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L’état des connaissances en matière de localisation des activités logistiques

Dans le document Introduction générale (Page 30-44)

Encadré 4 : Quelques parcours exemplaires d’entreprises de prestation logistique (partie 2)

1.2 Logistique, géographie et développement territorial : l’état de la question

1.2.1 La logistique en géographie, un reflet des tendances actuelles de la discipline

1.2.1.3 L’état des connaissances en matière de localisation des activités logistiques

Il existe deux types d’implications spatiales de la logistique, d’une part, celles relatives au transport de marchandises et, d’autre part, celles qui concernent l’utilisation de l’espace (Hesse 2002a). Suivant ce qui est observé au niveau de la structuration de la discipline, la majorité des publications est consacrée à l’aspect "transport" de la problématique. Dans la mesure où les textes transversaux, traitant tant de la localisation statique des entreprises logistiques que des flux de marchandises sont très rares (Hesse et coll., 2004), notre relevé de l'état des connaissances analyse séparément les apports de deux courants. Une synthèse transversale de ces approches révèle l'existence d'une problématique commune. Il s'agit des phénomènes de polarisation spatiale des activités logistiques et de transport de marchandises, que ce soient sur des lieux, ports, aéroports, villes, terminaux ou sur des axes. Ce paradigme a d’abord été étudié et argumenté par les spécialistes de la géographie des transports de marchandises.

Ainsi au niveau du transport maritime et de l’activité portuaire, la conteneurisation des flux, qui a accompagné et facilité la hausse rapide de ce commerce au cours des dernières décennies, encouragerait un double phénomène de polarisation. D’après les auteurs défendant cette thèse, celle-ci se manifeste d’abord dans l’industrie du transport maritime de conteneurs (Frémont, 2007). Ce secteur étant fortement capitalistique, il engendrerait une concentration de l’activité aux mains d'un petit nombre d’armateurs, déployant des réseaux mondiaux, de leur propre initiative ou par le biais d’alliances (Alix et coll., 1999 ; Frémont, 2007 ; Notteboom et coll., 2008 & 2011). Cette concentration se répercuterait sur l’activité portuaire de deux façons. En premier lieu, la réorganisation des acteurs du transport maritime se traduirait par une refonte de leur desserte portuaire pour adopter un modèle hubs and spoke, organisé autour de quelques ports majeurs par région mondiale qui polarisent et redistribuent les flux à leurs abords (Frémont, 2007 ; Slack et coll., 2007 ; Notteboom et coll., 2008). Deuxièmement, la concentration du transport maritime entre un nombre limité d’acteurs s’accompagnerait d’un mouvement similaire au niveau de la manutention portuaire de conteneurs, qui est également contrôlée par quelques entreprises multinationales. Comme le

armements maritimes, exigeant des investissements massifs, la concentration et la mise en place de coopérations entre armateurs et manutentionnaires serait encouragée, favorisant un mimétisme entre ces deux activités (Notteboom 2008a ; Rodrigue et coll., 2009a ; Wilmsmeier et coll., 2009). La présence du couple armateur/manutentionnaire mondiaux dans un port deviendrait une condition sine qua non pour que celui-ci puisse s’intégrer dans les flux commerciaux maritimes (Roso et coll., 2009 ; Notteboom et coll., 2011). Ce double mouvement favoriserait généralement les plus grands ports historiques, disposant de liens commerciaux avec les industriels et capables de mener les investissements nécessaires pour accueillir les acteurs mondiaux (Ducruet et coll., 2010). Cependant, Notteboom (1997) signale que, dans certaines circonstances, des terminaux plus récents tels que Zeebrugge ou Felixstowe peuvent émerger, de même que des hubs déterritorialisés, déconnectés de l'économie locale. Ils constitueraient des cas particuliers, liés aux impératifs organisationnels et ne remettant pas en cause le mouvement global de sélection et de concentration des ports mondiaux. Ils entraineraient par ailleurs généralement peu de développements industriels connexes.

Ces constats amènent à s’interroger sur les mécanismes de sélection et sur les raisons expliquant la domination des plus grands ports et ses conséquences. Dans ce domaine, deux hypothèses coexistent et se complètent mutuellement. La première est basée sur l’émergence de villes-ports, pôles de concentration des flux de marchandises et de services à partir desquels s’organiserait la logistique mondiale (Ducruet, 2005). Les agglomérations portuaires profiteraient de leur situation de lieu d’échange de marchandises pour attirer les principaux acteurs portuaires mondiaux ainsi que des activités de services aux entreprises liés à ces flux et notamment la logistique de haut niveau (Verhetsel et coll., 2009). Dès lors, elles constitueraient des lieux de branchement des territoires dans la mondialisation, tant du point de vue des échanges de marchandises que des services qui y sont liés (Priemus, 2001). Ce seraient des points de contact entre l’espace global et régional et à partir desquels s’organisent les territoires. Cette approche principalement basée sur l’insertion dans les réseaux mondialisés rejoint la vision de nombreux chercheurs de la discipline, dont le Globalization and World Cities research group (GaWC) est le représentant le plus connu (Beaverstock et coll., 1999). Des publications utilisant des approches et résultats issus de recherches menées par le GaWC existent d’ailleurs et semblent démontrer la proximité existant entre les réseaux globaux de services de haut niveau et ceux établis par les prestataires logistiques (Verhetsel et coll., 2009 ; Matsumoto, 2007 ; Ducruet et coll., 2010, Jacobs et coll., 2010), à la différence près que les seconds sont surreprésentés dans les villes portuaires. Cependant, cette approche est nuancée par Chapelon (2006) et Ducruet et coll. (2010). Selon eux, le principal déterminant de l’activité des villes-ports reste malgré tout l’activité économique dans leurs alentours. Dans ce cadre, un second point de vue envisage la question sous l’angle des régions portuaires (Lavaud Letilleul, 2007 ; De Langen 2007 ; Ducruet et coll., 2010), c’est-à-dire des espaces regroupant des ports géographiquement proches, desservant un hinterland commun et entretenant des formes de coopérations. L’on retrouverait deux grands ensembles dans l’Europe du Nord-Ouest, les ports belgo-néerlandais et les ports allemands (Lavaud Letilleul, 2007 ; Notteboom, 2010). Les interactions entre les ports de ces ensembles, bien que n’étant pas formalisées dans le cadre d’une politique portuaire européenne commune, engendreraient un jeu d’acteur complexe, que Heaver et coll. (2001) et Lavaud Letilleul (2007) qualifient de

coopétition ou de coopération informelle. La cohabitation de plusieurs ports maritimes dans une même région les rendrait complémentaires dans le cadre des réseaux mondiaux du transport maritime de conteneurs, des destinations proposées et de l’offre pour les industriels de l’arrière-pays (De Langen 2007 ; Notteboom 2008a). La concurrence interportuaire s’exercerait dès lors plutôt entre régions portuaires qu’entre terminaux d'une même région (Lavaud Letilleul, 2007 ; Ducruet et coll., 2010).

La concentration des flux de transport et des services associés dans les ports, qui semble devoir se poursuivre (Blonigen et coll., 2008, Frémont, 2007), pose la question des limites de ce mouvement et des risques d’hypertrophie et d’asphyxie de ces territoires (Roos, 2005). Ce phénomène se manifesterait de deux manières, du point de vue de la disponibilité d’espaces pour ces activités et au niveau de la congestion des axes de transport permettant d’accéder aux ports (Hesse et coll., 2004 ; Rodrigue et coll., 2010). Cette saturation serait susceptible de menacer leur croissance (Van Schijndel 2000).

Dans ce contexte, les hinterlands portuaires font l’objet d’un intérêt croissant (Slack, 1999 ; OCDE, 2000 ; Notteboom 2008a). L’organisation de ces espaces, en particulier par le biais du développement du transport intermodal, est envisagée comme la seule piste de croissance à long terme des grands ports (Van Schijndel et coll., 2000 ; Frémont et coll., 2010). La polarisation des flux et des activités reste l’hypothèse centrale de ces recherches, les concentrations se manifestant sur les principaux axes de transport intermodal et autour de quelques grands terminaux intérieurs multimodaux. De la déconcentration relative des espaces portuaires au profit du développement d’hinterlands portuaires organisés découlerait une nouvelle polarisation sur des nœuds secondaires structurant le territoire (Debrie et coll., 2008 ; Rodrigue et coll., 2009a). Cette polarisation se manifesterait aussi par le biais des ports auxquels sont reliés ces espaces (Fischer, 1994 ; Franc, 2009).

La concentration des échanges de marchandises dans les ports génère une intensification des flux de marchandises sur les axes qui y mènent. Plusieurs publications signalent les effets négatifs potentiels de cette situation sur la compétitivité des terminaux maritimes, à cause d’une hausse de la congestion et des coûts (Van Schijndel et coll., 2000 ; Roso et coll., 2009 ; Notteboom, 2010). Néanmoins, cette concentration des flux pourrait avoir pour effet de favoriser les modes de transport alternatifs à la route, qui conservent des capacités non utilisées et gagnent en compétitivité lorsqu’ils sont utilisés pour des volumes de marchandises massifiés (Rodrigue et coll., 2010). Dès lors, de nombreux auteurs étudient les possibilités et l’intérêt du développement du transport intermodal (Roso et coll., 2009), en signalant qu’il ne pourrait être rentable que s’il est utilisé sur quelques axes susceptibles de générer des flux concentrés et réguliers (Konings, 2005).

La problématique est étudiée d’un point de vue organisationnel et traitant des infrastructures. Les recherches soulignent l’intérêt pour les ports de promouvoir, de financer ou de construire des infrastructures ferroviaires ou fluviales de grande capacité dans leur arrière-pays, susceptibles de capter et prendre en charge des flux massifs (Van Schijndel et coll., 2000 ; Rodrigue et coll., 2010). Le long ou au bout de ces axes, devraient être aménagés des terminaux intermodaux, où seront transbordés les marchandises à destination ou provenant des régions proches (Ballis et coll., 2002 ; Roso et coll., 2009). La massification des flux

plaiderait pour une réduction du nombre de points d’échanges, au profit de la mise en place de grands terminaux, relativement éloignés des ports (Fleming et coll., 1994 ; Konings 2005 ; Rodrigue, 2008 ; Roso et coll., 2009) ; une distance minimale de 300 kilomètres entre les ports et les terminaux est généralement citée comme le seuil de rentabilité pour le transport intermodal (Kapros, 1994 ; Macharis et coll., 2008). Dès lors, une approche théorique traitant de cette problématique s’est développée, basée sur la modélisation des flux de marchandises, des axes de transport et des terminaux (Geerts et coll., 2000 ; Thomas et coll., 2002 ; Bontekoning et coll., 2004 ; Macharis et coll., 2008). L’objet de ces recherches est de tenter de rationaliser les échanges de marchandises et d’identifier les meilleures solutions pour reporter les flux vers la voie d’eau et le rail en mettant en place des modèles mathématiques. Ceux-ci doivent être susceptibles de déterminer les mesures à prendre, les axes et terminaux à construire et leur localisation, ou les politiques relatives au coût du transport à privilégier, selon différents scénarios et objectifs à atteindre (Beuthe et coll., 2001 ; Limbourg et coll., 2007). Leurs résultats plaident également pour une concentration des activités de transport intermodal sur un faible nombre de terminaux, éloignés des ports pour générer des flux groupés, transportés sur de longues distances. Ces recherches s’éloignent cependant du cadre d’étude géographique pour devenir une problématique orientée vers les sciences de l’ingénieur et les mathématiques appliquées. De plus, sans remettre en cause la polarisation des flux et en corollaire de l’hinterland portuaire, certains auteurs signalent néanmoins les limites d’une approche trop théorique. Ils soulignent le fait que le principal déterminant de la morphologie de l’arrière-pays reste le port lui-même et ses liens avec l’économie environnante et qu’il n’y a pas un modèle organisationnel unique (Nierat, 1991 ; Nijkamp et coll., 2004 ; De Langen, 2007).

Un deuxième angle d’approche consiste à étudier les questions d’ordre institutionnel, c’est-à-dire le comportement des acteurs régissant la desserte des arrière-pays portuaires. De Langen et coll. (2004) et Van der Horst et coll. (2008) soulignent le fait que cet intérêt pour l’hinterland est une problématique qu’intègrent de façon croissante les opérateurs portuaires eux-mêmes. Tant les armateurs que les manutentionnaires développent des infrastructures de transbordement à l’intérieur des terres et mettent en place des services de navettes pour les relier aux terminaux maritimes (Roso et coll., 2009 ; Frémont, 2007 ; Notteboom et coll., 2008 ; Franc et coll., 2010). Les gains potentiels seraient multiples. Il s’agirait d’assurer les parts de marchés en se rapprochant des clients (De Langen, 2007), de réduire la congestion et les coûts aux abords des sites portuaires (Van Schnijndel et coll., 2000), d’offrir un service supplémentaire aux clients (Franc, 2009) et de stabiliser l’organisation de la chaine de transport par le biais d’une plus grande maîtrise du maillon terrestre (Ballis et coll., 2002 ; Roso et coll., 2009 ; Song et coll., 2011). En polarisant leur arrière-pays, les plus grands ports renforceraient leur suprématie en matière de captation des flux maritimes (Hoare, 1986 ; Notteboom, 2008b). Les gestionnaires portuaires publics s’impliqueraient dans leur hinterland, y voyant une piste à privilégier pour leur croissance (Lavaud Letilleul, 2005). La libéralisation du transport ferroviaire et fluvial serait également un facteur favorisant le développement du transport intermodal dans les arrière-pays portuaires. Elle permettrait l’émergence d’entreprises privées proposant une offre concurrentielle, susceptible de faire baisser les prix et d’améliorer l’efficacité de cette activité (Van Klink et coll., 1998 ; Lopez Ponton, 2007). Appréhendé comme un des seuls marchés où ces modes alternatifs à la route

peuvent être rentables, cet espace concentrerait l’offre de nouveaux acteurs privés (Gouvernal et coll., 2005 ; Debrie et coll., 2006). En ce sens, la création d’un marché concurrentiel des transports favoriserait la polarisation des flux, dans la mesure où elle pousserait les opérateurs à se concentrer sur les seuls axes rentables au détriment d’une desserte plus fine (Konings, 2005).

Par ailleurs, la question de la desserte de l’hinterland se pose aussi au niveau des liaisons entre les grands ports et les terminaux secondaires, par le biais du développement du short sea shipping, c’est-à-dire la desserte des ports secondaires à l’aide de navettes maritimes à courte distance (Marlow et coll., 2004, Douet et coll., 2011). Cette organisation profiterait aux terminaux secondaires, en leur offrant une liaison de grande capacité vers les principaux ports, ainsi qu’à ces derniers, en renforçant leur statut de centres polarisateurs des flux internationaux (Gouvernal et coll., 2010).

En dehors de ces espaces et axes structurants, l’offre ferroviaire et fluviale tendrait à se contracter, ne trouvant pas un marché suffisamment intéressant et rentable pour se maintenir (Lopez Ponton, 2007). Au niveau ferroviaire, la concurrence sur les plus grands axes ne permettrait pas ou plus aux anciens opérateurs publics d’en retirer des revenus suffisants pour financer la desserte fine, alors que les nouveaux entrants n’y verraient pas un intérêt immédiat (Franc, 2009). Pour la voie d’eau, plusieurs éléments favoriseraient ce recentrage de l’offre ; la mise en place de navettes fluviales conteneurisées rentables impliquerait l’utilisation de navires relativement grands, ce qui exclut les axes de moindre capacité (Konings, 2005), et le maintien d’une vitesse commerciale suffisante, ce qui tendrait à réduire les arrêts et à éviter les voies fluviales comportant un nombre trop élevé d’écluses ou autres obstacles.

L’étude du transport aérien, moins riche que son homologue portuaire, s’oriente vers des conclusions similaires, c’est-à-dire une polarisation des activités, cette fois sur les plus grands aéroports (Noviello et coll., 1996 ; Hwang et coll., 2011) aux mains de quelques opérateurs mondiaux (Bowen et coll., 2004).

Le transport aérien, secteur important pour certains types de marchandises tels que les produits de valeur ou les denrées périssables, a connu une croissance 75 % depuis le début des années ‘90 (Carroué, 2002 ; Gardiner et coll., 2008). Cette croissance se poursuit, poussée par la multiplication des envois réguliers et par petits colis. On estime que ce mode de transport, dont la part modale est négligeable en termes de tonnage, 0.2 % des échanges internationaux en tonnes, représente 15 % de la valeur de ces échanges (Yamaguchi, 2008 ; Rodrigue et coll., 2009b).

En première approche, le besoin limité en infrastructures en comparaison avec les ports maritimes et la déconnexion plus forte vis-à-vis des réseaux physiques de transport sembleraient conférer à ce mode de transport une plus grande souplesse d’implantation vis-à-vis des centres économiques traditionnels et une capacité d’adaptation rapide (Rodrigue et coll., 2009 b). De plus, les nuisances engendrées et la concurrence avec le transport passager dans les aéroports centraux congestionnés pousseraient les activités de fret aérien à s’éloigner des zones densément occupées (Noviello et coll., 1996 ; Gardiner et coll., 2008). Deux logiques seraient à l’œuvre dans l’industrie du transport aérien :

- en premier lieu le trafic aérien de fret conventionnel réalisé par les compagnies aériennes classiques, soit par le biais de vols spécialement dédiés au fret soit dans les soutes des avions passagers. Ce volet de l’activité suivrait une logique spatiale assez proche et dépendante du transport de passagers (Zhang et coll., 2002 ; Gardiner et coll., 2008) en se concentrant dans les aéroports proches des plus grandes villes et des centres industriels. De plus, dans la mesure où il s’agit d’une activité réalisée pour le compte de clients extérieurs, elle s’adapterait à leur répartition spatiale, c’est-à-dire à la structure urbaine.

- En second lieu, le transport aérien réalisé par les opérateurs internationaux de courrier express : cette activité, d’abord limitée aux envois urgents et ponctuels, est maintenant intégrée dans la chaîne logistique, y compris pour des envois réguliers (Hall, 1989 ; Burmeister, 2000 ; Leinbach et coll., 2004 ; Bowen et coll., 2004). Dans ce cadre, les opérateurs de courrier express ont étendu leur gamme de services logistiques et leur envergure et sont actifs dans le monde entier (Bowen et coll., 2004). Cette activité s’organiserait selon une logique différente, celle d’un réseau en étoile organisé autour de hubs. N’étant pas contraintes par une activité passagers, ces entreprises choisiraient généralement des aéroports ouverts 24 h/24 et situés à proximité du barycentre économique et démographique des marchés qu’elles desservent pour établir leur hub (Noviello et coll., 1996 ; Boquet, 2009). Ce choix de localisation serait plutôt lié aux contraintes organisationnelles internes à l’entreprise que dicté par la proximité des clients, ouvrant la possibilité d’utiliser des aéroports secondaires, moins centraux. Cependant, à petite échelle, ces hubs seraient nécessairement relativement proches des centres industriels et de services. Ces espaces étant générateurs des flux, éloigner le nœud du réseau de ces lieux augmenterait le temps de réaction, fondamental dans cette industrie, et la longueur moyenne des vols, donc les coûts (Gardiner et coll., 2008). Enfin, sur les liaisons générant des volumes de fret suffisamment élevés et réguliers, correspondant généralement à des liens entre des concentrations économiques majeures, les vols directs tendraient à être privilégiés sur le hubbing (Zhang et coll., 2002).

Dès lors, l’organisation actuelle du transport aérien ne remettrait pas en cause la concentration des activités sur les plus grands terminaux aéroportuaires, qu’ils soient uniquement consacrés au fret ou bien qu’ils aient une double activité fret et passager (Noviello et coll., 1996). La nécessaire rapidité des processus, qui en corollaire demande une proximité vis-à-vis des clients, favoriserait les aéroports proches des concentrations économiques et de population (Hwang et coll., 2011). De même, la sécurité nécessaire pour assurer des échanges de biens à haute valeur, qu’il s’agisse de produits technologiques, de matériaux précieux ou sensibles, favoriserait une concentration des flux pour en faciliter le contrôle. Ce fait serait renforcé par différentes contraintes techniques, telles que la présence de pistes disposant d’une longueur suffisante pour accueillir les plus grands appareils ou des infrastructures au sol ayant la capacité suffisante pour traiter plusieurs avions simultanément ainsi que leurs marchandises (Matsumoto, 2007 ; Gardiner et coll., 2008).

Enfin, la route est de loin le premier mode pour véhiculer les échanges terrestres de marchandises (Rodrigue et coll., 2009b). Le développement des grandes infrastructures autoroutières durant l’après-guerre a favorisé ce mode de transport, en lui facilitant l’accès au territoire et en participant à la déconcentration des activités économiques en général (Mérenne Schoumaker, 2008a). Ensuite, les mutations récentes de l’appareil productif et de l’organisation de la distribution ont été le moteur principal de la croissance du volume de biens échangés par la route (Nielsen et coll., 2003 ; Cruz, 2011). La production en just in time et l’éclatement spatial des chaines productives et distributives ont engendré une multiplication et une accélération des échanges de marchandises et une réduction des volumes unitaires transportés, que seule la route peut prendre en charge efficacement. Si les publications démontrant l’implication du transport routier en tant que cause, conséquence et révélateur de l’organisation économique actuelle sont nombreuses, son abord sous l’angle de la localisation de ses activités est très rarement envisagé (Browne, 1993 ; Beyer, 1999).

Cette situation est expliquée de différentes manières. En premier lieu, le fait qu’une part non négligeable de l’activité soit effectuée en compte propre par les entreprises et ne puisse être clairement identifiée spatialement aurait un impact certain (Cruz, 2011). Un autre élément rendant l’étude de l’industrie du transport routier plus compliquée et expliquant en partie le désintérêt vis-à-vis de la question serait le fait que le secteur est composé d’un très grand nombre de petites entreprises, en particulier pour les transports à courte distance (Beyer, 1999 ; Cruz, 2011). Ceux-ci représenteraient toujours la majorité des déplacements, plus de la moitié des trajets s’effectuant sur une distance de moins de cent kilomètres. Cette frange du

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