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L’évaluation des compétences et la production du bilan de stage

3. LA PLACE DES PROFESSIONNELS DE TERRAIN DANS LE PROCESSUS

3.2. L’évaluation des compétences et la production du bilan de stage

Cette étape est souvent présentée comme une épreuve pour les tuteurs, référents professionnels et référents de sites qualifiants, notamment pour les moins expérimentés d’entre eux 30: « Ce qui leur pèse le plus [aux référents professionnels], ce sont les évaluations : comment j’évalue le travail et les avancées de ma stagiaire… ». Chef de service, référent de site qualifiant DEASS, secteur hospitalier/Alsace.

Bien que quelques-uns s’interrogent sur le poids réel de ces évaluations dans la délivrance du diplôme, surtout lorsqu’ils ont vécu une situation de distorsion forte entre leur appréciation et le résultat final du jury31, le plus grand nombre fait allusion à la lecture que ne manqueront pas d’en faire certains examinateurs lors des épreuves de certains DC. D’autres évoquent leur poids possible dans la délivrance du diplôme, du fait que, figurant au dossier de l’étudiant, elles pourront être prises en compte par le jury du diplôme, pour rattraper (ou non) certains étudiants légèrement en dessous de la moyenne à l’issue des différentes épreuves.

Ils font assez souvent état des difficultés à trouver des formulations qui ne puissent prêter à interprétation de la part des examinateurs, en particulier dans le cas où une commission doit attribuer une note de stage, surtout s’ils ont été confrontés à des cas de divergence importante entre leur propre évaluation et celle des « notateurs » ou des jurys de diplôme. Du coup, lorsqu’il y a un bon fonctionnement du site qualifiant, des précautions de relectures successives, à différents niveaux de la

30 Même plus expérimentés, les tuteurs ressentent l’exercice comme assez difficile, du fait notamment de l’évolution et de l’hétérogénéité des attentes des écoles : « il peut y avoir des petites complications parfois, sur les évaluations, où ils ont des exigences qui changent chaque année, et quine sont pas forcément les mêmes d’un centre de formation à l’autre […] Parce que c’est ça actuellement le nerf de la guerre, c’est comment on rédige pour la certification, qu’est-ce qu’on met en avant, qu’est-ce qu’on fait apparaitre ? » Tuteur Référent ME, Rh. alpes

31 Presque tous les tuteurs rencontrés nous ont raconté une anecdote de cet ordre, le plus souvent pour s’étonner de l’échec au diplôme d’un stagiaire qu’ils avaient jugé être un excellent professionnel. Dans le cas inverse, les tuteurs s’en prennent alors au niveau insuffisant d’exigence des écoles (en particuliers pour le DEASS), sur les raisons desquelles certains s’interrogent : « L’évaluation de l’école est très édulcorée. […]. Il y a souvent une différence assez nette entre l’évaluation de l’école et la lecture des rapports de stage où là, les choses sont dites. Dans cette réforme du diplôme d’Etat, il y a la note de scolarité qui est rarement en dessous de 14 dans le DC4 ».

chaîne d’accompagnement sont prises, comme le souligne la directrice adjointe chargée des stages, d’un foyer d’accueil médicalisé prenant régulièrement des apprentis ME et ES :

« mais il faut que notre exigence et celle de l’école soient bien comprises, parce qu’on a eu quelques divergences une ou deux fois, avec des étudiants qui ont eu une mauvaise note alors que pour nous c’était plus nuancé que ça, donc on s’est dit qu’il fallait être très attentif, c’est pour ça qu’une double et même triple lecture n’est pas de trop [….] Il faut être en phase entre nous et être conscients de comment ça peut être compris […] donc on ne fait pas de verbiage, on n’écrit pas un roman, mais il faut vraiment que les jurys comprennent si c’est acquis, non acquis ou en voie d’apprentissage, il faut l’écrire on ne peut pas le laisser à l’appréciation du jury ».

Bien que la responsabilité du bilan final incombe au tuteur référent de site, il est le plus souvent le résultat d’un travail « à quatre mains »32, entre le référent professionnel, généralement producteur de la première version et le référent de site, qui le signe. De ce point de vue les choses n’ont guère changé, car les chefs de service (souvent référents de site aujourd’hui) ont toujours validé les bilans, envoyés sous la responsabilité des directions d’établissement.

Cette attention portée à l’écrit qui va sortir de l’établissement s’accompagne parfois d’un sentiment de frustration lié à l’absence de retour, de réaction, du côté de l’école :

« Le boulot du chef va être justement de vérifier que quand on écrit quelque chose c’est explicité […] mais c’est vrai que quand on émet un avis réservé on est quand même sacrément embêté de ne pas avoir de retour parce qu’en termes de responsabilité on se dit à quoi on a servi ? C’est surtout en termes de responsabilité : si nous on a des doutes et on se dit que ce professionnel-là à un moment donné il va être sur le terrain, il va être diplômé, comment ça été repris comment ça a été travaillé ? » [référent site qualifiant MECS /Alsace].

L’outillage rassure les tuteurs débutants mais la tranquillité d’esprit s’acquiert avec la multiplicité des expériences

Les témoignages recueillis pourraient laisser penser que le degré d’appréhension des tuteurs par rapport à cet exercice d’évaluation augmente avec le niveau du diplôme : en tout cas les tuteurs référents des auxiliaires de vie sociale en formation que nous avons rencontrés semblent assez rapidement à l’aise avec l’exercice, comme l’illustre ces deux extraits d’entretien :

« Effectivement on s’appuie sur le référentiel du DEAVS pour apporter notre jugement… : est-ce qu’il est compétent, qu’est ce qui va lui manquer, qu’est-ce qu’on peut encore améliorer, qu’est ce qu’il peut encore améliorer ? Parce qu’on ne peut pas faire le travail à sa place. Tout ça ne me pose pas problème (…) J’interviens en règle générale une à deux journées sur des sessions de formation à l’AFPA et après j’interviens en tant que jury au niveau de DEAVS pour les oraux ou parfois pour les écrits (…) C’est des choses qui s’apprennent au fur et à mesure dans le temps » (SAD / Rh. Alpes).

« On était au courant dès le début de ce qu’on aurait à rendre, mais quand on est sorti de la formation [de maître d’apprentissage] réalisée par le centre de formation, on se demandait si on serait apte à faire tout ça, mais avec les grilles qu’on nous a données, ça n’était pas si difficile que ça ... » (MARPA Rhône-Alpes).

Sans doute le fait que ces responsables de sites qualifiants soient dans les deux cas directrices de leurs (petites) structures, et chargées à ce titre du recrutement peut-il expliquer cette relative aisance par rapport à cette fonction d’évaluation des compétences, mais on peut noter également qu’elles siègent souvent dans différents types de jurys pour la délivrance du DEAVS ou d’autres diplômes (TP ADV, mention complémentaire du MEN etc.), et notamment des jurys de VAE, ce qui contribue à diversifier leur expérience d’évaluateur.

En revanche il est beaucoup plus rare que les tutrices de terrain (référents professionnels) puissent développer ce type d’expérience, pour des raisons de coût pour la structure (« faire partie d’un jury

32 « C’est toujours moi qui rédige l’évaluation, ça n’a rien changé du tout. Par contre c’est un échange qu’on peut avoir avec la conseillère technique [référente de site], ça va être un travail à quatre mains ». CG /Formatrice terrain DEASS

c’est monopoliser une personne une journée ») (SAD /Alsace), une raison plus déterminante que celle des capacités à y participer.

Pour le diplôme de niveau IV de moniteur- éducateur, la contribution des professionnels (référents professionnels et tuteurs référents), à l’évaluation des stagiaires revêt, pour deux DC au moins (DC1 et DC3) un formalisme particulier, puisqu’il s’agit en fait d’organiser sur site le déroulement d’une véritable épreuve en cours de formation, qui se traduit ensuite par l’attribution d’une note pesant pour un tiers dans la note globale de chacun de ces deux DC33.

Quant aux diplômes de niveau III, les enjeux autour de l’évaluation nous ont semblé moins prégnants chez les tuteurs rencontrés, sauf pour les EJE où le lien stage/DC est très fort, alors que dans tous les cas, les évaluations qu’ils sont amenés à faire figurent dans l’un ou l’autre des dossiers (de pratiques professionnelles ou de communication professionnelle) qui font l’objet d’une soutenance pour la délivrance du diplôme. On a noté, pour le DEASS, une attention particulière portée par les tuteurs à la qualité des écrits professionnels qui font l’objet, comme pour le DEES d’ailleurs, d’une épreuve particulière. Mais c’est plus en termes de temps (très important) consacré à la transmission de compétences en la matière, qu’en termes de difficulté à valider la production des étudiants, que la question est abordée dans les entretiens.

A la différence de la posture moins impliquante personnellement « d’examinateur » pour un oral ou un écrit organisé par l’école, pour des candidats inconnus, la responsabilisation des tuteurs dans le processus de certification de leurs propres stagiaires continue à faire débat au sein de la communauté des professionnels : là où les uns y voient une reconnaissance logique du rôle véritablement formateur des périodes de stage, les autres évoquent un transfert de charge des formateurs (écoles), supposés être des spécialistes de l’évaluation, vers les professionnels, qui n’en seraient pas. Ayant besoin de se sentir sécurisés pour faire face à ce rôle assez nouveau, les tuteurs sont très demandeurs d’accompagnement.

L’essentiel de l’outillage qu’ils acquièrent progressivement est transmis par les écoles, soit lors des séances d’information collective en début d’année, soit lors des visites de stage, soit parfois de manière administrative, par l’envoi de documents supports annexés à la convention de stage. Il n’est pas rare non plus que les étudiants eux-mêmes soient les vecteurs de l’information des tuteurs, et transmettent aux tuteurs, lors de la préparation des visites de stage notamment, les grilles qu’ils auront à remplir. Mais cet outillage provient aussi des formations au tutorat dont certains professionnels ont pu bénéficier, et qui sont l’occasion, pour les écoles qui les organisent, de tester et d’améliorer leurs supports et leurs consignes en direction des professionnels. Dans quelques cas, plus rares, cet accompagnement est aussi organisé en interne, à travers la mise en place de séminaires de travail dédiés à l’ensemble des tuteurs d’un même organisme, comme le fait par exemple ce Conseil général où fonctionne depuis des années un « groupe pédagogique de soutien » (GPS !), qui organise 4 réunions par an au cours desquelles sont traitées les différentes problématiques du tutorat, dont celle

« des objectifs et de l’évaluation du stage »34. Ou ce service social hospitalier alsacien dont le responsable lie clairement la formation reçue et l’initiative prise en ce domaine :

« J’ai une assistante sociale qui a la formation de formateur terrain, avec moi […] On a formé des groupes de travail en interne pour rassembler les formateurs qui accueillent des stagiaires et pour traiter les sujets qui les préoccupent le plus […] Comment on accueille un stagiaire ? Comment on lui fait travailler les objectifs de stage ? […] Comment on construit les étapes ? Comment on évalue à mi-parcours etc. […] ».

Dans quelques cas enfin, la mise à disposition d’outils d’évaluation est le fait du site qualifiant lui-même, lorsqu’il a construit ses propres outils, à l’issue d’un travail collectif le plus souvent. Dans la

33 Pour le diplôme d’AMP, souvent évoqué dans les entretiens, c’est les professionnels du SQ eux-mêmes qui attribuent,

conjointement avec un formateur de l’école, une note pour les DC2 et DC4, à l’issue d’une épreuve certificative, ce qui donne lieu parfois à quelques difficultés de relations avec les stagiaires, car l’échelle de notation n’est pas toujours homogène d’un site à l’autre : du coup certains étudiants, qui se sont vus attribués un 20 dans un stage précédent sont déçus d’un 17 qui pour l’équipe locale est une excellente note !

34 Titre de la séance du 6 fév 2012 de ce GPS (groupe pédagogique de soutien), tel qu’il figure dans le bilan que son animateur a fait de son activité 2012.

plupart des cas rencontrés, ce travail sur les grilles est initié par des tuteurs référents ayant convaincu leur direction d’aller dans ce sens, après avoir commencé à y réfléchir dans le cadre d’un stage de formation (maître d’apprentissage ou tuteur référent).