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Section 1 : L’évolution passée de la liberté précontractuelle : d’une liberté absolue à

B) L’absence de déclin fondée sur les fonctions de la liberté dans les

Comprendre la phase précontractuelle c’est réaliser que la liberté contractuelle y occupe une place toujours très importante. Comme l’a souligné le professeur Legrand, le principe suivant lequel « the parties negotiating a contract should see to their own protection still exercises considerable attraction »402. Cette approche s’explique en partie par le fait que la liberté précontractuelle a de nombreuses fonctions au sein des pourparlers.

Tout d’abord, la liberté contractuelle est consubstantielle403 aux pourparlers. Elle en est l’essence404. Si cette liberté n’était pas garantie, les cocontractants potentiels ne seraient peut être pas autant disposés à entamer le processus de négociation. Selon une auteure française, « [c]et équilibre est attractif pour les acteurs commerciaux qui se sentiront libres de s’engager »405. Le droit des pourparlers précontractuels ne devrait pas être un droit trop encadré et doté de règles trop strictes. Un encadrement trop strict contreviendrait à l’essence des pourparlers précontractuels. Il risquerait également de décourager les acteurs économiques d’entrer en négociation, sclérosant ainsi le fonctionnement du monde des affaires et le développement économique. En effet, si le droit des pourparlers précontractuels était trop rigide en insistant sur la morale en droit des contrats ou la protection des acteurs, la responsabilité précontractuelle pour faute dans la phase de négociation risquerait d’être trop facilement soulevée.

402P. LEGRAND jr., préc., note 177, à la p. 294.

403Pour le professeur Cabrillac, « [c]e principe semble consubstantiel aux négociations, dont l’aboutissement est

par essence aléatoire » (R. CABRILLAC, préc., note 11, p. 9).

404J. GHESTIN, Traité de droit civil, La formation du contrat, t. 1 « Le contrat - Le consentement », 4e éd. par J.

GHESTIN, G. LOISEAU et Y.-M. SERINET, préc., note 163, n° 710, p. 514.

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De même, la liberté contractuelle est une condition sine qua non à des pourparlers réussis. C’est parce que les parties en présence se sentent libres qu’elles sont en mesure de faire fructifier au maximum cette phase préalable à la conclusion éventuelle d’un contrat. C’est ainsi que le professeur Cabrillac considère que « la liberté contractuelle facilite les échanges et encourage l’initiative »406 et que les professeurs Ghestin, Loiseau et Serinet ont écrit : « laisser aux individus un pouvoir d’initiative dont ils recueilleront les fruits sous forme d’avantages personnels est un moyen de les faire collaborer »407. C’est pourquoi,

« [p]our l’économiste libéral, la liberté contractuelle, le respect de la convention comme une loi et la liberté dans la conclusion du contrat sont trois principes qui représentent la manière la plus efficace, la moins coûteuse et la plus conforme à l’utilité sociale d’organiser, dans une société donnée, les échanges de biens et de services »408.

Le caractère essentiel de la liberté contractuelle rattachée aux pourparlers est d’autant plus fort que le principe confère au contrat éventuellement conclu à la fin des négociations son fondement juridique. En effet, le contrat est défini dans le Code civil à l’article 1378 comme « un accord de volonté, par lequel une ou plusieurs personnes s’obligent envers une ou plusieurs autres à exécuter une prestation ». Il n’y a pas de volonté sans liberté. Or, il n’y a pas de contrat sans volonté. En d’autres termes, la validité du contrat repose sur un accord de volontés entre les individus. En théorie, cet accord de volonté n’existe que parce qu’il est fondé sur la liberté des individus409. Sans cette liberté, il ne pourrait pas y avoir d’accord de

406R. CABRILLAC, préc., note 87, n° 29, p. 27.

407J. GHESTIN, Traité de droit civil, La formation du contrat, t. 1 « Le contrat - Le consentement », 4e éd. par J.

GHESTIN, G. LOISEAU et Y.-M. SERINET, préc., note 163, n° 234, p. 178.

408M. COIPEL, préc., note 212, 491.

409Il s’agit d’ailleurs d’un argument souvent utilisé afin de critiquer l’existence même des contrats d’adhésion.

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volonté ni de contrat et donc pas de pourparlers précontractuels. Ainsi, la liberté est le fondement juridique des pourparlers précontractuels et son essence. Les professeurs Jobin et Vézina résument parfaitement cette idée en notant que « [l]e contrat étant un acte volontaire, l’une des premières conditions de fond essentielles à la formation du contrat est la volonté de s’engager »410. Les professeurs Ghestin, Loiseau et Serinet estiment pour leur part que :

« la volonté est indissociable de la liberté de l’auteur de l’acte volontaire. La liberté des parties est un élément constitutif du contrat, parce qu’inséparable de leurs volontés et du même coup de l’accord de ces volontés. C’est l’accord des volontés libres des parties qui forme le contrat et qui en fait en même temps un instrument irremplaçable des relations sociales, d’un point de vue tant sociologique qu’économique »411.

À ces derniers de poursuivre :

« [p]our que cet instrument puisse remplir pleinement sa fonction, il faut donc que son régime juridique soit inspiré par un principe de liberté contractuelle. C’est pourquoi la liberté contractuelle est nécessairement l’un des principes directeurs dont le législateur doit s’inspirer dans la règlementation du contrat »412.

À travers les propos précédents, nous avons pu retracer l’évolution passée de la liberté contractuelle dans les pourparlers précontractuels. Nous avons eu l’occasion de soutenir la théorie suivant laquelle malgré la relativisation indéniable de la liberté contractuelle dans les pourparlers, cette dernière n’était pas pour autant en déclin. Elle reste un principe essentiel aux

conditions du contrat, ils ne pourraient pas véritablement être qualifiés de contrats. Une telle position est fondée sur une conception restrictive du contrat qui ne serait que le résultat d’une rencontre de volontés lorsque les individus auront eu la possibilité de négocier les termes de leur engagement.

410J.-L. BAUDOUIN, P.-G. JOBIN, Les obligations, 7e éd. par P.-G. JOBIN et N. VÉZINA, préc., note 31, n°

169, p. 287.

411J. GHESTIN, Traité de droit civil, La formation du contrat, t. 1 « Le contrat - Le consentement », 4e éd. par J.

GHESTIN, G. LOISEAU et Y.-M. SERINET, préc., note 163, n° 172, p. 137.

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pourparlers car elle y occupe plusieurs fonctions. La question que l’on pourrait désormais se poser est celle de savoir si l’on n’aurait néanmoins pas besoin de donner une plus grande visibilité à la liberté précontractuelle en la codifiant. Cette démarche a été entreprise récemment en France. En d’autres termes, est-il, à la lumière de la récente réforme française en la matière, opportun de faire évoluer la liberté contractuelle en la reconnaissant directement dans le Code civil du Québec ? Face à une telle question, nous nous positionnerons contre et tenterons de nous en expliquer.

Section 2 : L’évolution souhaitable de la liberté précontractuelle : plaidoyer contre la