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L’évOLuTiON dES COMPéTENCES dE L’éTAT du PORT

kiara Ner

1. L’évOLuTiON dES COMPéTENCES dE L’éTAT du PORT

L’origine même de la notion d’« état du port » est liée à la lutte contre les pollutions marines (1.1). ainsi créée, cette nouvelle catégorie d’état sera dotée de compétences d’intervention sur les navires se trouvant dans ses ports, compé- tences qui seront amenées à se renforcer et s’élargir, notamment pour la poursuite de finalités environnementales (1.2).

1.1. des enjeux environnementaux à l’origine de la création de la notion « L’état du port »

La création même de cette notion d’état du port, ainsi que les compétences de police qui lui ont été conférées ont été très nettement influencées par des enjeux environnementaux, et ce même si la protection de l’environnement marin n’est

la pollution des mers : évolution ou révolution de droit international », AFDI, 721-754 ou encore Treves, T. (2003), « L’approche régionale en matière de protection de l’environnement marin », in La mer et son droit.

pas (plus) la seule fonction de l’état du port aujourd’hui 6. La notion d’état du

port est relativement récente dans le droit de la mer. inconnue des conventions de genève, elle apparaît progressivement dès 1954 avant de s’imposer, non sans critiques 7, dans la convention de montego bay. La convention de Londres du

12 mai 1954 pour la prévention de la pollution des eaux de la mer par hydrocar- bures 8 confère à l’état dans le territoire duquel se trouve le navire, donc l’état du

port, un droit d’examen des registres et des documents officiels afin de s’assurer du respect, par le navire, des règles énoncées par la convention. c’est donc bien pour des enjeux environnementaux que cette nouvelle catégorie apparaît, elle sera d’ailleurs consacrée dans la partie xii de la cnuDm, relative à la protection de l’environnement. cette création a dans un premier temps pour but de protéger les espaces marins contre des pollutions, notamment par hydrocarbures, liées aux mauvaises conditions de sécurité des navires. ainsi, « [l]’état du port a paru [...] aussi bien placé que l’état du pavillon, si ce n’est beaucoup mieux lorsque le pa- villon est complaisant, pour veiller au contrôle des obligations techniques pesant sur la navigation et, plus précisément, sur la sécurité de celle-ci quant aux consé- quences éventuelles sur la protection et la préservation du milieu marin » 9. une

fois créée, cette nouvelle catégorie d’états sera dotée de compétences coercitives importantes.

1.2. La finalité environnementale de l’évolution des pouvoirs de police de l’état du port

L’état du port dispose, en matière coercitive, de prérogatives de contrôle et d’inspection des navires énoncés par les articles 218 et 219 de la cnuDm. ils dotent l’état de pouvoirs généraux d’inspection et de surveillance lui permet- tant de rechercher des preuves d’un rejet illégal effectué en mer par le navire (ar- ticle 218). plus spécifiquement l’état du port dispose d’un pouvoir d’immobi- lisation du navire s’il a de bonnes raisons de penser que l’état du navire ou son

6 L’état du port est désormais doté de compétence en matière de sauvegarde de la vie humaine en mer et

de contrôle des conditions de vie et de travail à bord.

7 La création de ces nouvelles catégories est largement critiquée par la doctrine, spécialement dans le

cas de l’état du port. sur ce point, voy. Douay, c. (1978), « en matière de pollution provenant des navires, la juridiction de l’état du port, une hérésie », Revue iranienne des relations internationales, 339-385 ou en- core Dupuy, p.-m. (1991), « chapter 22 : The preservation of the marine environment », in Dupuy, r.-J., et vignes, D. (1991), A Handbook on the New Law of the Sea, Dordrecht, boston, Lancaster, académie de Droit international, martinus nijhoff, t. 2, 1206 : « It appears that the port State, in a sense, is a second-rank

coastal State ».

8 art. ix, § 5, ainsi formulé : « 5. Les autorités compétentes de tout territoire d’un gouvernement contrac-

tant pourront examiner à bord des navires auxquels la convention s’applique, pendant qu’ils se trouvent dans un port de ce territoire, le registre des hydrocarbures dont ils doivent être munis, conformément aux dispositions du présent article. elles pourront en extraire des copies conformes et en exiger la certification par le capitaine du navire. Toute copie ainsi certifiée conforme par le capitaine du navire sera, en cas de poursuite, admissible en justice comme preuve des faits relatés dans le registre des hydrocarbures. Toute intervention des autorités com- pétentes en vertu des dispositions du présent paragraphe sera effectuée de la façon la plus expéditive possible, et sans que le navire puisse être retardé de ce fait ».

L’impacT De L’exigence De conservaTion De L’environnemenT marin sur... 125

armement ne correspond pas au certificat délivré 10. cette compétence lui permet

d’empêcher à un navire d’appareiller s’il a enfreint les règles et normes interna- tionales applicables concernant la navigabilité des navires et risque de ce fait de causer des dommages au milieu marin (art. 219).

ces compétences de base vont connaître une évolution conséquente grâce à l’adoption d’une série d’instruments internationaux tant universels 11 que ré-

gionaux 12, sous l’impulsion de l’omi et de l’oiT 13. ces évolutions conduisent

à renforcer les pouvoirs de l’état du port d’une part et à les élargir d’autre part. Dans les deux cas, ce sont des finalités environnementales qui motiveront l’évo- lution.

Le renforcement des compétences de police de l’état du port est très net, no- tamment dans le cadre du Mémorandum of Understanding (mou) de paris adopté en 1982, qui, en 2011 s’est réformé pour permettre un contrôle plus complet des navires qui transitent par les ports de la région. Le nouveau régime d’inspection mis en place généralise et systématise la procédure d’inspection. De 25% de na- vires inspectés, on passe à un objectif de 100% des navires touchant les ports de

10 en vertu de la convention soLas adoptée à Londres en 1974. conformément à la règle nº 6, La règle

nº 19 y énonce.

11 accord aux fins de l’application des dispositions de la convention des nations unies sur le droit de la

mer du 10 décembre 1982 relatives à la conservation et à la gestion des stocks de poissons dont les déplacements s’effectuent tant à l’intérieur qu’au-delà de zones économiques exclusives (stocks chevauchants) et stocks de poisson grands migrateurs, 4 août 1995, L’accord compte soixante-dix-huit états parties dont la france, le ca- nada, la russie, les états-unis et l’union européenne.

12 europe et atlantique nord (mémorandum of understanding-mou de paris), adopté le 1er juillet 1982 ;

asie-pacifique (Tokyo mou de Tokyo), adopté le 1er décembre 1993 ; amérique latine (Latin american agree- ment), adopté le 5 novembre 1992 ; caraïbes (mou des caraïbes) adopté le 9 février 1996 ; méditerranée (mou de la méditerranée), adopté le 11 juillet 1997 ; mou de l’océan indien, adopté le 5 juin 1998 ; mou de la mer noire, 7 avril 2000 ; afrique de l’ouest et du centre (mou d’abuja), adopté le 22 octobre 1999 ; états arabes du golfe (mou de riyadh), adopté le 30 juin 2004.

13 voy., par exemple, la convention internationale pour la prévention de la pollution par les navires

(marpoL), Londres, 2 novembre 1973 (151 états parties), convention internationale sur les lignes de charge, Londres le 5 avril 1966 (cent soixante états parties), convention sur le règlement international pour prévenir les abordages en mer (convention coLreg), Londres, 20 octobre 1972 (cent cinquante-quatre états parties), convention soLas, préc., la convention de l’oiT nº 147, 29 octobre 1976, concernant les normes a minima à observer sur les navires marchands (cinquante-six états parties dont la france, le canada, le royaume-uni et les états-unis) ou encore la convention internationale sur les normes de formation des gens de mer, de délivrance des brevets et de veille, Londres, 7 juillet 1978 (cent cinquante-cinq états parties).

47 sur la conférence et ses travaux, voy. les travaux de Tullio Treves : Treves, T. (1974), « una svolta alla conferenza del diritto del mare ? il “ Testo unico informale di negoziato ” », Rivista di diritto internazionale, 459-463 ; (1976), « Devices to facilitate consensus : the experience of the Law of the sea confenrence »,

The Italian Yearbook of International Law, 39-60 ; (1976), « La comunità economica europea e la conferenza sul diritto del mare », Rivista di diritto internazionale, 445-467 ; (1977), « Le transfert de technologie et la conférence sur le droit de la mer », JDI, 43-65 ; (1977), « La conferenza del diritto del mare : dal “ Testo unico riveduto ” del 1976 al “ Testo composito informale del 1977 ” », Rivista di diritto internazionale, 566-578 ; (1979), « La settima sessione della conferenza sul diritto del mare », Rivista di diritto internazionale, 125- 154 ; (1979), « L’ottava sessione della conferenza sul diritto del mare », Rivista di diritto internazionale, 717- 742 ; (1980), « La nona sessione della conferenza sul diritto del mare », Rivista di diritto internazionale, 432- 463 ; (1981), « Drafting the Los convention », Marine Policy, 273-276 ; (1982), « La decima sessione della conferenza sul diritto del mare », Rivista di diritto internazionale, 24-55 ; (1983), « La nouvelle convention du droit de la mer, structure et problèmes généraux », Environmental Policy and Law, 78-82.

la région du mou de paris. La révision de ce système a été motivée à la fois par l’évolution du droit de l’union européenne, qu’il entend intégrer, mais également par des questions de lutte contre les pollutions. en effet, les grandes catastrophes comme celles de l’erika ont conduit à l’adoption de la directive 2009/16/ce rela- tive au contrôle par l’état du port, qui s’adosse aux procédures efficaces du mou de paris.

Les compétences de l’état du port ont également été élargies afin d’aller au-de- là de la simple vérification des règles de sécurité maritimes et d’inclure des fins de préservation de la vie humaine en mer et de lutte contre la pêche illicite. Depuis l’entrée en vigueur de l’accord de la fao du 22 novembre 2009 relatif aux me- sures du ressort de l’état du port visant à prévenir, contrecarrer et éliminer la pêche illicite, non déclarée et non réglementée, l’état du port peut également contrôler des navires de pêche, rechercher et constater les infractions aux règles applicables. L’état du port peut au surplus empêcher que le poisson pêché illégalement ne soit vendu 14. Les commissions générales de pêches vont suivre le mouvement lancé

par la fao et intégrer dans leurs procédures et règlementations, des compétences et des obligations pour l’état du port. À titre d’exemple, la commission des pêches de l’atlantique du nord-est (cpane) prévoit, dans son Scheme of Control and Enforcement, un chapitre v consacré aux compétences de l’état du port sur les navires étrangers et appliquant mutatis mutandis les dispositions de l’accord de la fao, comme un « standard minimum » 15.

ces quelques exemples synthétiques permettent de mettre en lumière l’impact des enjeux environnementaux sur les compétences coercitives des états en mer, notamment dans les ports. Toutefois, l’impact est encore plus marqué lorsque l’on quitte le territoire souverain de l’état côtier et que l’on s’intéresse aux compé- tences des états en haute mer.

2. LA RECONNAiSSANCE d’ExCEPTiONS À LA COMPéTENCE