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L’abandon de la garantie de l’unanimité des suffrages du filtrage

Chapitre II. Une Chambre des requêtes empruntée au Conseil des parties

Section 1. La création laborieuse d’une Section des requêtes

B) L’abandon de la garantie de l’unanimité des suffrages du filtrage

Le système de la majorité des trois quarts des voix pour filtrer. - Le projet du comité

prévoit un abaissement du nombre de voix nécessaire pour rejeter une demande par l’institution en charge du filtrage. On passe alors d’une garantie d’unanimité pour voir sa requête être rejetée dès la phase de filtrage, à une exigence de réunion des trois quarts des voix pour voir sa requête

119 Discours de Prugnon du 9 nov 1790, Arch. Parl., XX, https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k495350/f27.image,

p.232.

120 Projet Le Chapelier, Art. 16. Arch. Parl., XX, https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k495350/f27.image, p. 24. 121 Discours de Prugnon du 9 nov 1790, Arch. Parl., XX, https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k495350/f27.image,

p.233.

être admise ou rejetée : « Si, dans le bureau, les trois quarts des voix se réunissent pour rejeter

une requête en cassation ou en prise à partie, elle sera définitivement rejetée. Si les trois quarts des voix se réunissent pour admettre la requête, elle sera définitivement admise, l'affaire sera mise en jugement, et le demandeur en cassation ou en prise à partie sera autorisé à assigner »123. Pour Prugnon, cet abaissement du nombre de voix nécessaire pour admettre ou rejeter va à l’encontre de l’intérêts des justiciables et accentue encore le risque de captation de l’autorité du Tribunal de cassation par la future section des requêtes en ce que cela renforce le pouvoir de l’organe en charge du filtrage : « Cependant il fallait l'unanimité des suffrages pour

la rejection d'une requête ; on ne vous propose pas même cette disposition, qui rendait cet établissement moins dangereux »124.

Il voit cette disposition du projet comme la perte d’une garantie protégeant le justiciable face au filtrage : « il n'usait du veto qu'il s'était attribué qu'autant qu'il était unanime. Une seule

voix (même celle du rapporteur) s'élevait-elle en faveur de la demande ? elle était portée au Conseil, qui décidait si elle serait admise ou rejetée »125. Il met surtout l’assemblée en garde contre la disproportion qui résulterait d’un tel filtrage par la seule réunion des trois quarts des voix et l’importance de la cassation : « (…) il faudrait un partage des voix pour que l'affaire de

la plus haute importance fût soumise à la décision ultérieure d'une section de cinq juges. Toute l'autorité de la Cour de cassation résiderait donc dans son bureau »126.

L’absurdité de la réunion des trois quarts des voix. - En dehors du danger qu’un tel

abaissement du nombre de voix requises pour filtrer les demandes, Prugnon remarque également avec ironie qu’il serait bien difficile de trouver les trois quarts de cinq ou six membres127 : « On demandait à Newton comment il avait trouvé le système du monde ; c'est,

répondit-il, en y pensant toujours. Quand toutes les académies de l'Europe (fussent-elles composées de Newton) y penseraient toujours, je ne sais si elles résoudraient le problème du comité, qui est de trouver les trois quarts de six ou de cinq hommes. La fraction d'un suffrage est une chose vraiment curieuse ; mais pour raisonner d'après les règles de la géométrie ancienne que le comité n'a pas réformées, il faudra qu'un demandeur pour réussir obtienne les

123 Projet Le Chapelier, Art. 10. Arch. Parl., XX, https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k495350/f27.image, p. 23. 124 Arch. Parl. , XX, https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k495350/f27.image, p. 517.

125 Discours de Prugnon du 9 nov 1790, Arch. Parl., XX, https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k495350/f27.image,

p.232.

126 Ibid., p.232.

127 HALPERIN (J-L), Le Tribunal de cassation et les pouvoirs sous la révolution (1790-1799), TIMBAL (P-C)

quatre cinquièmes dans le cas de cinq juges, et les cinq sixièmes s'il y en a six »128.

Duport proposa quant à lui de maintenir les habitudes du Conseil : il faudrait l’unanimité du Bureau des requêtes pour le rejet tandis qu’une seul voix suffirait pour porter l’affaire devant le Tribunal.

Après ce débat, le projet Le Chapelier ne rencontre plus d’opposition et les articles sont rapidement votés d’après J-L. Halpérin. Un Bureau des requêtes de vingt membres, chargé d’examiner et de juger l’admission des pourvois, avec le système de la majorité des trois quarts qui est finalement maintenu, est créé par la loi des 27 novembre et 1er décembre 1790. En cas de partage des voix, l’admission doit être jugée par tout le Tribunal assemblé129.

§ 3. Le filtrage des pourvois par la Chambre des requêtes

Annonce. - La mission de filtrage du Bureau des cassations s’est transmise à ce qui était

initialement nommé « bureau » ou encore « section » des requêtes, pour devenir la Chambre des requêtes. Cette mission s’est installée sous la Révolution et continue d’exister sous Napoléon Bonaparte, arrivé au pouvoir en 1799 par le coup d’État du 18 Brumaire. Il s’agit ici de décomposer la phase du filtrage afin de mieux en percevoir les rouages et la façon dont cette mission s’est maintenue grâce à l’analyse complète d’Ernest Faye, à l’époque conseiller à la Cour de cassation. Cela permettra ensuite de mieux comprendre en quoi la Chambre des requêtes a opéré un glissement de ses missions ; provoquant ainsi sa suppression. Ce filtrage passe par un examen préalable de la requête (A) ; inséré dans une procédure propre à la Chambre des requêtes (B).