• Aucun résultat trouvé

L’étude du traitement des superpositions lexicales dans la littérature : principaux courants

2 PARTIE II – THÉORIE

2.3 CHAPITRE 3 L’ORGANISATION SUPERPOSANTE DU LEXIQUE : QUEL RÔLE SUR LA RECONNAISSANCE

2.3.2 L’étude du traitement des superpositions lexicales dans la littérature : principaux courants

expérimentales

La majorité des études qui abordent le phénomène des superpositions lexicales :

 ont cherché à montrer que les mots enchâssés (superpositions lexicales réelles) étaient activés lors du traitement du mot porteur, en mesurant l‟effet résiduel de leur activation dans une tâche postperceptive. À cette fin, le paradigme d‟amorçage (formel ou sémantique) a généralement été utilisé dans une tâche de décision lexicale (par exemple (Davis, Marslen-Wilson, & Gaskell, 2000, 2002; Isel & Bacri, 1999; Shillcock, 1990; Spinelli, Segui, & Radeau, 2001; Vroomen & van Gelder, 1997)), avec les notions de densité de voisinage et de fréquence lexicale en toile de fond théorique. Selon ces travaux, aussi bien les mots enchâssés à l‟initiale (effets de cohorte : // amorce // (Spinelli et al., 2001)) que les mots enchâssés en fin de porteur (« trombone » amorce « rib » par le mot enchâssé « bone » (Shillcock, 1990)) seraient activés lors du traitement du mot porteur. Cependant, les observations de Vroomen et van Gelder (1997) (un effet mesurable d‟amorçage est obtenu lorsque le mot est enchâssé à l‟initiale d‟un pseudo-mot, et non lorsqu‟il est enchâssé à l‟initiale d‟un mot) et d‟Isel et Bacri (Isel & Bacri, 1999) (il n‟y a pas d‟effet résiduel mesurable de la présence d‟un mot enchâssé à l‟initiale d‟un mot porteur), indiquent que l‟activation d‟un mot monosyllabique enchâssé initial est très éphémère, et qu‟elle est masquée dans le temps par la reconnaissance du mot porteur. L‟étude de Bowers et collègues (2005), apporte également des éléments en faveur de l‟activation des mots enchâssés grâce à une procédure originale (tâche de « compétition sémantique », qui mesure également un résidu du traitement dans le système, et non l‟effet direct des superpositions sur le traitement du mot stimulus (la variable dépendante mesurée est relative à une question posée après le traitement visuel d‟un mot)). Les mots superposés aux items (superpositions réelles et superpositions virtuelles) sont sémantiquement activés quelle que soit la position de la superposition (initiale, médiale ou finale).

 ont étudié les implications de la présence d‟un enchâssement (superposition lexicale réelle) pour la segmentation du flux de parole en mots (par exemple (Cutler & van Donselaar, 2001; Davis, Gaskell, & Marslen-Wilson, 1997a, 1997b; McQueen et al., 1994)).

 ont parfois inversé le problème en étudiant la reconnaissance des mots enchâssés (superposition lexicale réelle - par exemple (Davis et al., 1997a; Davis et al., 2000)), au lieu de la reconnaissance des mots porteurs de mots enchâssés.

 ont abordé l‟influence des superpositions lexicales virtuelles comme un effet de cohorte et de voisinage (travaux de Marslen-Wilson, Luce, Goldinger et Vitevitch), éventuellement comme un phénomène morphologique (par exemple (Andrews, 1986)).

 se sont intéressé au traitement des superpositions morphologiques (superpositions lexicales réelles), essentiellement dans l‟optique de tester

l‟hypothèse décompositionnelle des mots morphologiquement complexes (par exemple (Andrews, 1986; M. Taft & Forster, 1976)).

On peut donc dire que l‟organisation superposante du lexique, et plus particulièrement les superpositions lexicales, représente un problème central de la psycholinguistique, mais qu‟il n‟a pas, jusqu‟ici, été formellement identifié comme tel par la discipline, puisque abordé de manière atomiste à travers des sous-catégories spécifiques de phénomènes (morphologie, segmentation lexicale, voisinage, point d‟unicité). Toutes ces sous-catégories, reliées à un problème plus générique (organisation superposante du lexique mental), se confondent en effet partiellement avec la supercatégorie « superposition lexicale ».

Laissant de côté les études qui ont abordé l‟impact des superpositions lexicales virtuelles sur la reconnaissance des mots stimuli (mots pouvant être l‟initiale d‟un mot plus long - problèmes de réduction de cohorte et de traitement morphologique), seulement 2 études essayant de comprendre l‟effet direct de superpositions lexicales réelles sur la reconnaissance de mots porteurs ont pu être trouvées dans la littérature.

La première de ces 2 études a été réalisée par Taft et Forster (1976). Elle traitait de la reconnaissance de mots plurisyllabiques, mono ou pluri-morphémiques, en modalité visuelle. La seconde, réalisée par Luce et Lyons (1999), traitait de la reconnaissance de mots bisyllabiques monomorphémiques, en modalité auditive.

2.3.2.1 L’étude de Taft et Forster (1976)

Focalisée autour du problème du stockage des mots plurisyllabiques et de leur accès, cette étude montre que la reconnaissance visuelle des mots s‟effectue probablement sur la base de la première syllabe, et non des syllabes non initiales. La 5ème expérience décrite dans l‟article (tâche de décision lexicale) révèle que la

reconnaissance du mot porteur est affectée par la fréquence du mot superposé qui compose sa première syllabe. Comparant 20 paires de mots porteurs (exemple : « headstand » et « loincloth »), appariés en fréquence, les auteurs trouvent que celui qui renferme initialement le mot le plus fréquent (« head ») est reconnu le plus rapidement (598 vs. 629 ms.). L‟interprétation qu‟ils en donnent, dans le contexte théorique d‟il y a 30 ans (modèle de Forster), est que les mots sont accédés sur la base de leur première syllabe lors de leur traitement visuel.

2.3.2.2 L’étude de Luce et Lyons (1999)

Dans 2 expériences utilisant toutes deux une tâche de décision lexicale et une tâche de répétition (« shadowing »), les auteurs explorent l‟incidence sur la reconnaissance auditive d‟un mot porteur bisyllabique, de la présence d‟un mot enchâssé en position initiale et formant la première syllabe du porteur (Expérience 1 – N = 18 paires (« cherish » (« chair ») vs. « flourish »)), ou en position finale et formant la deuxième syllabe du porteur (Expérience 2 – N = 26 paires (« chloride » (« ride ») vs. « chlorine ») – superpositions non morphologiques). Les items sont fortement contrôlés de manière à être appariés sur des critères de fréquence, de durée, de position du point d‟unicité et de familiarité. Les données sont analysées classiquement, par ANOVAs séparées sur les sujets et sur les items.

Les résultats montrent que les mots renfermant une première syllabe lexicale sont classés et répétés plus rapidement que ceux dont la première syllabe n‟est pas lexicale (tâche de décision lexicale : 939 vs. 991 ms. ; shadowing : 819 vs. 858 ms.). Par contre, la mesure ne permet pas de montrer que le traitement des mots porteurs ait été modifié par la présence d‟un enchâssement final (tâche de décision lexicale : 1069 vs. 1071 ms. ; « shadowing » : 975 vs. 965 ms.).

Les auteurs concluent de ces résultats que :

 La présence d‟un mot enchâssé initial favorise la reconnaissance du mot porteur, phénomène contradictoire avec les prédictions théoriques qui prévoient une interférence lexicale (exemple : TRACE).

 Bien que le mot enchâssé en position finale soit probablement activé (étude de Vroomen et de Gelder (1997)), son impact sur la reconnaissance du porteur est réduit et non mesurable.

En résumé, la littérature indique que les mots superposés sont transitoirement activés lors du traitement des mots stimuli. Elle fournit cependant très peu d‟observations relatives à l‟impact effectif des superpositions réelles non morphologiques sur la reconnaissance du mot stimulus ou porteur. Lorsqu‟elle le fait, des résultats paradoxaux sont observés.

2.3.3 Les prédictions des modèles psycholinguistiques de la