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Chapitre 1 Les fondamentaux de l’évaluation

1. Repères historiques sur l’évaluation des politiques publiques

1.2. L’évaluation à l’aune de la culture du résultat

Si le concept d’évaluation de politiques publiques a prévalu jusqu’alors, la réforme budgétaire engagée par la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF) introduit une nouvelle orientation, la mesure de la performance, et avec elle, le management par les résultats (Trosa and Perret, 2005).

1.2.1. Le virage de la performance avec la LOLF

La LOLF prescrit une nouvelle architecture selon laquelle le budget, présenté précédemment sous la forme de chapitres budgétaires, s'organise désormais autour de programmes et de missions. Les politiques publiques sont traduites en missions, elles-mêmes déclinées en programmes, eux-mêmes constitués d’un ensemble d’actions. Ainsi, l’action publique de l’Etat est découpée en quarante-sept missions, cent cinquante-huit programmes et cinq cent quatre- vingt actions. Chaque ministère est tenu, pour sa ou ses missions, de définir des programmes annuels de performance sur la base d’objectifs de performance en nombre limité, assortis des indicateurs adéquats, et d’établir des rapports annuels de performance. Ces derniers sont destinés à mieux informer le Parlement sur les résultats de l’action publique afin qu’il soit en mesure de faire des choix stratégiques et budgétaires plus éclairés.

Dans l’esprit de la LOLF7, la performance est définie comme « la capacité d’une organisation à tenir la totalité de la chaîne des résultats », à savoir traduire l’utilisation des crédits en réalisations/résultats/impacts. La mesure de performance consiste à apprécier les impacts de l’action de l’Etat, ce qui la différencierait de l’évaluation qui, d’une part, porte sur les politiques qui ne sont pas limitées à l’action de l’Etat et, de fait, impliquent d’autres acteurs, dont les collectivités locales, et, d’autre part, s’intéresse aux impacts lointains de ces politiques.

Les énoncés de cette réforme ont doublement brouillé les repères : d’une part, en réduisant la notion de programme à un ensemble de crédits, et, d’autre part, en redessinant le périmètre de l’évaluation ; limitée à l’appréciation des impacts à long terme, elle est tenue éloignée des pratiques de routine. La notion de performance devient synonyme d’efficacité, alors même que sa mesure se limite à une agrégation d’indicateurs dont la restitution ne dit rien du lien entre

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République française (2003) Fiche 4, Différents types d’objectifs et d’indicateurs de la LOLF, [consulté en ligne le 13 mars 2006], http://www.performance-publique.gouv.fr/performance/etat/objectifs.htm.

action mesurée et résultats. De ce fait, la mesure de performance ne saurait remplacer l’évaluation, seule apte à produire une intelligibilité de l’action mise en œuvre et entamer une réflexion sur les théories d’action qui supportent les politiques (Perret, 2006).

L’exercice promu par la LOLF, outil d’allocation budgétaire par excellence, a provoqué de nombreux débats sur le devenir de l’évaluation ; les uns redoutant de la voir éludée au profit des exercices purement budgétaires, les autres y voyant une voie de progrès. Avec un recul de plusieurs années, il s’avère que la LOLF n’a pas réussi à développer les activités d’évaluation, même si elle a contribué à une meilleure connaissance de l’action publique (Lacouette-Fougères et Lascoumes, 2013).

1.2.2. La révision générale des politiques publiques

Deux évènements marquent l’année 2007: la création d’un éphémère secrétariat d’Etat de la prospective et de l’évaluation, lequel disparaîtra en 2009, et le lancement de la révision générale des politiques publiques8 (RGPP). Cette dernière consiste, à partir de sept questions clés puisées dans le répertoire évaluatif, à procéder à l’examen de grandes politiques publiques dans l’objectif de revoir les missions de l’Etat, rationaliser les dépenses publiques et identifier les leviers de réforme. Faute de temps, de concertation et de méthode, la démarche, plus proche de l’audit que de l’évaluation, n’a pas vraiment permis de juger de l’efficacité des politiques étudiées.

En réalité, la RGPP tout comme la LOLF ont emprunté la sémantique de l’évaluation plus qu’elles n’en ont appliqué la démarche (Lacouette Fougère and Lascoumes, 2014).

1.2.3. La modernisation de l’action publique

La modernisation de l’action publique (MAP) lancée en 2012, s’inscrit dans la lignée des démarches précédentes avec toutefois, quelques éléments de changement, liés d’une part, à l’élargissement du périmètre aux collectivités territoriales et aux associations de protection sociale et, d’autre part, à la recherche de concertation avec les parties prenantes. La MAP

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République française (2007). Révision générale des politiques publiques. Fiche de synthèse, [consulté en ligne le 15 janvier 2009], http://www.rgpp.modernisation.gouv.fr/

prévoit que toutes les politiques seront évaluées d’ici la fin du quinquennat. Fin 2013, une vingtaine des quarante-neuf évaluations initiées, étaient achevées (Fouquet, 2014).

Un cadrage commun est donné dans le guide élaboré par une équipe d’inspecteurs généraux (Battesti et al., 2012). Pour ces évaluations, les auteurs prônent le pragmatisme et mettent en garde les évaluateurs des pièges de l’exercice : confusion des responsabilités, excès d’expertise au détriment de l’association des parties prenantes, exercice trop expert et déconnecté de la décision, préconisations irréalistes, capture par des intérêts particuliers.

Depuis 2013, un Commissariat général à la stratégie et à la prospective (CGSP), qui remplace le Centre d’analyse stratégique, a la double vocation, d’être un lieu d’échanges et de concertation et d’apporter son concours au gouvernement pour la construction de l’avenir. De même, inspiré des expériences étrangères, un Laboratoire de l’innovation publique (LIP) a vu le jour ; il aura la charge d’évaluer les politiques publiques, de faire remonter des expériences, de pratiquer des expérimentations et de diffuser des modèles.

Le récit des vingt-cinq dernières années témoigne des vicissitudes de l’évaluation des politiques publiques en France. Née sous le signe de l’évaluation démocratique, elle est aujourd’hui entraînée par la vague néolibérale et marquée du sceau des réformes successives de l’Etat.