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Au moment de débuter les travaux de doctorat qui généreraient éventuellement cette thèse, certains objectifs précis furent établis afin de structurer notre étude. Tout d'abord, nous voulions identifier quels ions étaient responsables du courant de fuite de SGLT1, qui avait jusqu'à maintenant été assimilé à un courant de Na+ malgré plusieurs incohérences thermodynamiques. D'autre part, nous désirions bâtir un modèle cinétique et trouver un ensemble de paramètres qui serait capable de reproduire de façon satisfaisante les courants transitoires et stationnaires de SGLT1 en fonction du Na+ et du glucose.

1.5.1 Courant de fuite

Notre intérêt et notre motivation pour le courant de fuite de SGLT1 furent construits autour des principes suivants. Nous savions que chaque cycle de cotransport effectué par SGLT1 permettait au glucose et au Na+ d’entrer dans une cellule épithéliale selon un couplage strict de 2 Na+/1 glucose. De plus, lorsque SGLT1 était exprimé à la membrane

d’ovocytes de xénope, l’électrophysiologie à deux microélectrodes révélait que, en absence de glucose, il existait un courant sensible à la Pz significatif, le courant de fuite, qui représentait 5 à 10% du courant maximal de cotransport Na+/glucose (Umbach et al., 1990; Chen et al., 1997). On ne savait cependant pas si ce courant de fuite subsistait lors de l’activité de cotransport ou si ces deux modes étaient mutuellement exclusifs. Une étude avait proposé un modèle cinétique qui suggérait que l’amplitude des courants de fuite et de cotransport étaient égales quand [αMG]o = 40 μM, et que au-delà de cette concentration la

stœchiométrie du cotransport Na+/glucose demeurerait stricte (Chen et al., 1995). D’autre part, il avait toujours été présumé que seuls les ions Na+ étaient responsables du courant de fuite (Umbach et al., 1990; Mackenzie et al., 1998), malgré le fait que le VR du courant,

généralement situé entre −40 et −10 mV, s’avérait beaucoup plus négatif que le VR

attribuable à un courant de Na+ pur, soit environ +63 mV dans des conditions où [Na+]i = 7

mM et [Na+]o = 90 mM. Une sélectivité au Na+ allait aussi à l'encontre du fait qu'on ait

mesuré un déplacement du VR du courant de fuite vers des valeurs plus positives en

réduisant [Na+]o, contrairement au déplacement nernstien négatif alors attendu.

C’est dans ce contexte que le premier projet présenté dans cette thèse fut développé. Notre stratégie consistait à varier les concentrations extracellulaires des divers ions (Na+, Cl-, H+, K+) susceptibles de participer au courant de fuite dans le but d’identifier quels d’entre eux engendreraient un déplacement nernstien du VR, c’est-à-dire de 58 mV pour

une variation de la concentration extracellulaire d’un facteur 10. Nous disposions également d’un mutant de SGLT1 (C292A) dont la caractérisation préalable avait révélé un fort courant de fuite, mais une activité de cotransport presque inexistante (Gagnon et al., 2006). Ce mutant nous offrait donc la possibilité d’étudier la nature de la fuite ionique avec plus de facilité en manipulant des signaux d’amplitude accrue.

1.5.2 Détermination du TOR de SGLT1

Le second projet à susciter notre intérêt fut initié par une publication d'un de nos collègues du laboratoire. Ce dernier réussit à mettre au point la technique de la trappe

ionique (ITT) (Blanchard et al., 2008), selon laquelle une électrode sélective à large embout (~100 μm) qui est pressée contre la membrane plasmique d'un ovocyte, définissant ainsi un petit volume (la trappe), permet de mesurer des changements de concentrations ioniques associés à l'activité de cotransport de SGLT1. À ce moment, nous en étions à l'élaboration de notre modèle cinétique, et nous avons eu l'idée d'utiliser l'ITT afin d'estimer la fréquence à laquelle une molécule de SGLT1 effectue un cycle de cotransport, une caractéristique importante dans la compréhension de la cinétique des changements de conformation du cotransporteur. Plusieurs estimés du TOR de SGLT1 et de d’autres transporteurs étaient présentés dans la littérature, et la plupart avaient été obtenus à partir du rapport ⁄ max ou de l’étape limitante d’un modèle décrivant la cinétique stationnaire de cotransport (voir la section 1.2.3). Par contre, les valeurs du TOR de SGLT1 découlant de ces techniques étaient plutôt variables, dans la mesure où elles se situaient entre 5 s-1 (Loo et al., 2006) et 57 s-1 (Loo et al., 1993). Le mérite de l'ITT résidait dans sa capacité à déterminer d'un façon plus robuste le TOR de SGLT1. Ainsi, ce projet constituerait la première application fonctionnelle concrète de l’ITT, et en plus de mieux délimiter la valeur du TOR, il nous permettrait d’évaluer le nombre de transporteurs exprimés à la membrane plasmique à l’aide d’un outil expérimental indépendant des approches communément utilisées.

1.5.3 Modélisation cinétique de SGLT1 et recuit simulé

Le dernier projet que nous avons entrepris avait pour objectif l'élaboration d'un modèle cinétique de SGLT1. Une telle approche est intéressante car elle révèle de l'information concernant les liens dynamiques qui existent entre les conformations stables d’un cotransporteur en se servant de la théorie d’Eyring. Dans ce formalisme, deux états adjacents sont séparés par une barrière d’énergie dont la hauteur, qui peut être modulée par le , permet de déduire la fréquence moyenne à laquelle un cotransporteur effectuera une transition entre ces états. Dans le cas de SGLT1, les modèles cinétiques basés sur la théorie d’Eyring qui ont été proposés depuis le clonage du cotransporteur ont tous été construits de façon à recréer le mécanisme d’accès alterné, un concept qui est maintenant appuyé par l’obtention des structures de plusieurs cotransporteurs adoptant l'architecture de LeuT, mais

qui s’étend aussi à d’autres familles structurelles (Krishnamurthy et al., 2009; Boudker and Verdon, 2010; Forrest et al., 2011). Cependant, même si une vingtaine d’années se sont écoulées depuis la publication des premiers modèles cinétiques de SGLT1 fondés sur des données d’électrophysiologie extensives, il n’existait pas, au moment d’entreprendre les travaux de cette thèse, de modèle général décrivant de façon précise les courants du cotransporteur en fonction de [Na+]o et de [αMG]o.

Nous cherchions donc à établir un tel modèle, mais aussi à améliorer la façon de juger de sa qualité. En effet, jusqu'alors l'analyse de la justesse d'un modèle avait toujours été basée sur la comparaison de la dépendance en voltage des constantes de temps extraites de lissages exponentiels des données expérimentales et des courants simulés. De plus, il n'existait aucune technique permettant de déterminer directement l'ensemble de paramètres d'un modèle cinétique décrivant un groupe de données expérimentales. Dans le but de proposer une solution à ces problèmes, nous avons eu l’idée d’utiliser le recuit simulé (SA). Cette technique robuste d'optimisation nous permettrait de déterminer les paramètres et la structure du modèle cinétique le plus simple capable de reproduire les courants transitoires et stationnaires de SGLT1 en fonction de , de [Na+]o et de [αMG]o.

2 Méthodologies

La section suivante constitue un résumé des techniques expérimentales et théoriques que nous avons utilisées lors des travaux qui ont mené aux résultats qui sont présentés dans cette thèse.