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Lésions cutanées

Dans le document Malassezia et malassezioses (Page 17-33)

III. CLINIQUE

III.1 Lésions cutanées

III.1.1 Pityriasis Versicolor [57, 69, 72, 73, 74, 75, 76, 77]

C’est une épidermomycose fréquente et bénigne, due à une invasion par

Malassezia sp des couches les plus externes du stratum corneum. Elle est

cosmopolite et souvent récidivante. Elle atteint surtout l’adolescent après la puberté et le jeune adulte, sans distinction de sexe. La contagion interhumaine et la transmission indirecte sont peu fréquentes et controversées. L’infection se fait surtout à partir de la microflore cutanée commensale. Le passage de cet état à l’état pathogène s’accompagne souvent de la transformation de la forme levure en forme mycélienne ou pseudomycélienne. Il est à rechercher dans les nombreux facteurs favorisant la prolifération de ces levures, tels que les facteurs:

– physiologiques : peaux claires, grasses ou séborrhéiques ; hyperhydrose et transpiration ; malnutrition ;

– climatiques : chaleur, humidité, exposition fréquente au soleil, d’où la plus grande fréquence du pityriasis l’été et en bordure de mer. Il constitue en effet la plus répandue des « mycoses de l’été » dans les pays du bassin méditerranéen. De même, son incidence est très forte dans les pays tropicaux chauds et humides;

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– iatrogènes : corticothérapie, contraceptifs oraux, immunodépresseurs, cosmétiques gras, huiles corporelles, crèmes hydratantes, écrans solaires à base de corps gras ;

– individuels : hypercorticisme (maladie de Cushing), grossesse, déficit de l’immunité cellulaire. Cependant, il ne paraît pas y avoir une plus grande prévalence du pityriasis versicolor chez les patients porteurs du virus de l’immunodéficience humaine (VIH).

Crespo Erchiga et al [57, 73,74] montrent que M.globosa, et à un degré moindre

M.sympodialis, M.slooffiae et M.restricta, sont les espèces prédominantes

isolées dans le pityriasis versicolor.

Une autre étude récente d’Aspiroz et al [72] cherche à établir l'association entre les espèces de Malassezia et les lésions de pityriasis versicolor. Les souches isolées chez 79 patients inclus dans l’étude sont principalement M.globosa dans

90% des cas puis M.sympodialis dans 41% des cas.

D'autres auteurs [58, 78] ont cependant constaté que l’espèce la plus fréquente est M.sympodialis. Les différences entre les études peuvent être expliquées par le fait qu'il peut y avoir des variations dans l’espèce en cause selon le climat, les savons et détergents utilisés, et les méthodes utilisées par les auteurs pour isoler les espèces de Malassezia .

La forme typique du pityriasis versicolor est la plus fréquente, mais on peut trouver des formes atypiques dont les formes achromiante (à différencier du vitiligo), érythémateuse et érythématosquameuse.

– Dans sa forme typique (figure 7), les lésions primitives sont constituées par des macules arrondies ou ovalaires squameuses, non érythémateuses, non prurigineuses, bien délimitées et extensives. Elles débutent autour d’un follicule pilaire et grandissent de façon centrifuge. Leur diamètre varie de quelques

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millimètres à plusieurs centimètres. Elles deviennent plus ou moins confluentes avec le temps réalisant ainsi des lésions allant d’un aspect en goutte à de grandes nappes à contours polycycliques. Elles sont de couleur variable (d’où le nom de versicolor), allant au début du rose chamois au brun café au lait foncé chez les individus de race blanche, souvent grasses et luisantes. Par grattage à la curette, des squames épaisses et molles se détachent facilement et de façon abondante : c’est le signe du « copeau ». L’épiderme sous-jacent est en général normal ou légèrement érythémateux ; il n’y a pas de réaction inflammatoire. Les lésions étendues en larges nappes sont en général peu squameuses. Elles sont classiquement localisées dans les zones les plus riches en glandes sébacées : partie haute du tronc, cou, bras, région sous mammaire, épaules. Mais la face, la partie basse du tronc, le dos des mains et les membres inférieurs sont parfois touchés. Seuls les paumes et les plantes sont généralement épargnées. Sans thérapeutique, les lésions s’étendent à tout le territoire cutané. Il n’y a pas de guérison spontanée. En dehors du caractère inesthétique, la maladie est asymptomatique.

– Dans les formes dites achromiantes (figure 8), les lésions sont au contraire peu squameuses et totalement dépigmentées. Le mécanisme possible de cette dépigmentation serait lié à la production d’acides carboxyliques, et notamment d’acide azélaïque par M.furfur. Ces acides seraient capables d’inhiber la biosynthèse de la mélanine par les mélanocytes et son transfert aux kératinocytes.

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Figure 7 : Pityriasis versicolor pigmenté [7]

Figure 8 : Pityriasis versicolor achromique [7]

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Le diagnostic clinique repose sur la présence et la localisation en général typique des taches cutanées, maculaires ou nummulaires, plus ou moins confluentes, ainsi que sur leur fluorescence jaune à jaune verdâtre en lumière de Wood. L’examen dermatologique en lumière de Wood permet par ailleurs de détecter des lésions frustes ou débutantes non visibles à l’œil nu et d’évaluer l’étendue des lésions. Il constitue aussi un bon élément de surveillance de l’efficacité du traitement. Cependant, les formes achromiantes ne sont pas fluorescentes.

III.1.2 Dermatite séborrhéique

La dermatite séborrhéique est une dermatose chronique récidivante, touchant près de 3 % de la population, et dont la sévérité est très variable d’un sujet à l’autre. Cette dermatose chronique se caractérise par des lésions érythématosquameuses siégeant dans les zones où l’activité sébacée est maximale. Sa physiopathologie est encore à l’heure actuelle source de beaucoup d’interrogations.

Diverses espèces de Malassezia paraissent impliquées. Crespo Erchiga et al montrent que M.restricta, M.globosa sont des espèces plus souvent isolées que

M.sympodialis, M.slooffiae ou M.furfur [57].

III.1.2.1 Dermatite séborrhéique de l’adulte

Chez l’adolescent ou chez l’adulte, elle est caractérisée par des lésions érythématosquameuses recouvertes de squames blanches ou jaunâtres, plus ou moins grasses, non adhérentes, plus ou moins prurigineuses, particulièrement localisées dans les territoires cutanés riches en glandes sébacées tels que les sillons nasogéniens (figure 9), les sourcils et la région intersourcilière, le menton (figure 10), la bordure antérieure du cuir chevelu, le pavillon auriculaire, la région présternale et, à un degré moindre, la région interscapulaire. Elle est parfois plus étendue, atteignant tout le thorax

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(figure 11). Ces plaques ont classiquement une évolution centrifuge, avec un

érythème plus marqué en périphérie et un contour polycyclique ou annulaire. C’est une infection qui peut survenir dès la puberté. Elle est plus fréquente chez l’adulte de sexe masculin. Elle procède souvent par poussées intermittentes, congestives et prurigineuses, accompagnées ou non d’un pityriasis capitis, plutôt pendant la saison froide. Les facteurs favorisants classiques sont les peaux grasses, les émotions, le stress, divers facteurs hormonaux, des déficits de

l’immunité cellulaire et, plus spécifiquement, les déficits de la fonction T-cellulaire. Chez les immunodéprimés, et plus particulièrement chez les

patients atteints du syndrome d’immunodéficience acquise (sida), cette affection peut être plus fréquente et plus extensive, associée ou non à des folliculites.

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Figure 10 : Dermatite séborrhéique de la face [7]

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III.1.2.2 Dermatite séborrhéique du nouveau-né [27, 52] La présentation clinique est radicalement différente de celle de l’adulte. Les lésions surviennent habituellement dans le premier mois de la vie, en général entre 2 semaines et 3 mois, et se localisent surtout au cuir chevelu et aux fesses. Sur le cuir chevelu, elle est caractérisée par des squames grasses qui recouvrent au moins partiellement un érythème ; des plaques érythémateuses de taille variable sont ainsi formées. Lorsqu’elles sont de taille moyenne, il s’agit des classiques « croûtes de lait », mais elles peuvent aussi être très étendues et atteindre la totalité du cuir chevelu (Figure 12). Les lésions peuvent également s’étendre à l’ensemble du cuir chevelu et à la face. Il peut s’y associer un érythème rouge vif du siège (atteinte bipolaire) (Figure 13) et une atteinte des plis axillaires (Figure 14). En revanche, l’état général est conservé et les lésions n’engendrent pas de gêne fonctionnelle ni de prurit.

Sur les fesses, l’érythème prédomine nettement, les squames étant beaucoup moins importantes ou même inexistantes. À partir de ces localisations, les lésions peuvent s’étendre jusqu’à recouvrir la totalité du corps : c’est l’érythrodermie de Leinert- Moussous (figure 15) dans laquelle le rôle des

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Figure 12 : Dermatite séborrhéique du cuir chevelu chez un nourrisson

Figure 13: Dermatite séborrhéique du nourrisson, atteinte du siège

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Figure 15 : Erythrodermie de Leinert-Moussous

III.1.2.3 Formes cliniques selon le terrain

Il est par ailleurs constaté une augmentation de la prévalence de la dermatite séborrhéique au cours de certaines maladies. Ainsi, lors de l’infection par le VIH, on retrouve une dermatite séborrhéique dans environ 50 % des cas

(Figure 16). La prévalence et la sévérité de la dermatose sont liées à la

profondeur de l’immunodépression. Par ailleurs, dans des populations où la dermatite séborrhéique est rare, comme au Mali, l’apparition de cette dermatose chez un patient a une valeur prédictive positive de l’infection par le VIH, ce qui n’est pas le cas dans les populations occidentales où la prévalence de la dermatite séborrhéique est élevée.

Il est constaté également que les patients suivis en psychiatrie pour troubles de l’humeur ont une fréquence plus élevée de dermatite séborrhéique. Cela est particulièrement net dans la population dépressive. Une des explications pourrait être l’absence d’exposition solaire : en effet, les sujets dépressifs sont peu enclins à pratiquer des activités à l’extérieur, et il a été montré que la dermatite séborrhéique serait plus fréquente chez les sujets peu exposés au soleil. Par

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ailleurs, il est intéressant de constater que la dermatose s’améliore fréquemment quand le sujet est traité par lithium.

Il est reconnu depuis longtemps que les patients atteints d’une maladie de Parkinson développent souvent une hyperséborrhée, ainsi qu’une dermatite séborrhéique sévère et profuse. L’importance de la séborrhée n’est en revanche pas corrélée à la sévérité de la maladie de Parkinson. Le traitement du Parkinson améliore l’état cutané. Les sujets ayant un syndrome parkinsonien induit par les neuroleptiques ont également fréquemment une dermatite séborrhéique sévère.

Figure 16 : Dermite Séborrhéique chez un sujet séropositif pour le VIH

III.1.3 Pityriasis capitis

Le pityriasis capitis est caractérisé par une hyperkératose non inflammatoire du cuir chevelu, en général peu prurigineuse, génératrice de nombreuses pellicules. Il n’y a pas d’atteinte du follicule pileux et pas de chute de cheveux. Dans les formes extrêmes, l’hyperkératose aboutit à la formation d’une couche épaisse de

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squames grasses et adhérentes : c’est la fausse teigne amiantacée d’Alibert. La différenciation entre le pityriasis capitis et la dermatite séborrhéique reste l’objet de controverses. Le pityriasis capitis est habituellement considéré comme une forme particulière de la dermite séborrhéique, affectant spécifiquement le cuir chevelu (Figure 17).

Dans la forme la plus discrète, le pityriasis simplex, le patient présente des squames fines, ou pellicules, avec un cuir chevelu non érythémateux. Dans la forme inflammatoire, le pityriasis gras, les squames sont plus épaisses et collent au cuir chevelu ; parallèlement, un érythème apparaît à la bordure frontale et mastoïdienne du cuir chevelu, constituant la classique «couronne séborrhéique». À l’extrême, les squames sont très épaisses et les lésions prennent l’aspect d’une pseudo-teigne amiantacée.

Le rôle de M.furfur fait l’objet de controverses depuis plus d’un siècle : sa présence sur le scalp est-elle la cause ou la conséquence de la desquamation ? Pour Kligman, l’élévation du pourcentage de M.furfur dans la flore microbienne des zones atteintes montrée par certaines études [79] serait la conséquence d’une augmentation des nutriments liés à la desquamation. En se fondant sur une étude où la diminution de la quantité de levure par un fongicide n’empêche pas la réapparition des pellicules malgré le maintien du traitement [80], il conclut à la non-responsabilité de M.furfur dans la genèse des pellicules. Pour cet auteur, «les pellicules sont l’intensification d’un processus physiologique de desquamation dont la cause est héréditaire ou constitutionnelle» [80].

Actuellement, il est admis par la majorité des auteurs que M. furfur joue un rôle causal dans la pathogénie des pellicules [62, 81, 82, 83, 84, 85, 86].

En plus des critiques méthodologiques formulées à l’encontre des études de Kligmann [86], plusieurs études thérapeutiques plaident pour un rôle causal de

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M. furfur en montrant une amélioration clinique parallèle à la réduction du

nombre de levures, ainsi qu’une récidive lors de la recolonisation [86, 87, 88]. Cette efficacité a été montrée pour des molécules antimycosiques sans effet cytostatique [89] comme la terbinafine [87].

Figure 17 : Pityriasis capitis

III.1.4 Folliculite [36, 90, 91, 92, 93].

Le premier cas de folliculite à Malassezia sp a été décrit en 1969 par Weary et al [36]. En1973, Potter et al. [91] ont reconnu l’entité clinique et histologique. La folliculite se produit principalement chez les femmes de 25 à 35 ans.

Elle est caractérisée par des lésions folliculaires pustuleuses et papuleuses, une inflammation périfolliculaire (figure 18) et un prurit plus ou moins prononcé. Ce dernier est souvent le signe clinique principal, avec le plus souvent dissociation de la discrétion des lésions et de l’importance des démangeaisons. Les follicules pileux sont envahis par les levures entraînant alors leur occlusion

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locale ainsi qu’une inflammation périphérique liée à la sécrétion de métabolites par le champignon et aux acides gras libres produits par la lipase fongique. Ces folliculites siègent en général sur le tronc, particulièrement le dos et les épaules

(figure 18) et, plus rarement sur les avant-bras et la base du cou. Les lésions

peuvent aussi se propager au dos des mains, les jambes et la face (Figure 19) mais également la poitrine et l’abdomen (Figure 20). Elles sont souvent associées à une dermite séborrhéique ou à un pityriasis versicolor. La corticothérapie et l’antibiothérapie par les cyclines constituent un facteur favorisant bien connu. Leur fréquence est largement augmentée chez les patients atteints de sida, chez lesquels les lésions folliculaires s’étendent rapidement.

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Figure 19 : folliculite du visage

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III.2 Infections systémiques [94, 95, 96, 97, 98]

Avant 1984, les infections invasives à Malassezia sp ont été limitées à un seul cas de sinusite maxillaire chronique et péritonite récurrente chez l'adulte et deux cas d'infection pulmonaire chez le nourrisson [52]. Les deux cas d’infections pulmonaire ont été rapportés chez des patients recevant au long court des émulsions grasses par des cathéters veineux centraux.

Cependant, depuis quelques années, plusieurs cas d’infections systémiques dues à Malassezia sp sont décrits. M.furfur et M.pachydermatis sont en effet isolés dans divers prélèvements (hémocultures, crachats, lavages broncholoalvéolaires, liquide péritonéal, urines...) et paraissent être responsables d’infections pulmonaires, d’infections nasopharyngées, de méningites ou de septicémies. En effet, M.furfur peut se disséminer dans les organes profonds tels que les poumons, le cœur, les reins, le pancréas, le côlon, le foie, la rate ou le cerveau. Ces infections surviennent chez des patients immunodéprimés ou chez des prématurés, le plus souvent sous perfusion de lipides, sous nutrition parentérale ou sous dialyse péritonéale. La colonisation du cathéter par les Malassezia saprophytes de la peau, la présence de lipides et le statut immunologique du patient sont souvent à l’origine de ce type d’infection. Par ailleurs, diverses infections nosocomiales impliquant M.furfur et M. pachydermatis sont signalées dans des unités de soins intensifs pour prématurés recevant par voie parentérale une antibiothérapie à large spectre et des émulsions lipidiques [24, 97, 97, 100].

M.furfur est responsable de sepsis avec comme signe clinique une fièvre,

bradycardie, syndrome de détresse respiratoire aiguë, thrombopénie ou une infection disséminée et invasion tissulaire avec invasion pulmonaire dans les territoires riches en lipides. Quant à M.pachydermatis, elle est responsable de sepsis du N-Né prématuré. Les facteurs de risques sont un faible poids de

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naissance, KT artériel, alimentation parentérale ou une antibiothérapie à large spectre [101].

Tableau 1 : Espèces de Malassezia impliquées en pathologie humaine [102, 103, 104, 105]

Malassezia furfur Peau normale, PV, DS, septicémie,

onyxis

Malassezia pachydermatis Septicémie

Malassezia sympodialis Peau normale, PV, DS, pustulose

néonatale du nouveau né

Malassezia globosa Peau normale, DS, folliculite, PV

Malassezia obtusa PV, DS, DA

Malassezia restricta Peau normale, PV, DS, DA

Malassezia slooffiae Peau normale, DS,

Malassezia dermatis, Malassezia yamatoensis, Malassezia nana, Malassezia japonica

DA

PV : pityriasis versicolor ; DS : dermite séborrhéique ; DA : dermatite atopique.

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