront un remaniement progressif de la façon d’envisager l’activité économique dans les organisations.

processus et bien qu’elle accepte de laisser le soin à l’équipe d’affronter par elle-même la complexité du projet. Comme le résume Lerbet-Sereni (citant Le Moigne) : « plutôt qu’appliquer des modèles, s’appliquer à modéliser » (2012, p. 322). C’est-à-dire : laisser le soin aux acteurs du projet de réfléchir et comprendre leur action, pour ensuite dans une boucle réflexive continue agir et concevoir, concevoir et agir, dans un même mouvement d’action et d’apprentissage continu.

Surtout, il faut qu’elle accepte le caractère fondamentalement humain du travail, y compris ses manques, ses limites, ses différences.

Pas de prétention au savoir total dont les relents totalitaires nous sont familiers, pas d'illusion non plus sur la vanité d'un homme-machine à traiter de l'information c'est-à-dire des quantités, mais un savoir d'humain exigeant et limité, qui n'est pas effrayé par les contradictions, et qui tente de penser et agir avec elles et par elles, de modéliser aussi cette complexité-là. (p. 322)

Ce paradigme, qui correspond à la volonté de ré-humaniser le travail, vient accepter deux choses : l’erreur, et le fait que c’est le travailleur qui est le plus à même d’organiser son travail. L’erreur, car en acceptant d’humaniser le travail, on accepte aussi que plusieurs possibilités d’action sont envisageables, que certaines sont peut-être plus efficaces que d’autres, que le projet connaîtra peut-être des ratés, des cahots – voire le chaos ? –, ou au contraire des découvertes hasardeuses, des accélérations formidables. Le fait que c’est le

travailleur qui est le plus à même d’organiser son travail, car, moins que le chef, c’est surtout l’homme qui

organise son activité car il connaît son activité et sait s’organiser selon les contraintes spécifiques de son travail.

Ainsi, l’homme organise son travail, et le travail organise l’homme : nous sommes en présence d’une perspective systémique en rupture avec les logiques causales bureaucratiques. D’un point de vue conceptuel, cette approche est rapidement rapprochée et intégrée à la psychologie sociale par le biais de l’homomorphisme entre les paradigmes de groupe et de système (Anzieu et Martin, 2004, p. 161) ; en psychosociologie, où les psychosociologues repèrent rapidement les parallèles entre l’intervention psychosociologique fondée sur la mise en réflexion de situations professionnelles par ses acteurs et les approches plurielles et maïeuticiennes, à tel point que la complexité bénéficie de son entrée dans le vocabulaire de psychosociologie (Pagès, 2006, p. 84) :

La démarche complexe est donc loin de se satisfaire du fouillis du réel, du foisonnement des déterminants, pas plus que d’un ordre arbitraire qui lui serait imposé de force ou d’une synthèse englobante réduisant sa diversité. Elle recherche de nouveaux principes d’ordre tenant compte de la diversité des parties et de leurs rapports, des formes de connaissances moins mutilantes et illusoires. Elle ne renonce, ni à la clarté et à la précision du travail scientifique, ni à la science elle- même, bien au contraire, mais à un idéal scientifique mégalomaniaque, habité par la volonté de

toute-puissance : « la pensée complexe est animée par une tension permanente entre l’aspiration à un savoir non parcellaire, non cloisonné, non réducteur, et la reconnaissance de l’inachèvement et de l’incomplétude de toute connaissance » (Morin, 1990)

Les perspectives qu’ouvrent ces champs sont d’importance, et permettent l’étude de processus relationnels susceptibles d’être observés dans les fonctionnements adhocratiques (et plus tard… collaboratifs), par exemple :

• L’influence de la forme des réseaux de communication sur la performance (Leavitt, 1951) ; • Les facteurs et inhibiteurs de l’auto-organisation (Leavitt, 1960) ;

• Les décisions interdépendantes (Watzlawick, 1976/1978) ; • La norme de réciprocité (Gouldner, 1960) ;

• La prise de décision interdépendante et les processus de coopération (Axelrod, 1984) qui expliquent les processus de coopération dans un monde « égoïste » (p. 3) malgré l’absence d’une « autorité centrale » (p. 3) ?).

Cette liberté accordée à l’auto-organisation donne naissance à des alternatives à l’organisation du travail, « fondées sur des valeurs assez radicalement différentes [des modèles bureaucratiques], issues des utopistes du XIXe siècle » (Chevetzoff, 2016, p. 32) comme le travail en autogestion ou par équipes semi-autonomes, définies comme « composées de membres interdépendants et collectivement responsables d’au moins la planification, l’exécution et le contrôle du travail tout en étant assistés par un coordonnateur qui les soutient et assure la liaison avec l’organisation » (Savoie et Brunet, 2000, p. 176, s’appuyant sur les travaux de Savoie et Beaudin, 1995) ; ou encore la direction participative par objectifs, qui se présente comme s’opposant aux systèmes jusqu’ici observés de direction par contraintes et qui vise « l’amplification des énergies humaines » (Gélinier, 1968, p. 8). Ces modèles, s’ils sont d’une gestion complexe, favorisent l’autorégulation et véhiculent une certaine horizontalité, voire « des tendances à l’indifférenciation [qui] ont tendance à délégitimer les fonctions de la conduite au nom de l’égalité et de l’autonomie : ‘On n’a pas besoin de chef’ » (Chevetzoff, 2016, p. 33), rappelant en cela les logiques collaboratives revendiquant un fonctionnement ne reposant pas sur un système hiérarchique mais sur un projet.

Le fonctionnement par projet

L’autre caractéristique majeure de l’adhocratie est le projet. L’organisation « permano-temporaire » (Poulingue, 2007, p. 91) qu’elle constitue est structurée autour du projet, qui représente un élément premier et même

vital : « l’adhocratie opérationnelle ne survit que si elle trouve des projets » (Mintzberg, 1982, p. 389). Premier,

car l’activité est centrée sur le projet, et l’organisation est toute entière adaptée à ce type de travail : sans projet, pas d’activité. Vital, car c’est une organisation qui est temporaire, ponctuelle, perpétuellement en lutte pour se maintenir et se développer (c’est-à-dire, trouver de nouveaux projets, et donc générer de l’activité au sens économique du terme).

Le projet est donc à la fois un outil (fonctionnement par projet, management par projet) et une organisation. Les conséquences de ce type de fonctionnement sont les suivantes, et nous allons les commenter :

• Les projets sont multiples, parfois menés de front et/ou en concurrence. • Chaque projet étant différent, il n’est pas possible de standardiser le processus. • Les phases de conception et de réalisation sont dans la plupart des cas confondues. • Le pouvoir de décision est plus largement distribué, et les responsables se multiplient. • Chaque projet est mené par un groupe projet plus ou moins autonome.

Les projets sont multiples, parfois menés de front et/ou en concurrence.

Il serait en effet plus juste de dire que l’adhocratie fonctionne par projets plutôt que par projet, ou même par

projet(s) pour intégrer le projet comme outil et organisation. Il ne s’agit donc pas d’une organisation s’auto-

organisant pour travailler sur un projet, mais de plusieurs groupes auto-organisés travaillant chacun sur un ou plusieurs projets différents, au sein d’une organisation plus grande, qui se reconfigure constamment alors que les projets se présentent et sont investis.

Cela [le management par projet] consiste à former des équipes à court terme chargées de résoudre des problèmes précis. On les dissout ensuite, comme on démonte les terrains de jeu mobiles, et on redistribue différemment les composantes humaines. On les rassemble parfois à la hâte pour une durée de quelques jours, parfois elles sont prévues pour plusieurs années. Mais à la différence des services ou des secteurs d’une affaire bureaucratique traditionnelle, qui sont censés être stables, l’équipe de projet ou d’intervention est temporaire par principe. (Toffler, 1970, p. 135)

L’hypothèse d’un groupe travaillant sur plusieurs projets est également envisageable : là encore, nous pouvons voir en quoi cette organisation préfigure ce que sera plus tard le travail collaboratif, qui revendique les mêmes caractéristiques. Cette multiplication s’explique pour des raisons économiques et humaines : économique, car multiplier les projets, c’est s’assurer une plus grande stabilité financière, et limiter la probabilité d’une période sans projet – qui serait une période mortifère. Humaine, car elle s’explique aussi par la volonté supposée d’une partie au moins des acteurs de ne pas toujours travailler sur le même objet, ou dans la même organisation, voire les deux (Toffler, 1970).

Chaque projet étant différent, il n’est pas possible de standardiser le processus.

Chaque projet étant a priori unique, l’adhocratie est par nécessité une « structure très organique avec peu de formalisation du comportement » (Mintzberg, 1982, p. 376). Cette volonté d’adaptation n’est pas considérée comme un mal nécessaire comme cela pourrait être le cas dans des organisations plus traditionnelles, mais comme une force, une capacité à inventer et s’inventer continuellement : « innover signifie se placer en rupture

avec les routines établies. L’organisation innovatrice ne peut donc s’appuyer sur aucune forme de standardisation pour coordonner ses activités » (p. 377).

Ici, point de chaînes de montage (physiques comme intellectuelles), le projet comme la façon de le concevoir et de le mettre en œuvre est nécessairement nouveau puisque le projet est unique et singulier. S’il est parfois possible de recycler ou de s’inspirer de projets passés, il n’en reste pas moins que presque tout est à refaire depuis le début. La standardisation est à éviter, car elle viendrait potentiellement limiter le processus créatif. En effet, c’est cette volonté de ne pas standardiser et répéter les mêmes processus de conception et de mise en œuvre qui permet l’innovation : innover c’est avant tout s’interdire de répéter. Comme le rappelle March et Simon (1964, p. 179-180), standardisation et créativité sont à opposer :

« la loi de Graham implique que si toutes les ressources d’une organisation sont employées à la mise en œuvre des programmes existants, la procédure de l’innovation de nouveaux programmes sera, au mieux, lente et intermittente.

L’innovation n’est possible qu’en sortant des processus préétablis. Appliquer systématiquement les mêmes modèles ne permet pas de découvrir de nouvelles choses, ou au mieux de les découvrir par sérendipité, ce q ui n’est ni fiable, ni rentable, ni sûr comme façon de procéder. L’originalité de l’adhocratie est de considérer la nouveauté et la nécessaire innovation comme faisant partie du fonctionnement normal de la structure, contrairement aux logiques administratives et bureaucratiques qui doivent impérativement respecter les process établis, et donc transformer la nouveauté en procédure avant de pouvoir la considérer positivement et la mettre en œuvre – même si cette transformation lui fait bien souvent perdre son caractère novateur.

Les phases de conception et de réalisation sont dans la plupart des cas confondues.

Nous retrouvons une partie des prémisses de la méthodologie du projet telle que Boutinet (1990) la propose, notamment lorsqu’il parle de la nécessaire « singularité d’une situation à aménager » (p. 253), de « la gestion de la complexité et de l’incertitude » (p. 254) et de « l’exploration d’opportunités dans un environnement ouvert » (p. 254). Un vrai projet ne peut être considéré que comme une production unique, singulière, en réponse à une situation elle-même particulière et sans équivalent. L’adhocratie se propose donc d’être une organisation apte à encadrer ce processus de création et d’innovation autour de la mise en œuvre d’un projet. On observe dans les faits une remarquable porosité entre les phases de conception et les phases de réalisation, porosité repérée et commentée par Mintzberg :

Une caractéristique essentielle de l’Adhocratie Opérationnelle est que les activités administratives et opérationnelles tendent à y être confondues dans un seul effort : dans le cadre d’un projet, la planification et la conception du travail sont difficiles à distinguer de l’exécution. (1982, p. 381)

Cette confusion ne signifie pas désorganisation : les concepteurs (qui conçoivent la façon dont le travail doit être effectué) et les opérateurs (qui mettent en œuvre le travail) restent formellement définis et repérables, cependant, dans les faits, les essais-erreurs et les allers retours nécessaires amènent souvent les opérateurs à expérimenter – et se faisant, participer à l’élaboration –, et les concepteurs à envisager leur travail sous un angle très pratique et concret – et se faisant, à opérer. Nous retrouvons dans cette logique itérative un des prémisses de la méthodologie du projet de Boutinet (1990) lorsqu’il parle de « l’unicité de l’élaboration et de la réalisation » (p. 252). La division entre l’organisation du travail et sa mise en œuvre n’est pas aussi stricte que dans les modèles industriels et bureaucratiques.

De ce fonctionnement spécifique, dicté par la pratique et le bon sens, se dégage un fonctionnement horizontal spécifique.

Le pouvoir de décision est plus largement distribué, et les responsables se multiplient.

De cette organisation découle deux conséquences : l’importance des relations interpersonnelles, et l’exercice d’un pouvoir particulier. Si l’organisation des groupes est fondée sur le critère d’efficacité, d’utilité, alors les groupes se font et se défont au gré des projets, parfois à un rythme important :

Elles [les équipes] « changent actuellement de structure interne avec une fréquence – et parfois avec une brutalité – qui fait valser les têtes. Les titres changent de semaine en semaine. Les postes sont transformés. Les responsabilités changent de mains. Des vastes structures organisationnelles sont démantelées, remontées sous de nouvelles formes, puis arrangées de nouveau. Des départements et des divisions apparaissent en un jour pour disparaître le lendemain » (Mintzberg, 1982, p. 377, citant Toffler, 1970).

Cette aptitude à la réorganisation est parfois qualifiée d’organique, mais le terme reste impropre. S’il rend bien compte du potentiel évolutif de l’organisation, il ne rend pas correctement compte de son rythme ou de sa fréquence, parfois terrible comme le relève Toffler : très peu d’organismes peuvent se faire pousser des membres ou des têtes à volonté. En réalité, charge aux travailleurs de l’organisation de rendre cette adaptation possible, en se reconfigurant en bonne intelligence : c’est ce que Mintzberg qualifie d’ajustement mutuel. Mais plutôt que de raisonner à l’échelle des individus ou des relations interindividuelles, nous préférons raisonner en termes de groupes et d’équipes.

Chaque projet est mené par un groupe projet plus ou moins autonome.

La dernière caractéristique de l’adhocratie sur laquelle nous souhaitons mettre l’accent est la notion de groupe

de projet ou groupe-projet. Elle est très intéressante pour le collaboratif car elle lie de façon indissoluble le

groupe et le projet. Si nous avons vu qu’il n’y avait pas de groupe sans projet, la réciproque est tout aussi vraie. La constitution, la vie et la mort du groupe sont directement liées à celle du projet : pas de projet, pas de

groupe. En cela, c’est une différence importante par rapport à l’organisation traditionnelle du travail, dans

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