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Chapitre 5 : Santé et inégalités et sociales

3. Les troubles physiques et les maladies chroniques

3.2. L’évaluation des comorbidités

Comme nous l’avons vu en introduction de cette section, le rapport national sur la santé de 2015 au sujet des comorbidités (ou multimorbidités dans le rapport) montre, en se basant sur l'enquête SHARE (Survey of Health, Ageing and Retirement in Europe) de 2010/2011 que :

« 22 % des personnes de plus de 50 ans vivant dans un ménage privé sont atteinte de plus d'une maladie. La prévalence passe de 11.0 % chez les 50-54 ans à 21.7 % chez les 65-69 ans, pour atteindre 44.1 % chez les personnes de plus de 85 ans. La multimorbidité est encore nettement plus marquée chez les personnes âgées vivant en institution médico-sociale (données de l'ESAI) : 85.5 % des résidents ont au moins deux diagnostics et près du quart de ceux-ci (22.8%) ont cinq diagnostics ou plus. » (Obsan, 2015, p.111)

Selon le rapport, plus l’avancée en âge des individus est grande, plus le risque de développer des maladies multiples est haut.

Le questionnaire de l’étude VLV comporte aussi des questions à propos du cumul de maladies (ou comorbidités) mais cette fois d’un point de vue plus directement médical. Il existe plusieurs échelles évaluant les comorbidités mais celle retenue pour l’étude est l’indice gériatrique des comorbidités de Martínez-Velilla & Zerkry (2014), en raison de ses meilleures capacités de prédiction concernant les résultats vitaux en lien avec les aspects physiologiques des maladies.

L’échelle est composée de 15 types de problèmes de santé où la personne qui répond doit indiquer selon cinq modalités de réponse si ces problèmes de santé sont : présents mais ne la gênent pas (sans médicaments), s’ils sont présents et ne la gênent pas (cette fois avec médicaments), s’ils sont présents et la gênent (sans médicaments), s’ils sont présents et la gênent de façon insupportable (même avec des médicaments) et enfin tout simplement si ces problèmes de santé ne la concernent pas. Les individus sont ensuite classés selon l’intensité des problèmes qu’ils ont évoqués (absence de problème de santé, présence de problème de santé qui nécessite des médicaments mais non gênant, présence de problème de santé mais pas contrôlés par la prise de médicaments et enfin présence de problème de santé menaçant la survie de la personne).

Cette échelle a été proposée dans la partie face à face du questionnaire et seulement auprès de l’échantillon principal (aptes) du fait de la spécificité des problèmes de santé évoqués dans la liste d’items. Elle comprend aussi un faible taux de non réponse du fait de l’entretien face à face entre l’enquêteur et l’enquêté (Oris, Guichard & al., 2016). En effet, le pourcentage de réponses

175 manquantes à cette échelle oscille entre 0.9% et 1.8% selon les items.

La répartition des réponses à cette échelle de comorbidités montre des résultats très différents de celle des troubles physiques. Pour la majorité des problèmes de santé, la plupart des individus ont répondu que ces problèmes ne les concernaient pas, tant dans la classe d’âge la plus jeune que chez les 80 ans et plus qui restent majoritaires à déclarer ne pas souffrir de tels problèmes chroniques de santé. Cependant, le principal trouble évoqué par les personnes âgées est l’hypertension artérielle. La question est formulée de la manière suivante dans le questionnaire : « hypertension artérielle (tension artérielle élevée, mesurée à plus de 140/90 millimètre de mercure). Sans symptômes avec traitement signifie valeur normale en prenant les médicaments ». La formulation de la question est donc assez spécifique et requiert une connaissance précise de son état de santé, alliée à un bon dialogue entre la personne âgée et son médecin traitant. L’hypertension artérielle est le seul item de l’échelle de comorbidité où un peu plus de la moitié des femmes de 80 ans et plus déclarent en souffrir et un peu moins de la moitié des hommes et des individus âgés entre 65 et 79 ans (figure 36).

Figure 36. Hypertension artérielle selon le sexe et la classe d'âge (en %) VLV

58,2

176 Ensuite, les problèmes de santé les plus fréquents, mais d’une importance bien moindre, sont les antécédents d’infarctus et d’intervention cardiaque pour les hommes (5.9% des femmes et 16.9% des hommes de 65-79 ans et 15.7% des femmes et 26.8% des hommes de 80 ans et plus déclarent ce trouble présent), puis l’arythmie cardiaque tant pour les hommes que pour les femmes et de façon plus importante auprès des 80 ans et plus (14.6% des femmes et 14.3%

des hommes de 65-79 ans et 22.2% des femmes et 25% des hommes de 80 ans et plus en souffrent). Ensuite, viennent les problèmes de santé liés aux douleurs des jambes affectant la marche obligeant à s’arrêter (après quelques dizaines ou centaines de mètres), dues à des artères bouchées, qui concernent 17% des femmes et des 14.1% des hommes âgés de 65-79 ans et 28.2% des femmes et 22.5% des hommes âgés de 80 ans et plus. Enfin, ce sont les problèmes de santé liés à des ulcères d’estomac, maux de ventre, diarrhées chroniques et constipation autre que cancer ainsi que des problèmes de diabète qui sont fréquemment évoqués surtout chez les personnes âgées de 80 ans et plus.

En se référant au rapport national de la santé de 2015, les principales causes de décès des personnes âgées de 75 ans et plus sont les maladies du système cardio-vasculaires qui concentrent 37.5 % des décès des hommes et 41.3% des décès des femmes de cette classe d'âge (Obsan, 2015, p. 100). Ce type de problème de santé augmente au fur et à mesure de l'avancée en âge et les personnes âgées de 80 ans et plus sont donc plus nombreuses à en souffrir. La deuxième cause de décès dans cette classe d'âge est le cancer avec principalement celui de la prostate pour les hommes (plus de 700 cas pour 100 000) et celui du sein pour les femmes. Concernant le diabète, les résultats obtenus dans l'étude VLV sont proches de ceux présentés par le rapport qui dénombre 18.9 % des hommes de 75 ans et plus à en souffrir et 9 % pour les femmes de la même classe d'âge. De même pour les maladies et difficultés respiratoires où les résultats du rapport montrent que cela concerne 6 % des hommes et des femmes âgés de 75 ans et plus et où les résultats de l'étude VLV se positionnent de manière assez proche avec 5.5 % des femmes et 4.6 % des hommes de 80 ans et plus qui en souffrent (Obsan, 2015).

Ainsi les résultats concernant l’évaluation des troubles physiques et l’échelle d’évaluation des comorbidités montrent que les personnes âgées, même celles âgées de 80 ans et plus, sont loin d’être majoritaires à déclarer souffrir de problèmes de santé. La répartition des réponses montre tout de même une proportion un peu plus importante d’individus âgés de 80 ans et plus qui déclarent souffrir de problèmes de santé en comparaison à leurs cadets. Par contre, concernant les différences selon le sexe, les femmes ne semblent pas être plus nombreuses que les hommes à souffrir de problèmes de santé. A cet égard, les résultats se répartissent plus selon le type de troubles, comme par exemple les problèmes cardiaques où les hommes sont plus nombreux que les femmes à en souffrir.

Il ne faut pas oublier que ces deux types de questions, troubles physiques et comorbidité, bien qu’elles s’intéressent toutes les deux à la santé physique, ne mesurent pas la même chose et pas de la même manière. En effet, l’échelle des comorbidités est utilisée habituellement à titre médical ; c’est pourquoi les termes de santé sont très spécifiques et dans le cadre de l’étude VLV, il a fallu adapter cet outil en ajoutant une liste de symptômes liés aux maladies décrites dans l’échelle afin d’orienter au mieux les réponses des personnes âgées. De plus, les modalités de réponses sont très différentes dans la mesure où elles prennent en compte la consommation de médicaments ou pas. Tandis que les questions portant sur les troubles physiques demandent plutôt de renseigner un aspect global de la santé en se concentrant sur des parties du corps plutôt que des pathologies spécifiques. De même que les modalités de réponses indiquent si la personne souffre un peu, beaucoup ou pas du tout de ces troubles physiques, ce qui est moins spécifique que dans l’échelle d’évaluation des comorbidités, aussi

177 parce que cette question sur les troubles n’est pas destinée à une évaluation médicale.

La santé physique constitue un aspect majeur de la vie et du quotidien des personnes très âgées du fait de son fort impact sur les autres aspects du vieillissement. Voir décliner sa santé physique, que ce soit plus tôt dans la vie ou au grand âge, peut vite avoir des répercussions sur de nombreux aspects de la vie. Cela peut devenir encore plus prégnant avec l’avancée en âge et le risque de récupérer moins vite ou partiellement de problèmes de santé du fait du processus de sénescence. Seulement, voir la santé dans son seul aspect physique et médical peut, comme nous l’avons vu en évoquant le paradigme biomédical dénoncé par Ennuyer, amener à contribuer à la construction d’une vision trop médicalisée de la vieillesse. C’est pourquoi le choix de prendre en compte deux types de questions sur la santé physique a été fait ici. Aussi, se focaliser seulement sur les aspects physiques et le déclin physiologique associé au vieillissement de manière objective, occulte quelque part tout le pan subjectif de la santé. Or cet aspect apporte un point de vue différent sur la vieillesse, celui des individus face à leur propre vieillissement et à leur bien-être. Cette composante subjective amène à penser la santé et le vieillissement dans une optique plus large et à s'intéresser à des concepts ne prenant pas uniquement en compte le point de vue médical centré sur les maladies, les symptômes et leur évolution, mais aussi les aspects sociaux et psychologiques de la santé. De plus, cela amène à s’interroger sur les répercussions que peuvent avoir les problèmes de santé physique sur les douleurs et les activités de la vie quotidienne des personnes très âgées. Ainsi, la capacité, ou la difficulté voire l’incapacité à réaliser des activités de la vie quotidienne relève de la santé fonctionnelle.