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L’échelle de temps considérée remet en question le caractère « adapté » du troupeau et de la race aux conditions d’élevage établies par l’éleveur. En Thessalie, les nombreux ajustements entre système alimentaire et composition génétique du troupeau réalisés sur les 20 dernières années montrent que la modification d’une composante du système alimentaire peut suffire à rendre un troupeau « adapté », du point de vue de l’éleveur, à son nouvel environnement de production (Chapitre 6). Or la part de gestion des aléas prise en charge par l’éleveur (Vallerand, 1988) est un facteur qui varie au fil du temps. Les éleveurs de Thessalie ont par exemple accepté, pendant plusieurs années, l’augmentation des inputs alimentaires qui permettrait une expression maximale du potentiel génétique de races fortement productives d’origines différentes, compte tenu du contexte économique alors favorable (prix du lait, prix des aliments, subventions) (Perucho et al, 2015). Le contexte étant différent aujourd’hui, les besoins alimentaires des races choisies remettent en question les choix de composition génétique. Enfin, ces ajustements montrent qu’une composition génétique « adaptée » n’est ni un état fixe ni le résultat d’un processus linéaire, mais que cette adaptation est constamment remise en question par la valorisation sur les produits et la possibilité de développer des modes d’élevage spécifiques de la race locale choisie, notamment l’élevage sur communaux (Chapitres 4 et 6). En Corse, la gestion de la race par le schéma de sélection et l’évolution géographique et structurelle de l’élevage ovin questionne les éleveurs sur le maintien de certaines qualités de la race Corse au fil du temps : adaptation au parcours, facilité de traite, adaptation à la transhumance (Chapitre 3 et 5). Or nous avons vu précédemment que cette perception des TOIs de la race jouait un rôle important dans les PGG mises en œuvre à l’échelle de l’élevage pour mettre en adéquation troupeau et environnement de production. Ces exemples issus des deux terrains confortent donc l’idée que l’adaptation d’un troupeau à son environnement de production (i) doit se compléter de l’analyse des modes de valorisation possibles de ce troupeau ou de la race le composant dans un territoire spécifique (e.g. Lauvie et al, 2011 ; Audiot et al, 2004) ; et (ii) ne peut s’envisager en dehors des évolutions phénotypiques sur le long terme de la/des race(s) qui l’alimente(nt), au gré des activités humaines participant directement ou non à sa/leur gestion (e.g. Lauvie et al, 2015 ; Couix et al, 2016 ; Verrier, 2011; Vissac, 2002) (Tableau 18).

En Thessalie, des types génétiques ou races « adoptés » et élevés dans des conditions différentes peuvent ainsi devenir « adaptés » à ce nouvel environnement de production, comme

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l’illustrent Couix et al (2016) avec le cas des races Montbéliarde et Simmental dans le Grand Ouest de la France, c’est-à-dire hors de leur berceau d’origine respectif et dans le cadre de systèmes d’élevage sensiblement différents de ceux usuellement rencontrés dans ce dernier. Au sein d’une même race locale, les éleveurs peuvent potentiellement agir sur les qualités rustiques de leurs animaux (e.g. Meuret, 2011) et concourir à des hétérogénéités intra-race sur les TOIs « de rusticité » telles que celles suggérées par les éleveurs Corses.

L’analyse des PGG réalisée au cours de la thèse :

 Permet de confirmer l’imbrication de différents niveau d’organisation, échelles de temps et moteurs d’adaptation dans la compréhension des mécanismes d’adaptation (terme utilisé au sens large et incluant robustesse et rusticité).

 Montre l’intérêt de définir l’adaptation d’un troupeau, non pas simplement au regard des traits des individus ou races le composant, mais aussi en fonction des changements démographiques dont il est l’objet.

 Compte tenu des significations complexes et individus-dépendantes de « l’adaptation » ou « la rusticité » d’un animal ou d’une race du point de vue de son gestionnaire, ces deux concepts se prêtent peu à la quantification ou à la mesure. La robustesse, telle qu’elle est définie aujourd’hui, paraît un cadre théorique pertinent pour (i) poursuivre la caractérisation de la réponse animale à des contraintes spécifiques (ii) évaluer/estimer par la suite la distribution de cette réponse dans des niveaux d’organisation supérieurs. Cette distribution ne peut pour autant constituer une raison suffisante pour introduire ou non une race ou un type génétique nouveau dans un groupe d’élevages, décision à confronter aux exigences que mettent les éleveurs derrière les termes « d’adaptation » et de « rusticité ».

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AUTEURS CONCEPT (NIVEAU D'ORGANISATION CONSIDERE)

PRINCIPALES CARACTERISTIQUES Tesnieres et al, 2013

Despret, 2011

Thompson, 1997 cité par Hubert, 2011 Casabianca, 2011

Meuret, 2011 Pellegrini, 2007

Rusticité (Animale/Race/Troupeau)

Qualité intégrant une part socialement construite : TOIs souhaités par l'éleveur et exigences de l'homme, illustrant rapports homme /animal

Multiplicité des TOIs concernés

Rusticité spécifique d'un milieu biologique, économique et social

Flamant et al, 1979 cités par Tesnieres et al, 2013

Rusticité (Race)

Dimension statique (adaptation à un milieu spécifique, biologique) et dynamique (potentiel d'adaptation à une gamme de milieux variés)

Caractère adapté et adaptable

Vallerand, 1988

Rusticité (Animal/Troupeau/Population animale)

Non quantifiable - Relatif à l'autonomie de l'animal pour la gestion des aléas non pris en compte par l'homme

Adaptation comme part quantifiable de la rusticité (aptitudes zootechniques) Dumont et al, 2007 et d'Hour et al, 1995 cités par Brunschwig et Blanc,

2011

Phocas et al, 2014c Blanc et al, 2013

Bocquier et Goznalez-Garcia, 2010 et Knap, 2005 cités par Phocas et al, 2014c

Waddington, 1940 et Strandberg, 2009 cités par Blanc et al, 2013 Bodin et al, 2010

Blanc et al, 2010 cités par Blanc et al, 2013 Brunschwig et Blanc, 2011

Sauvant et Martin, 2010

Robustesse (Animal/TOI)

Maintien de performances dans un milieu donné : réponse à une perturbation ou contrainte.

Caractère adaptable à une gamme d'environnements divers

Décomposable en composantes comportementale ou physiologique.

Interactions entre fonctions physiologiques: étude d'un TOI mis en relation avec autres TOIs dans le niveau agrégé "animal"

Phocas et al, 2014c Bocquier et Gonzalez-Garcia, 2010 Minery et al, 2013 Bouix, 1992 Mandonnet et al, 2011 Blanc et al, 2006

Adaptation/Capacité adaptatives (Animal/TOI)

Interactions génotype - milieu

161 François, 2010

Mirkena et al, 2010 Dwyer et Lawrence, 2005

Adaptation/Capacités adaptatives (TOI)

Quantifiable

Réponse pour un TOI donné (indépendamment du caractère transposable de cette réponse à un autre environnement)

Hoffmann, 2013

Petit and Boujenane, 2017 FAO/WAAP, 2008

Adaptation (Race)

Etat caractérisé par le milieu naturel et de gestion des conditions d'élevage dans lequel une race évolue

Oseni et Bebe, 2010 Paoli et al, 2013 Tesnieres et al, 2013

References Chapitre 5

Adaptation (Animal/Race/Espèce)

Du point de vue de l'éleveur Décomposable en TOIs

Indicateurs des TOIs directement mesurables ou non Lauvie and al, 2015

Lauvie, 2011 Paoli et al, 2013 Couix et al, 2016 Verrier, 2011

Adaptation (Race/Population animale)

Qualité dépendante des échelles de temps considérées : état valable à un temps t et pour un ensemble d'acteurs donnés

Hétérogénéités possible au sein des races (définies comme construction sociale) Liée à contraintes du milieu mais aussi souhaits/opportunités de valorisation Gunia et al, 2011

Adaptation (Animal/TOI)

Extension de la robustesse à des milieux non nécessairement contraints Caractère transitoire ou définitif (acclimation/adaptation génétique) Tichit et al, 2008

Vallerand, 1988

Ollion et al, 2013 et Puillet et al, 2013 cités par Blanc et al, 2013 Jouven et al, 2009

Nozieres et al, 2011 Douhard, 2013

Rusticité, Robustesse, Adaptation/Capacités adaptatives (Troupeau)

Variabilités génétique et biologique individuelles combinées sous l'action de l'homme

Nicotra et al, 2015 Phocas et al, 2014c

Wiliams et al, 2008 cites par Hoffmann, 2013 Germain, 2011

Rusticité, Robustesse, Adaptation/Capacités adaptatives (Population animale)

Hétérozygotie maximum

Combinaison de variabilités génétique et biologique individuelles (non nécessairement causée par l'action de l'homme)

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7.3. Proposition d’objets d’étude et choix méthodologiques

pour prolonger l’analyse de l’adaptation animale via les

pratiques d’élevage

Caractérisation du système alimentaire et élevage